The Upside Down ft Skye

THE UPSIDE DOWN I said, Doctor, ain't there nothin' I can take'. I said, Doctor, to relieve this belly ache?' You put the lime in the coconut, you drink them both together, put the lime in the cocount, then you'll feel better. Put the lime in the coconut, and drink them both up, put the lime in the coconut, and call me...

Silhouette diffractée ; sa gueule dans le décor. La mandibule percute le dur du sol ou d’un mur, les paupières battent au vide et lui suppose qu’il est mort. Son fusil lui échappe autant que le sens de la vie. Skye goûte au ferreux de son sang, répandu sur ses papilles. Les gencives saignent de s’être mangé l’invisible.
Il se souvient. Il se souvient de quoi.
Il ne sait pas.
Un mec sans tête et le silence du monde.
Les coups de feu et les voix robotisées de ses collègues.
Une intervention en bordure du sud, des saloperies de mutants déchirant la quiétude de la cité et puis.
Et puis plus rien.
L’univers éteint, et sa psyché niquée par quelques coups endurés. Son crâne prêt à péter autant que son cœur bondissant au poitrail – il n’est rien qu’une putain de bête estropiée. Les côtes douloureuses et l’envie de hurler.
À l’intérieur de son casque, il étouffe.
Les battoirs cherchent à le retirer mais les doigts glissent, les doigts sont gourds. Les phalanges difficiles à plier et la respiration piteuse. Elle siffle. Elle siffle des manques et de l’urgence qu’il ressent. L’instinct de survie allumé sans qu’il n’en prenne conscience. Sa persistance à endurer et emmerder la galaxie plus forte que tout. Plus forte que lui-même. Mutation cisaillant son être, boursoufflant ses veines. Une envie de dégobiller l’étreint si brutalement qu’il n’entend pas, la voix. La voix du connard qui lui ébouillante les neurones, lui liquéfie les sens. Un cri pour un reproche dont il se branle absolument.
Le casque enfin retiré, c’est un flot de gerbe qui s’échappe de sa trachée, remonte entre ses poumons, le défonce. Râles gutturaux émergeant de sa bouche grande ouverte. Son repas du midi y passe autant que son déjeuner au matin. Les jets éclaboussent ses ongles, glissent dangereusement jusqu’à ses genoux pour imbiber son uniforme. Le recul est rapide. Sa masse bascule et son derche rejoint le carrelage de l’endroit.
Et enfin, ses prunelles lagunaires s’acclimatent à l’ambiance. Une ambiance glauque, irréelle, qui le laisse immobile et silencieux – sa bonne santé définitivement altérée. Le mouvement perpétuel dont il est victime, désormais contraint par l’ébahissement et le malaise enduré. Sa mutation lui bousille les perceptions et sa chiale menace l’emporter. Écœurement intime, rébellion futile.
Son attention se déporte d’un meuble à un autre, dérape sur les hauteurs, lit sans les voir les lettres formant des mots comme autant de messages incompréhensibles. Rien ne change jamais. Même lorsqu’on savoure un monde fait de monstres – un arrière-goût de déjà-vu. Des mois – une presque année auparavant. Est-ce que la Monstresse l’a de nouveau gobé ? Impossible putain d’impossible. Il ne l’a pas vue. Il ne l’a plus croisée depuis une éternité. Disparue de son horizon aussi surement qu’une mouche à l’hiver. Alors quoi.
Quoi putain.
Réveille-toi.
Il inspire, longuement.
Expire par le nez. S’efforce de faire les exercices qu’on lui a inculqués, pour ne pas vriller, péter un plomb, tout dégommer.
Les poings comme deux boules de rage prêtes à tout saccager.
– BIENVENUE DANS L'UPSIDE DOWN...
– Mais ta gueule putain, il marmonne.
Se tenant un bout de face. La paume entière pressée à son profil droit. Comme pour s’empêcher de tomber en morceaux.
Skye plisse les paupières, cherche à saisir ce qu’il a en face.
– T’as pas une aspirine ou un truc…
Du pur délire, consommé sans modération.
– J’avais-
Il avait une arme, à un moment donné. Il avait aussi son unité avec lui et le sentiment du travail bien fait. Tout ça, disparu dans les méandres de l’incompréhensible.
Les sourcils froncés, une grimace peinturlurant ses ridules. La bouche tordue par la douleur autant que par la vision.
– T’es Dieu ?
La question pragmatique. Dépourvue d’une émotion qui trahisse l’angoisse. La peur qu’il ne ressent que lorsqu’Elle est avec lui.
Qui ça.
Qui ça.
Souviens-toi.
– J’suis mort ?
Skye se redresse. Prend appui sur son bras gauche, contracte les muscles du bide et des jambes.
Son équilibre précaire lui fait à écarter un peu les bras. Ses guibolles menacent de céder sous son poids.
– Merde c’que t’es moche.
Il imaginait Dieu comme sur les images des églises, comme sur les statues ; la croix et l'agonie. Pas un putain de mec avec un masque de souris bleue hurlant pour se faire comprendre.
– Mec, j’peux pas crever maintenant.
Il ne peut pas se le permettre. À peine marié et père d’un enfant dans moins de six mois.
– J’ai des projets tu vois.
Évidemment qu’il voit, qu’il sait. C’est Dieu. Et Dieu est omniscience et omnipotence. Dieu est Tout.
– Du coup, faut qu’tu me renvoies. Comme l’autre fois.
L’autre fois en multitude de fois. Skye ayant chevauché la mort et l’ayant dégustée assez pour se savoir parfaitement apte à exister, là, tout de suite. Preuve qu'il a grandi, mûri, puisqu'il est prêt à se construire une vie à défaut de la démolir.
– Putain c’est super nul.
Ici. Le paradis. Parce qu’il est forcément au paradis. Il a fait assez de sacrifices pour racheter ses conneries, depuis quelques mois. Il a même décidé d’aller à l’église une fois par semaine pour confesser ses péchés et jurer qu’il allait faire des efforts.
Sans patienter davantage, Skye rejoint le comptoir non loin d’eux. Se traîne et se tient toujours la moitié de la figure, de crainte qu’elle ne tombe. Buste appuyé sur la surface rencontré. Il se hisse sur la pointe de ses bottes, cherche un bouton, une alarme, un truc sur lequel appuyer pour que l’ascenseur de l'existence le renvoie là où la grosse merde de mutant sans tête l’a laissé.
Sans plus porter la moindre attention à Dieu, il dit : n’empêche, t’aurais pu… j’sais pas, m’aider un peu pour buter mon père.
À cela, la main gauche se lève négligemment et se secoue. Le gant noir dissimulant l’amputation de deux doigts sans que ça ne l’effleure trois secondes. Sa honte éprouvée chaque fois qu'il la voit, son dégoût de lui-même démultipliée depuis l'incident. Sa trouille, aussi, vicieuse et livide ; qu'il enterre sous une houle verbale saucée à sa crétinerie sans limites.
Se retournant, les vertèbres butant sur l’arête du comptoir, un long soupir est craché. Et les orbes océaniques retournent à Dieu ou-
– T’es pas Dieu, hein... ?
La cognition refaisant maladroitement surface.
– T’es sa secrétaire, j’suis sûr.
La colère coincée entre les ratiches, Skye postillonne sa frustration. Contemple plus attentivement son hôte. Les pupilles allant de bas en haut et de haut en bas. Les jointures crispées sur le bord du comptoir vide et blanc.
– Allez Bridget, montre-moi la putain d'sortie. Parce que j'peux t'assurer qu'Dieu, il veut pas d'moi ici.

THE UPSIDE DOWN I said, Doctor, ain't there nothin' I can take'. I said, Doctor, to relieve this belly ache?' You put the lime in the coconut, you drink them both together, put the lime in the cocount, then you'll feel better. Put the lime in the coconut, and drink them both up, put the lime in the coconut, and call me...

Éclat de rire et applaudissements en réponse.
– Désolé, je suis pas Bridget... Je suis... Je suis... Tiens c'est bizarre ça...
Voix étouffée par le masque en casque sans que ça n’interfère plus avec une quelconque humanité.
Sourcils froncés, mine revêche, Skye observe la souris bleue – le taré qui se prend pour une souris bleue. Un connard de mutant qui n’est donc pas la secrétaire de Dieu et qui ne s’appelle pas Bridget. Découverte du monde, découverte de sa nouvelle réalité. Le gros rat paraissant tout aussi paumé qu’il l’est.
Casque enfin retiré. Sous les poils couleur bleu électrique, un mec aux cheveux rouges. Une face adolescente. Une face qui lui donne envie de lui envoyer son poing. Les jointures dures en plein au milieu. Pour y démolir les ridules, les dents, le nez. Pour que rien ne subsiste de cette innocence crasse. Ce mensonge qui l’insupporte. Tout l’insupporte. Ce silence cette lourdeur ces odeurs – ce rien propagé à travers l’espace sans que ne subsiste un soupir du temps.
– Vous voudriez bien m'excuser quelques secondes, je dois vérifier un truc.
Grimace crevant sa tronche, Skye patiente.
Droit comme un bâton. Se retenant de lui larguer une saloperie ou de lui bondir dessus. Se contentant de dévier son attention. Les pupilles lâchant sa proie en prochaine victime afin d’analyser plus attentivement les lieux. Une bibliothèque ou un truc qui y ressemble. La fadeur de l’endroit saupoudré d’une poussière grésillante, électronique. Vision troublée par des sursauts du tangible, des cassures dans le code, des 0 percutant des 1 sans qu’il ne sache s’il délire sans qu’il ne sache s’il est mort – car le gros rat plus si rat, l’adolescent pas si adolescent, ne lui a toujours pas répondu à ce sujet. Et Skye brusquement doute qu’un tel endroit puisse être associé au paradis comme à l’enfer. Trop moderne, trop compliqué, pas assez chiant vieux et moche.
Et le mutant s’évade et revient, le mutant disparaît et reparaît. Le mutant cherche une échappée, cherche la putain de porte réclamée, cherche une explication à tout ce bordel, il imagine.
Jusqu’à ce que le cri percute ses tympans et l’éveille à nouveau pour le plaquer à l’instant.
– MAIS ELLE EST OÙ MA PUTAIN DE PORTE ?
– Bah j’sais pas, c’est c’que j’te demande.
– CREVURE !
La panique badigeonne la gueule de Bridget.
– QUOI ?! Hurle-t-il en retour.
Juste pour la forme. Juste pour lui prouver qu’il peut écraser sa voix de sa voix et qu’à ce petit jeu de cons, Skye est un champion.
Skye se recule de trois pas.
Lui briser une jambe ou lui fracturer la mâchoire. Il opte pour la mâchoire. Attend que l’autre s’approche assez pour que l’os cède sous l’impact.
– Et dire que je t'aimais bien, qu'est ce que t'a fait à mes portes ! Tu es complétement cinglé, remet moi mon pouvoir ! Ou... Ou…
Mais l’autre n’approche pas assez, l’autre gémit ses conneries.
– Oh ça va, arrête de chialer. T’es un mec ou pas ?
Car un mec ça ne couine pas et ça ne chiale pas. Un mec, ça s’est se montrer dur et fort ; ça affronte les emmerdes sans baver sa détresse au premier autre mec des alentours.
– Puis c’pas de ma faute si t’as un début d’alzheimar… alzheimer ? Alzhei… enfin t’as compris.
Et s’il n’a pas compris, Skye n’en a rien à foutre.
Interlude existentiel et métaphysique interrompu par un vacarme magnifique. Skye hausse les sourcils, observe Bridget devenue Britjoe ; Bridget n’etant définitivement pas de sexe féminin. La panique de Britjoe enfle, devient si grande qu’elle gonfle dans l’atmosphère. Il pourrait la goûter en sortant la langue, il pourrait la toucher en tendant le bras. Britjoe est trop sensible.
Entre eux, une première dalle se fait la malle. Une dalle aspirée par le vide intersidéral des lignes et des tressautements et de l’indicible carnage à venir. Nuée incompréhensible dans laquelle Skye baigne avec une presque indifférence – depuis qu’il sait que Dieu n’est pas là. Depuis qu’il sait que Britjoe n’est pas la secrétaire de Dieu ; tout a perdu de sa saveur et de son importance. Un énième cataclysme à affronter, une énième grosse merde à endurer. L’habitude endort toujours davantage son instinct de survie à la ramasse et sa bouche s’entrouvre. Cherche un mot de compassion sans qu’il n’y arrive, cherche une réplique assassine sans qu’il n’en déniche la moindre germe de plaisir.
Une seconde dalle disparaît dans les profondeurs abyssales de cet univers retranché dans les origines ou boyaux du cosmos. Skye se questionne. Se peut-il qu’ils aient été roté dans une galaxie lointaine. Star Wars version Wish.
– ON COURT ! Beugle brusquement Britjoe.
Et la souris bleue qui n’est plus une souris mais un faux adolescent déguerpit. Saute, s’accroche au comptoir qu’il dépasse et fonce droit vers la sortie. La foutue sortie que Skye lui avait réclamée très gentiment. Et les dalles continuent de tomber dans le néant et désormais les murs sont engloutis par le noir autant que le plafond autant que l’atmosphère lui-même.
La panique de Britjoe finit d’effleurer Skye, ses angoisses de lui piquer les nerfs. Les semelles ripent sur le carrelage restant, la dégaine mal assurée, il fonce par-delà les meubles et évite de justesse un trou béant.
Couloir traversé, Skye suit Britjoe. Britjoe bien plus rapide qu’il ne l’aurait cru. Un véritable rat balancé dans un labyrinthe. Sa meilleure possibilité d’échapper à la gorge profonde de l’univers qui paraît mourir de faim.
– MAIS ATTENDS !
Un ordre en cri, dessous se niche une supplique. Les sons mangés par la bouche sans dents, par le puits sans fond. Les notes gobées avant même qu’elles ne traversent l’air, ne s’épanouissent parmi les atomes et les protons.
Le vertige continue de lui ruiner les pensées et l’horizon. Le couloir n’a pas de fin, il tangue. Se frotte à un mur, un mur qui derrière lui n’existe déjà plus.
Et enfin, le dehors les accueille comme une mère chaleureuse.
Les bras grands ouverts, la poitrine sur laquelle écrasée leurs visages.
Sauf que cette mère-là est lugubre, et froide, et grise cadavérique et puante. Cette mère-là a pourri pendant des jours à l’ombre d’une ruelle malfamée, s’est fait découper les membres et recoller les yeux avec de la glu.
Genoux claqués au bitume fendu, sur le trottoir qui jadis était collé à la façade de la bibliothèque qui n’existe plus. Skye reprend son souffle, crache ses poumons. L’air pas assez ample, pas assez présent ; ses poumons luttent pour aspirer l’oxygène. L’atmosphère, rance, aussi solide que du ciment. Inhospitalière. Monstrueuse.
– Mec… il ahane. Mec c’était quoi ça.
Relevant le pif, Skye observe Britjoe à deux mètres sur sa droite.
– La bibliothèque…
Était une bibliothèque.
– Le reste.
Le monde dévoré par le monde, la gorge profonde, la bouche béante sans dents. Le rien laissé derrière eux. Le vide intergalactique que Skye regarde finalement, en se tournant. Le cul sur l’asphalte, le buste tordu.
Devant lui, un vide sans étoile et sans planète, un vide noir terriblement noir, un vide qui ne rime à rien ; un vide qui n’est que du rien. Une bande noire sur le tangible. Il n’avait jamais rien vu de tel. Il s’extasie.
– Ton délire c’est d'bouffer tout ce qui t’entoure ?
Sur sa trogne, une expression de presque respect. Les prunelles océaniques scrutent et tentent de noyer leurs contraires.
Sourire crevure sur la face.
Skye se relève, s’approche de Britjoe, le pousse du bout de sa ranger.
– T’as essayé d’me buter hein ?
De ça, il s’en rappelle. Une tête sans tête et la dislocation de son intégrité physique. Pour reparaître dans ce trou paumé, où, au lointain, Skye remarque des silhouettes hagardes et longilignes les cerner. Des messieurs patates et des messieurs ficelles, timides, silencieux, les observant de loin et s’approchant méthodiquement. Assez pour les coincer dans une bulle faite d’eux.
– Pourquoi tu m’as pas montré la porte tout de suite ?
Il se mordille la lèvre inférieure, s’essuie la sueur perlant sur son front avec sa manche. Inspire et expire plusieurs fois d’affilée. Tente d’imposer le calme à son palpitant qui s’enflamme. L'adrénaline et l’excitation le bousillent.
– Pourquoi y a des trucs super bizarres qui nous matent ?
Beaucoup de questions nécessitant des réponses plus ou moins claires, des réponses qu’il écoute à moitié. Skye calcule le nombre de créatures apparues.
– Pourquoi tu m’as crié dessus ?
Son visage pivote en direction de Britjoe. Cette réponse-là, Skye la veut. Skye l’exige.
– Fais bien attention à c’que tu dis, Brit.

THE UPSIDE DOWN I said, Doctor, ain't there nothin' I can take'. I said, Doctor, to relieve this belly ache?' You put the lime in the coconut, you drink them both together, put the lime in the cocount, then you'll feel better. Put the lime in the coconut, and drink them both up, put the lime in the coconut, and call me...

– Question 1, non pas vraiment. Ce n'est pas un hobby, c'est juste une façon de faire découvrir ce monde merveilleux. Je suis une sorte d'agence de voyage tu vois.
Le foutage de gueule pour lui saupoudrer les sens.
Le foutage de gueule pour lui faire monter l’envie de lui péter des doigts.
– Question 2. J'ai pas essayé, mais je dois être franc. J'avais prévu de le faire.
C’était quoi déjà, la question deux ?
– Question 3. J'ai pas eu le temps frérot ! Tu m'as pas vraiment laissé le temps de dérouler mon speech.
– J’en ai rien à foutre de-
– Question 4…
Le besoin d’entendre la réponse à la question quatre face à son envie de lui fracturer le nase. Un combat sans merci joué dans le profond et secret de son crâne. Un combat dont la violence toutefois ne parvient à dissimuler ses éclats.
Sur la tronche de Skye, les torsions, les grimaces.
La retenue dont il fait si rarement preuve, l’obligeant à se tenir droit dans ses bottes, immobile. À ne pas lui envoyer le talon dans le genou ou le poing dans la mâchoire.
La patience, une nouvelle donnée à ajouter au reste de ses capacités en plein développement - développement personnel. À écrire bientôt un bouquin ou ouvrir un blog ; en décrire les bienfaits et les possibles, s’imaginer gourou d’une nouvelle tendance. Soyez vous-même mais sans trop l’être. Imaginez devenir quelqu’un d’autre et rêvez en violence sans propager la violence ; les dents des autres doivent demeurer en place, solidement scellées dans les gencives car le karma ce putain de karma, est une saloperie de boomerang croyez-moi.
– … j'ai pas l'habitude de leur causer, normalement elles m'évitent, là j'ai comme l'impression qu'elles veulent nous dire bonjour. C'est pas une bonne nouvelle j'imagine.
– Ah.
Et les prunelles repartent en direction des bestioles étranges et filiformes qui les encerclent et les guettent. De prédateurs à proies, quelques enjambés, coups de crocs ou coup de quoi- Leurs mains sans mains, leurs bras bâtons et leurs dégaines d’épouvantails.
– Question 5. Je crois que j'étais en colère, faut m'excuser.
– Mon psy il m’a dit que crier ça servait à rien, que c’était carrément contre-productif trou d’balle.
Le trou d’balle en facultatif car les insultes, elles non plus, n’ont pas pour vocation d’arranger les situations, d’éclaircir les relations, d’aider à la communication. L’apprentissage toujours et le développement perpétuellement.
– Tu vois ça là-bas…
– Quoi ?
Le visage retourne à la contemplation de Brit. Brit plus si vindicatif et splendide sans son masque de souris à fourrure bleue. Juste un putain de connard sans rien d’autre qu’une touffe rouge sur le crâne et un air d’adolescent éternel. Britjoe dont l’expression se métamorphose au fil des secondes, le regard coincé sur un angle du monde. Le regard que Skye décide de suivre dans un soupir de gosse mal luné, doigts repliés sur les hanches.
– Je crois que tant qu'on est ici, faut qu'on soit copain. Cela te va ?
– Ouais carrément.
Non, carrément pas.
Si quelqu’un doit crever, se faire bouffer par un taré à dents longues, ça ne sera pas lui. Sac à viande qu’il balancera à la première occasion, en crachant “il est bon mon veau il est fort il est tendre, élevé au grain et sous le soleil Californien.” Jingle et rime apprise, la télévision, un outil fondamental et un allié dont il ne se doutait pas.
– T’es sérieusement en train d’te pisser dans l’froc juste parce qu’un gros con a dessiné un smiley avec des néons sur sa porte ?
Haussement de sourcils et les prunelles valdinguent aux cieux avant de redescendre sur la tignasse rouge puis les sourcils bruns.
– T’es brun ou roux, à la base ?
S’approchant assez pour apercevoir les racines délimitant son front encombré de mèches et huileux de sueur.
– Si t’étais roux sans déconner j’comprends le changement mais la couleur mec, t’as pensé à quoi ?
Se colorer les cheveux en rouge, une décision incompréhensible. Pourtant des cinglés, il en a vus à la pelle, dernièrement. Les missions de Sparte enchainées jusqu’à épuisement après l’apparition de cette merde de Boost, et le sud regorgeant d’abrutis finis aux choix vestimentaires et capillaires discutables et putain pourquoi-
– … pourquoi-
Pourquoi il pense à ça, pourquoi il tergiverse sur une coloration rouge et pourquoi-
– C’est ma copine-
Sa femme, sa putain de femme. Pas sa copine, pas son plan cul. Sa femme.
L’information difficilement inscrite à l’intellect tant l'énormité de la chose l’effraye.
– … j’crois qu'elle m’nique le cerveau à force.
Avec ses avis sur tout et n’importe quoi, ses décisions aléatoires et ses pulsions démentes.
– Tu vois, aujourd’hui j’étais pas censé venir te péter l’cul dans ton trou à rats là. J’étais censé repeindre les chiottes en violet… enfin pas violet, mais aubergine. Tu sais pourquoi, aubergine ? Parce qu’elle a lu que c’était vachement stimulant et que ça permettait de faire la paix intérieure avec son chakra du… y a combien d’chakra déjà ?
Il inspire et expire l’air vicié hors de ses poumons salopés par l’environnement. Et sans attendre une réplique quelconque, Skye avance vers le smiley lumineux. Sans se retourner, un bras levé et les phalanges agitées ; incitant son nouveau pote le veau fort et tendre et élevé sous un soleil californien à le suivre. Il jappe : t’inquiète, au pire on va juste s’tapper de la techno de merde et des pédés en lycra.
Parce qu’évidemment, derrière cette connasse de porte illuminée d’un smiley et perdue au fin fond d’une ruelle glauque, ne peut que se trouver un repère pour les rêveurs - un repère pour les fêtards ; une rave-party dissimulée derrière la brique et le béton, à l'abri des regards vides des épouvantails qui toujours se rapprochent d’eux, de tous les côtés, en silence.