Watermelon sugar | ft Skye

- Watermelon sugar -

Tastes like strawberries on a summer evenin' and it sounds just like a song. I want more berries and that summer feelin'. It's so wonderful and warm. Breathe me in and out.

Au sein de votre magnifique hôtel romantique, tu peux voir à ton réveil, la Méditerranée envahir ton horizon et éblouir ton esprit. Si cette vue te rappelle celle de la maison, tu dois admettre que le bleu de la mer Egée est plus intense que le bleu de l’océan Pacifique. C’est un bleu translucide, féérique, cristallin. Des nuances magiques te rappelant le bleu des yeux bleus de Skye, tes éternelles abysses. Et tu les sens sur toi comme une caresse chaude et suave capable d'éplucher les couches de ta peau. Un véritable festin.
Tu finis par ouvrir une paupière puis l’autre pour découvrir Skye, en train de te fixer, silencieux au bord de ton chevet. Il a sur le visage, ce sourire béat lui donnant l’air un peu stupide. L’air stupidement amoureux. “Reviens te coucher” car le lit nuptial est trop grand et trop froid et trop vide sans son corps contre ton corps en train de t'engloutir de toute sa hauteur “le soleil est à peine levé” donc vous n’avez aucune raison de quitter votre suite princière et tu le tires vers toi d’un geste ferme pour le ramener à tes côtés.
Commence alors, au milieu des éclats de rire, une mêlée attisée par le désir de l’un, l’envie de l’autre. Tu veux qu’il retire ses vêtements. Skye veut que tu t’habilles. Tu veux qu’il se glisse contre toi, en toi. Skye veut que tu te lèves. Tu veux qu’il te mange toute crue. Skye veut que tu manges le petit déjeuner commandé et préparé et livré. “Donne-moi une bonne raison” de ne pas mal interpréter son refus de te grimper dessus. Une surprise. Il te prévoit une surprise. Ah. Et cette surprise nécessite de se presser ? Il semble bien. Alors tu acceptes, après des négociations sensuelles, de coopérer.

Vous voilà donc, à prendre le bus comme n’importe quel touriste du coin souhaitant explorer l’archipel de Santorin et s’aventurer sur les terres recluses, loin de la foule. Pourquoi le bus et pourquoi la Grèce ? Destination de votre lune de miel choisie par Skye. Cela n’explique pas le bus, non. Ce dernier semble, d'après lui, le moyen de transport le plus rapide de se rendre à la mystérieuse surprise. Tu ne sais pas d’où il tient cette information car dans ton monde à toi, un hélicoptère c’est vachement plus rapide qu’un bus.
Cependant, du moment que tu peux faire de jolies photos et acheter de jolies tenues et siroter de jolis cocktails (sans alcool) dont l’ensemble finira sur ton compte Mirror, tu suis sans broncher. Ou presque. Tes questions pour alimenter le trajet et ses réponses pour remplir le test de la revue californiente, évaluant l’espérance de vie des couples mariés. Le mariage change la donne, paraît-il. Tu ne vois pas comment puisque vous vous fréquentez depuis six ans.
Hormis vous rapprocher davantage, votre mariage ne va rien changer à votre relation actuelle. “Choisis la réponse A, on aura plus de points” et vous devez obtenir un score élevé. Alors Skye passe de la réponse j’aime ses défauts, à la réponse  j’admire ses défauts, sans que cela ne biaise aucunement le quizz. Après tout, il se contente de suivre tes conseils et c’est la base d’un mariage, non ? Faire confiance à son partenaire, céder sous la menace de son regard tempête, se vouer corps et âme au moindre de ses caprices. N’importe quel site internet en parle. “Du coup, t'admires vraiment mes défauts ?” tu lui poses la question avec un sérieux à tendre l’atmosphère.

Difficile de ne pas admirer ta cruauté langoureuse ou ta connerie monumentale mais nul besoin de choisir entre les deux. Sensible à la détresse de Skye, l’univers décide de l’aider. Ainsi le bus s’arrête avant qu’il n’ait pu se cramer le cerveau et vous descendez au sein d'un petit village. La visite est écourtée par le plan de ton amoureux, consistant à vous éloigner des rues pavées et vous enfoncer au cœur de la nature. Sereine au début du périple, tu captures les paysages au gré de la distance parcourue. Puis au bout d’un moment, se pose la question la plus importante de toutes les questions importantes.
“On arrive quand ?” Un air de déjà vu dont il se souvient peu en raison de son taux d'alcoolémie cette nuit-là. Toi tu te souviens, de l’ivresse, de la sueur, de la saveur de votre amour éclaté au sol et tu replonges au coeur du massacre, dénuée d'un quelconque sens de préservation. “On arrive bientôt ?” tu t’en fiches du nombre de minutes restantes, un simple oui te suffit amplement. Sauf que tu le soupçonnes d’être perdu avec sa carte de voyage merdique et son sens de l’orientation merdique. Dommage qu'il n'y ait aucun réseau vous permettant de retrouver le bon chemin grâce à un GPS.
Mais le drame, le vrai drame prend forme quand tu lui annonces cette incroyable nouvelle plutôt inattendue compte tenu de ton effort vestimentaire: “j’ai pété ma sandale” et c’est une catastrophe parce que tu ne peux plus marcher. Rectification : tu refuses de marcher pieds nus sur la roche et la terre. “Faut que tu me portes” évidemment. Tu utilises alors le dos de ton amoureux pour faire les prochains kilomètres. “Tu sais” qu’un être humain peut survivre sans oxygène pendant 3 minutes ? Une chance, Skye est métahumain, il peut largement tenir trois heures avec tes bras autour du cou bloquant ses voies respiratoires. “Le bleu est ma couleur préférée” depuis que tu le connais.

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Tes bras minuscules pour l'étouffer de ton amour trop grand. Trop puissant. A lui couper le souffle. Tu ne t'en rends pas compte, distraite. Ton regard balaie l'horizon, ton corps savoure le contact, souhaite le prolonger sans répit. C'est seulement les genoux claqués à terre et les poumons en recherche d'air que tu finis par descendre de son dos. Il semble épuisé pourtant vous n'avez même pas fait dix kilomètres.
Skye commence à se faire vieux.
Skye commence à stocker du gras.
De retour en Californie, tu vas devoir le surveiller. Ton amoureux doit être en forme. Toujours. Pour (sup)porter, non seulement ta carcasse mais aussi et surtout ta connerie. Votre avenir en dépend. Tu le regardes se remettre de l'exercice, les pommettes cramoisies tandis que tu vérifies ton portable. Pas de barre. Pas de réseau.
Décidément, vous êtes vraiment perdus.
"T'es sur de toi là ?" Si tu as absolument confiance en ta moitié, tu te montres néanmoins perplexe sur certains points. Comme sa capacité à s'orienter dans la nature. Et la vie. Preuve étant, avant de te rencontrer, il était paumé. A se niquer l'âme en vain. Maintenant au moins, il son âme nique avec la tienne. "Oh une église." Le son de la cloche dont tu te fiches éperdument. La présence du lieu sacré jugée inutile, davantage intéressée par la perspective d'un restaurant ou un café afin de siroter un truc à boire. D'une plage ou une place à prendre en photo. D'une boutique à dévaliser. D'un hôtel dans lequel baiser encore et encore et encore.

Mais Skye veut se rendre à l'église.
Tu ne le soupçonnes pas une seule seconde d'avoir prévu de s'y rendre ensemble pour te forcer à célébrer votre union sous la bénédiction de Dieu. Conversation évitée. Chantage déposé sur la table. Le mariage célébré avec tous les invités lors d'une cérémonie religieuse oui. Le mariage célébré en toute intimité durant une messe merdique non. Compromis trouvé grâce à la mairie et ton nom n'est plus vraiment ton nom mais son nom devient ton nom.
Lane remplace Marvella au comble du bonheur.
Femme épanouie par les attentions amoureuses, les étreintes fiévreuses, les bêtises langoureuses. "Y a p’t’être des vitraux tu sais, comme dans l’reportage qu’on a vus sur l’Europe médiévale." Tu n'as aucun souvenir de ce qu'il mentionne. Occupée 90% du temps lors de ces émissions nulles à chier par quelque chose de plus phénoménale. Notifications de ton téléphone ou fellations de ton homme. Deux loisirs routiniers. "Je m'en souviens pas" et tu t'en bats les ovaires. Du moment que la pause spirituelle est rapide.
Ta main vient récupérer la sienne sans plus le lâcher. Peau contre peau avec un filet de moiteur. Tu déclines l'offre de te porter car vous êtes assez proches de l'église mais voilà qu'il commence à te presser. Skye soudainement inquiet. Skye étrange. Sans raison apparente. "Pourquoi tu t'agites ?" Ta voix fracasse son délire. Ta cadence le met à rudes épreuves alors qu'il tire ton bras telle une poupée à ramener à la maison (du seigneur).

"On s'éternise pas hein." Mise en garde formulée dès les portes franchies. T'as pas envie de passer des heures ici, à respirer l'encens et recevoir le sacrément, le cul posé sur un banc ou dans le confessional. La tête virevolte d'un côté puis de l'autre pendant que le regard s'aventure près de la voûte centrale de pierre, magnifiquement sculptée. Les vitraux en revanche, ils sont laids. Mal entretenus. Recouverts d'une couche de poussière et d'un amas de crasse. Surement de la fiente céleste cumulée.
Tu tournes ta silhouette vers Skye, livide. Est-ce qu'il fait une descente d'organes ? Non, il retrouve simplement son souffle. "C'est bizarre tu trouves pas ? Y'a personne." Personne n'allume de cierge. Personne ne récite de prière. Personne ne semble oser troubler la quiétude du saint tout puissant. Excepté vous. Et un individu en costume médiéval. Wow très réaliste. "Sauf ce gars super chelou." Le prêtre désigné d'un mouvement de menton. Tu l'observes et il vous observe durant de longues inspirations, de bruyantes expirations. "J'crois qu'il nous imagine à poil." Ton imagination déborde toujours plus. Ton imagination rend le peuple fout de toi.
Car tu es persuadée, partout où tu vas, que les gens veulent te sauter. Et comment leur en vouloir ? Déesse de l'amour élue convoitise universelle. Encore plus désirable depuis le mariage. Valeur multipliée en raison de ton indisponibilité. Enchantress savoure sa place sur le podium quand tu te préoccupes de choses tellement plus vitales. "Moi j'arrive pas à imaginer sa petite bite." Ta franchise, une dénotation qui résonne à travers toutes les strates de l'univers. Amen.

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Ta connerie pour contaminer son esprit et son esprit pour sublimer ta connerie. Une connexion parfaite. Tu te marres, sourire de pétasse aux lèvres, en train d'imaginer les images salaces lui consumer la cervelle quand il met subitement fin à la parenthèse. Un mot. Un mouvement. Et tu traverses l'église, le museau relevé vers la voûte centrale céleste. Puis la voix de Dieu, ton Dieu te ramène sur terre. Près du prêtre sans queue.  
Ton prénom, dévoré de moitié, résonne entre vous. Tu le regardes passer de la teinte macchabée à la teinte crevette. "Pourquoi t'es tout rouge ?" Ton prénom, prononcé en entier, comme un rappel à l'ordre ou un cri de détresse ou une déclaration d'amour. Difficile à savoir. Tellement rare. La suite soufflée te rend encore plus songeuse. Tu ne captes pas de quoi il te parle mais par habitude, remues le portrait d'un air très concerné. Jusqu'à te prendre la rafale du siècle.
Ton amoureux, genou à terre, en train de demander ta main. Pour la première fois. Après avoir accepté de te filer sa main à lui quelques mois auparavant. Dans une baignoire. Un matin. Ou un soir. Ou une après-midi. Aucune idée. Aucune sorte d'importance. "Oooooh" miaulement venu du coeur face à la vision des anneaux. Tu n'attends évidement pas qu'il aille au bout de sa performance et t'empresses d'attraper la bague, l'enfiler, vérifier qu'elle aille parfaitement à ton doigt. Le curé s'approche alors de vous, prêt à commencer sauf que son immersion au milieu de votre moment langoureux t'extrait violemment de ta niaiserie.

Bulle éclatée, l'expression de ton visage change. La béatitude remplacée par un début de crise d'épilepsie. "Tu te fous de moi là ?" Pas la réponse attendue à la question posée et ton regard dérive vers les bancs vides dont la simple vision te crame un peu plus la rétine. Il est sérieux. Vraiment sérieux.
Skye croit que tu vas te marier au sein de cette église super moche avec ce type supra chelou sans personne d'autre pour assister à votre mariage ni même prendre de photos ! Et vous allez faire comment, mettre le retardateur ? Jamais de la vie. "En fait t'en as rien à foutre de ce que je te dis ?! Sortez les violons et convoquez les pleureuses car la reine du drama vient de se réveiller. Tu fulmines au point d'avoir, à ton tour, les joues virant cramoisies.
"J'ai demandé un truc, un seul truc en échange de ce mariage religieux auquel tu tenais tant !" Le prête recule discrètement d'un pas, touché par la grâce divine lui conseillant de s'éloigner du massacre à venir. "Un vrai mariage !" fidèle à ta vision avec une allée fleurie, une musique d'ambiance, une église pleine à craquer de vos proches et d'une liste d'invités triés sur le volet et d'une horde de photographes te mettant en valeur à chaque prise. "Pas un putain d'enterrement !" Avec une allée vide, une musique inexistante, une église déserte et bouquet final, le must du must que tu n'as pas mentionné mais te fait bouillir davantage, ton look de gueuse. En témoigne ta paire de sandales dans la paume de ta main et ta plante de pieds épousant la crasse du lieu sacré.

"Tu voulais même pas te marier à la base et maintenant faut tout faire urgemment car Skye Lane est sur le coup ?! Faut vite aller à la mairie, faut vite récupérer la robe, faut vite que je porte ton nom et faut vite avoir la bénédiction de dieu ?" Le problème n'est pas du tout lié au délai comme le problème n'est pas, finalement, lié au mariage. Le problème est bien plus profond et douloureux. "BAH TU SAIS QUOI J'EMMERDE DIEU !" Et la tronche pivote vers le curé qui continue de s'éloigner de la scène, muselé par respect ou crainte. "Ouais vous avez entendu !" Qu'il soit témoin de ta crise de nerfs cosmique.
"ET JE T'EMMERDE AUSSI !" Les billes revenues saccager la frimousse de Skye avant de tirer ta révérence. Dix secondes. Trois pas. A peine une respiration. T'es déjà de retour vers lui, la bague toujours au doigt, la colère aggripant le bout de la langue. "Et tu sais ce qui me fait encore plus chier que l'idée de me marier dans cette tenue, c'est que si j'étais pas enceinte on serait même pas encore marié !" Voilà le véritable fond du problème. L'angoisse perpétuelle de ton quotidien : la crainte viscérale de ne pas lui suffire. T'empêchant d'être pleinement heureuse et d'apprécier la surprise et d'hurler un oui à lui péter les tympans. Persuadée que son bonheur dépend non pas de toi mais de votre bébé.
Ce bébé miracle annonciateur d'une nouvelle ère qui au bout du compte, ravive tes traumas et alimente tes peurs comme un baril d'essence balancé dans un feu de cheminée.

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Ça sonne trop vrai pour être faux mais ta réalité souffre d'une recrudescence du passé qui nique un peu ta perception du présent. Juste un peu. Et quand Skye sort finalement de sa torpeur, avale la distance qui vous crève le coeur, tu replonges davantage dans les filets de ce passé cinglant. Saignant.
La langue dérape et la paume emprisonne le poignet. Tu regardes sans réagir, ta peau écrasée entre ses doigts comme mâchouillée entre ses molaires, devinant les nouvelles marques se former. Puis sa bouche t'avale. Te propulse vers l'avant. L'avant quoi ? L'avant tout.
Avant la surprise. Avant le mariage. Avant le bébé. Avant l'avenir prosterné à vos pieds. Tu contredis pas la version avancée. Le souvenir partagé, intact, exact. Seulement c'est un souvenir et des souvenirs vous en partagez tant. Des promesses aussi, qui n'en sont pas forcément. Car Skye dit, proclame, atteste d'un tas de trucs sans s'y tenir, s'enfonce au plus tendre du déni quand ça l'arrange et s'en tire quasiment toujours avec le beau rôle. Tu lui facilites souvent la tâche, à cause de ton ascendant de connasse mais cette fois, ouais cette fois, c'est vraiment pas ta faute. Cette fois, le gros connard de l'histoire, il assume pas du tout son rôle.
Tu sais toi, tu sais que si votre petit muffin ne poussait pas dans ton ventre, vous seriez pas là où vous en êtes. Pas de papiers signés à la mairie. Pas de robe facturée plein tarif. Pas de beau-papa enterré sous les nouveaux cactus. Vous seriez encore loin, d'avoir franchi ces étapes cruciales à votre futur radieux. Donc ces belles paroles, il peut se les carrer bien profond.

Le sourire dérape au coin de la bouche lorsque sa bouche mentionne la petite. Le sourire mauvais. Celui qui tort les intestins, liquide les espoirs. Celui qui sent les problèmes au point de devenir un emblème. Le sourire accompagne le souffle chaud, lequel ajoute une secousse supplémentaire à ce raz-de-marée. "Elle y est déjà" en plein dans votre merde. Qu'il le veuille ou non, Cassie va baigner dedans. Aucune échappatoire malgré la volonté de l'en épargner. Faut vraiment être con ou naïf pour croire que la progéniture issue de vos gênes merdiques, de vos drames sempiternels, de vos cervelles ravagées, va échapper à son destin. Mais tu gardes pas longtemps le sourire anéantissant sa douce utopie, manquant de percuter sa face dès lors qu'il tire sur ton poignet. Impose une proximité oppressante, confortable, périlleuse.
Tu t'attends à des menaces. Tu captes des murmures. Des murmures qui amorcent la débâcle. Skye abandonne la lutte sans abandonner la quête, tente à sa manière, de t'expliquer la raison de votre présence ici. La raison du curé. La raison de la cloche. La raison de l'église vide. Pourquoi tant de vide ? "Evidemment" que tu comprends rien et que personne comprend rien sinon Skye ne serait pas Skye avec ses pensées philosophiques et ses schémas répétitifs et ses obsessions corrosives. Skye est ton énigme. Skye est aussi ton évidence.
Alors quand il te menace de toute sa masse, tu n'bouges pas, le sort scellé au sien, la violence en option qui démange plus qu'elle n'explose au quotidien. Tu avales ta salive fumante au fond de la gorge, trop d'émotions stagnantes pour ne pas avoir envie de dégueuler. L'envie contenue, l'écoute captivée par chaque mot et respiration qu'il prononce. Des aveux en échos. Ça gargouille et ça gamberge. Ça ramène sur le devant l'essentiel.

Ça rappelle également l'existence de ces différences entre vous qui ne s'estomperont jamais. Ses désirs déterminés à saccager les tiens mais est-ce réellement un massacre lorsque la finalité te fait sentir aussi vivante ? La colère gronde moins fort. La colère s'estompe. Glisse des cervicales aux vertèbres. Dévale la colonne. Se retrouve coincée en route. Une slave pour la retenir. La réanimer.
"Je t'accorde tout !" Tout ce qu'il veut tout ce qu'il réclame tout ce qu'il estime important à son univers. "Tout le temps sinon tu chiales comme un gosse de cinq ans !" Incapable de retenir sa morve ou trop stupide pour laisser une grosse connasse comme toi lui exploser le coeur, encore, toujours, chaque fois. "Et me dis pas de me casser, t'as promis" qu'il la laisserait plus partir. Les promesses de Skye, une fois sur deux, des actes manqués. "T'as..." la voix se fissure sous la menace du sanglot mais tu t'efforces de ne pas céder. Ne pas faiblir. Demeurer stoïque. Se souvenir de l'essentiel. Ce putain d'essentiel.
Tu t'éloignes le temps d'une longue inspiration, d'une plus interminable expiration. Est-ce qu'il te retiendrait vraiment si tu décidais de traverser cette allée et de claquer la porte de l'église ? Tu cherches pas à le découvrir, entames seulement de quitter l'estrade et te laisses tomber sur un des bancs. "En quoi cette promesse est différente ? T'as dit que c'est une promesse de ton âme et d’la mienne mais on s'est déjà fait cette promesse. Alors en quoi celle-ci est différente ?" Si la première promesse comptait, si elle comptait vraiment, pourquoi faudrait en refaire une ? Car ouais franchement, tu comprends pas. Combien faut faire de promesses pour que l'une d'entre elles suffisent ?

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Le regard perdu à l'horizon, égaré aux contours d'une oeuvre accrochée au mur telle la plus grande merveille du monde. C'est faux. Celle-ci grandit dans ton bidou. Créature adorée. Progéniture façonnée par une myriade de conneries et d'excuses et de déclarations qui n'en sont pas vraiment sauf pour deux cinglés comme vous. Tu ne bouges pas du banc quand son odeur serpente jusqu'à tes narines et que sa peau entre en collision avec la tienne, déclenchant des sensations toutes plus intenses les uns que les autres.
Bras croisés, comprimant la poitrine, le dos s'enfonce un peu plus au creux du dossier rigide. Vos disputes n'ont plus la même saveur qu'avant. Elles sont pénibles à endurer. Et pourtant, se terminent en un soupir ou un sourire. Tu écoutes, l'explication donnée sans un bruit ni un mouvement. Souhaitant comprendre, véritablement.
Autant dire que l'explication est à chier.
Elle balance sur tes pensées un nouveau lot de confusion. Peut-être bien accentuée par l'anxiété palpable de Skye. Au-delà des mots, une infinité de signes, de gestes, de respirations qui noie l'attention. Tu l'écoutes presque plus. Sa bouche. Tu l'écoutes trop. Son corps. Et les deux finissent par s'exprimer d'une voix commune. La confidence te claque au visage. La confidence inattendue. Torse se redresse, tête se tourne. Pour observer les traits se mouvoir sur sa face. Décortiquer les sous-titres que la version originale censure. Mais ça dure pas longtemps. A peine une minute. Peut-être moins.

Tu veux l'interrompre. Le forcer à t'en dire plus. Quand la gangrène d'la queue t'arrache à tes doutes. Impossible de pas réagir, le sourire émerge, octroie une courte pause au milieu de l'hémorragie. Mais le rouge prend une teinte inédite quand Skye s'entaille un peu plus, dévoile cette foi qui l'habite et le guide et le rassure semble-t-il.
Tu dois avouer que ça te surprend même si tu te souviens, ouais, tu te souviens de votre discussion. Mise sur le compte de la fatigue, de l'émotion. Un dérapage supplémentaire lors de votre course folle. Beaucoup de sang et la naissance d'un tatouage d'âme-soeur. "Je crois que si Dieu existait vraiment, on se serait pas rencontré toi et moi." Contrairement à lui, t'y crois pas. Enfin t'y crois plus. Depuis un bail maintenant. Un drame. Car un Dieu laisserait pas un enfant tuer son parent. Un Dieu laisserait pas un parent battre son enfant. Un Dieu laisserait pas la violence effacé l'amour à ce point. Un Dieu aurait déjà fait le nécessaire pour te rayer de la surface de la terre et t'empêcher de foutre en l'air la vie d'autant de gens.
Y'a pas de Dieu d'enfer ou de paradis.
C'est pour ça qu'il faut se démener, tout le temps. Pour ça que tu passes ton temps à beugler. "On serait pas marié ensemble, ni sur le point d'avoir un enfant." Skye aurait une autre femme avec une autre famille dans un autre coin du globe. Il aurait aussi du ventre à force de boire trop de bière, des cheveux poivre-sel et une barbe assortie (toujours). "On serait pas là, comme on l'est, à cet instant..." le regard bascule vers la bague au doigt, main étalée à même la cuisse.

"J'crois pas non plus que j'arriverai un jour à remettre ma vie ou la tienne ou la sienne" votre fille que tu considères comme un miracle. Un miracle de la nature, de l'univers, non d'un être de lumière soit disant à l'origine du monde "dans les mains du Dieu dont tu penses avoir besoin" au final, c'est pas si surprenant que Skye attribue tant d'importance et de crédibilité à cette entité mystique. Il a toujours obéi à une force supérieure et pendant longtemps cette force c'était Sparte. Une force ne prenant pas vraiment de soin de lui.
Encore aujourd'hui, elle l'utilise à ses dépens quand cette nouvelle force semble le propulser vers l'avant, vers du mieux. Skye l'a dit. Il veut s'accrocher à ce que vous avez construit au rythme des années. Survivre chaque jour afin de savourer les efforts fournis. Et te revenir. Skye doit toujours te revenir. "Mais j'comprends pourquoi cette promesse te tient à coeur." Pourquoi cette église pourquoi ce moment pourquoi cette surprise pourquoi cet anneau pourquoi ce voyage.
Les parce que limpides.
Tu laisses tomber ta tête sur son épaule, glisses ton bras autour de son coude. Tes doigts viennent chercher leurs semblables, s'y accrochent, s'y perdent. Sa paume immense engloutit ta paume minuscule et tu cèdes à sa requête sans plus émettre la moindre objection. "Alors j'veux bien qu'on le fasse ici." Tu acceptes de lui accorder ce désir mué en volonté essentielle, mettant de côté ton propre désir relégué à plus tard, un jour, peut-être. La priorité étant de soulager Skye.

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A peine l'éclat virulent s'achève qu'un autre reprend. Pas de répit. C'est le tempo de votre vie. Skye ne peut pas croire pour vous deux. Enfin si, il peut mais Skye ne veut pas croire pour vous deux. S'étrangle avec ta confidence sans chercher à la comprendre. Par contre, exiger que tu le comprennes, ça oui. Le reproche dégouline de sa bouche alors que sa main se referme sur la tienne.
"Pas rien du tout" que tu réponds mais il n'écoute plus un mot extrait de ta bouche, perdu ou pendu à ses souvenirs d'antan et théories existentielles. En train de refaire le film de votre histoire, comptabiliser le nombre de fois où Dieu est intervenu pour te balancer ses médiations divines par ordre d'importance terrestre. Entièrement tournée vers lui, tu l'observes s'enliser dans un tourment sans fin comme il sait parfaitement le faire. Ton éternel romantique.
Tu l'aimes à crever mais parfois t'es tentée de le crever pour qu'il la ferme et tu te retiens présentement de tordre ses phalanges quand sa langue aligne les pourquoi. Surtout que tu viens, à l'instant, vraiment à l'instant, d'accepter sa requête. Inspiration. Expiration. Calme intérieur. Pensée positive et toutes ces conneries lues durant le trajet en bus. Aucune d'entre elles ne fonctionne.

Heureusement, Skye perd le contrôle avant toi, écrabouille ta paume, écrase ta mâchoire entre ses doigts. T'empêche de partir en fumée, vrille pour vous deux à défaut de croire pour vous deux.
"Pas aussi quoi ?!" Amoureuse ? Stupide ? Tarée ? Le regard change, la tempête gronde. T'en as assez de l'écouter postillonner sa pseudo indignation de merde comme si tu avais rayé son égo à coup de langue. Vous savez tous les deux que son égo, il est mort le jour où vous vous êtes rencontrés. "Et quoi ? Tu veux que je te dise quoi ?" Cette fois plus de retenue au menu. La voix s'élève parmi les anges conviés à l'union, attendant patiemment que vos esprits enflammés se calment ou se consument.
"J'crois pas que Dieu existe mais j'ai jamais dit que je croyais en rien." Sa poigne retirée de tes joues, à nouveau rougies par l'émotion. Rouge passion. Rouge colère. Rouge de vos excès en folie. "Et ça s'est pas passé comme ça, t'es un menteur un putain de menteur." Rapport de force inversé. Ses doigts deviennent prisonniers de tes griffes. Ongles menaçant de transpercer la chair. "C'est toi qui m'a trouvée !" Rectification, Skye a bien failli te buter ce jour-là. Assurément, le début d'une formidable idylle entre deux êtres stables et sains.

"Toi qui m'a vue au-delà d'elle." La créature fictive, la connasse furieuse. Enchantress s'efface dès lors qu'il occupe ton horizon, ne demeure qu'El. Les autres identités disparaissent au gré de ses caresses, secousses, ripostes. "Toi qui m'a sauvée." D'une chute mortelle. Divinité égarée en pleine route, écartelée par trop de désirs contradictoires. Humanité éteinte d'années en années, presque plus rien à raviver. T'étais en train de clamser avant qu'il te force à reprendre vie, te projette au sein d'une nouvelle galaxie. La vôtre.
"Je serai pas là aujourd'hui sans toi." Sans son amour vorace capable de remplir ton vide, cajoler ta peine, atténuer ton trauma. "Je serai pas mariée ni enceinte." C'est lui qui voulait solidifier votre relation, la préserver des vautours, la rendre plus harmonieuse, lui qui voulait d'un chien non d'une plante verte, lui qui voulait d'une famille. "Alors arrête de te cacher derrière lui ! Tu peux le prier, l'aimer, lui demander pardon mais te cache pas derrière lui."
Sans t'en rendre compte, t'as relâché ton emprise. La main se contente de tenir, ne cherche plus à anéantir. "Si tu veux qu'on se marie ici, dans cette église, devant Dieu, faut que t'assumes ton rôle." Qu'il capte, intègre, accepte, envisage enfin de ne pas être le détonateur de votre relation. Ça n'a jamais été lui. "Sinon ta promesse, elle vaut rien."