bloup

Manque d'harmonie entre deux choses (+) Déformation d'un phénomène au cours de sa transmission (+) Déséquilibre entre des réalités.

---

Naissance Tu ne respires pas et elle respire trop vite. Bébé dénué du moindre pouls. Pas une tonalité ne survient. Puis le sang se met à couler, abondamment. Les battements de son coeur s'estompent et les tiens se composent. La mort et la vie se côtoient un bref instant avant que l'hémorragie, au bout du compte, ne l'emporte. Conséquence du sort lancé pour te ranimer. Ramener. Energie nécessaire à ton nouveau corps. Prix de ta résurrection.
8 ans Tu la devines inquiète sans comprendre pourquoi. Pourquoi cette fois, elle tente de le dissimuler. En vain. Ta tante ne peut rien te cacher malgré ses efforts multipliés. Des années que tu l'observes, depuis le réveil du matin à l'histoire du soir. Impossible de ne pas remarquer ses traits tendus.
Ils lui donnent un air sévère. Harmonisé à la gravité de ton état. Lequel ne te perturbe guère. Trop de fièvre pour demeurer alerte. Trop de fatigue pour demeurer éveillée. Le corps lutte. Contre l'âme. Mutation essaie de s'extirper. Le sortilège l'en empêche.
Alors comme la fleur à l'approche de l'hiver, tu fânes.
Et bientôt, l'obscurité te capture. Les minutes deviennent des heures interminables. Les heures des nuits ombragées par ton organisme en déclin. Jusqu'à ton réveil quasi inespéré, l'esprit rempli d'images plus incompréhensibles les unes que les autres.
10 ans Depuis deux ans maintenant, tu rêves toutes les nuits d'eux. La dame en rouge et l'homme en noir. Tu ignores leurs noms, leurs visages. Pourtant ils te semblent étrangement familiers. A croire que tu les croises sur le chemin de l'école. Tu aimerais. Tu aimerais leur poser des questions, leur réclamer des réponses.
Tu aimerais des réponses limpides.
Hélas, leur histoire tu la découvres uniquement au gré de moments aperçus. Derrière tes paupières closes. Dès elles s'ouvrent, tu transposes les souvenirs décousus en peintures, afin de les rendre tangibles. Réels. Coucher sur papier ceux qui dansent dans tes pensées. Des silhouettes, des sensations, des symboles.
Un jour peut-être les pièces du puzzle s'emboîteront et tu parviendras à voir l'ensemble du tableau.

Perte totale ou partielle de la mémoire (+) Oubli des souvenirs antérieurs (+) Oubli des événements au fur et à mesure qu'ils se présentent.

---

15 ans C'est au milieu des oeuvres d'art que tu te sens le mieux. En sécurité. Auprès des survivantes ayant traversé les tragédies et les guerres. Elles t'insufflent de l'espoir quand l'espoir il en manque cruellement à l'extérieur de ces murs. Chicago en train de s'effondrer.
Les gens ont peur. Les gens partent ailleurs. A cause des attaques se produisant un peu partout en ville. Les rues devenues un terrain miné. Pas ici. L'institut en refuge, épargné par le chaos. C'est ce que tu crois. Naïve enfant. Tu te crois à l'abri car tu partages des points communs avec ces collections ancestrales.
Ils ne te sont d'aucune utilité face au danger.
Et le danger, tu ne le vois pas venir. L'entends à peine. Une explosion soudaine, faisant voler ton corps à travers la galerie telle une poupée de chiffon balancée à la benne. La violence du choc t'assomme.
17 ans Ce n'est pas que tu n'aimes pas New-York. Tout le monde aime New-York. Seulement ton ancienne vie te manque. Il te manque quelque chose. Quelqu'un. A quoi t'accrocher. Depuis l'incident, la dame en rouge et l'homme en noir sont partis. De tes songes, tes souvenirs. Tu continues cependant de les peindre, en espérant comprendre pourquoi ils étaient si importants à ton existence.
Ils devaient forcément l'être. Tu as des dessins, des pochettes, des cahiers entiers remplis d'eux. Des centaines et centaines de croquis. Une obsession de petite fille laissée à ton encontre comme une énigme à déchiffrer. Et le sentiment de devoir, de toute urgence, la résoudre.
20 ans La bague de rubis semble retenir l'attention du public présent en grand nombre, pourtant tu n'es pas à l'aise de voir ton oeuvre affichée de la sorte. Elle représente une partie de toi. De ton enfance. Une partie intime. Importante. Sans que tu ne te l'expliques. Alors le concept te dérange.
Malgré l'avis de ta tante, ton professeur, l'ensemble de tes camarades. Et tu regrettes d'avoir cédé, accepté de te mettre en avant, te dévoiler ainsi. Tu t'en fiches éperdument de la gloire et de l'argent. Ne comptes pas la vendre de toute manière. Sauf qu'une personne présente ce soir-là tient à l'acheter.
Un homme. Un inconnu.
Tu refuses de le rencontrer. Néanmoins il t'est désigné dans la foule et dès que tu l'aperçois, ton malaise s'amenuise. Le brouhaha autour s'efface. Le temps se suspend à sa silhouette. Tu acceptes de lui céder. Ce fragment de ta vie. A condition que ton identité ne soit jamais révélée.

Retour à l'esprit d'un évènement vague (+) Souvenir imprécis, où domine la tonalité affective (+) Mémoire profonde, lointaine, comme venue du fond des âges.

---

23 ans La disparition subite de ta tante te broie le coeur. Tu te sens seule, atrocement seule sans sa présence ensoleillée. Et pour une raison qui te dépasse, les emmerdes se suivent à l'affilée. Ton boulot est un gouffre infini. Tu ne parviens plus à te faire de l'argent. Les factures s'accumulent et t'engloutissent. Année merdique sous le signe de la déprime. Besoin d'un nouvel horizon à explorer. Besoin de te reconnecter à l'essentiel.
24 ans La vie à Los Angeles n'est guère plus fun ou fabuleuse comme le prétendent les pubs de Seraph Inc. Néanmoins, tu dois admettre que tu te sens bien ici. Mieux. L'air marin certainement. Il emporte les pensées tristes. T'incite à peindre. Recommencer à faire ce que tu aimes. Reprendre là où tout a commencé.
Les mois défilent et te remplissent d'un peu de légèreté. Jusqu'à l'instant redouté. Ton anniversaire. Tu as toujours détesté le fêter. Ne le fêtes plus désormais.
Hélas pour tes plans, le destin décide de s'emmêler. Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, le sortilège t'enrobant depuis ta naissance s'étiole. La frontière entre tes deux réalités s'achèvent sur une rencontre prévue à l'avance : l'homme en noir. Lorenzo Strozzi. Il précède la dame en rouge. Novella Della Rovere.
25 ans Tu es elle sans vraiment l'être. Des semaines que ta vie se superpose à la sienne et inversement. Ça n'a aucun sens. Ça prend enfin un sens. L'obsession, l'urgence, le besoin. La confusion des souvenirs, l'appel des songes, l'étrangeté des sensations. Elle est toi sans vraiment l'être. Des semaines que son souffle s'échoue à même tes lèvres et inversement.
Tu n'as, malheureusement, pas le temps de t'en acclimater que le chaud du sud t'avale. La cabale, le sanctuaire, l'anima, le devoir, la contrainte, le sang. Trop de notions et pas assez de temps. La précédente Fatum te lègue le titre avant que tu ne sois prête, te précipite au bord de la falaise, t'y pousse d'un coup sec.
La chute est rude, le courant violent.  
Ultime rocher auquel t'agripper : l'homme en noir. Présent sous un autre visage et nom. Luke habite tes pensées, hante tes nuits. Détient au final plus qu'un fragment de ta vie. La bague de rubis comme une préface. Une promesse. L'éternité encore d'actualité ?