Don't worry darling (skye)

Don't worry darling If the sky that we look upon should tumble and fall, or the mountain should crumble to the sea ; I won't cry, I won't cry. No, I won't shed a tear. Just as long as you stand. Stand by me. And darlin', darlin', stand by me. Oh, stand by me. Oh, stand now. Stand by me, stand by me.

Traîner un putain de samedi après-midi dans le sud de Los Angeles, c’est comme se foutre une gommette rouge sur le front et tenir une pancarte “baisez-moi gratos”. Pas la baise appréciée. La baise qui fissure les dents et fait cracher du rouge.
D’accord, il pourrait s’accorder à cette zone de merde. D’accord, il ne fait pas trop tache avec sa face de déterré ; ses cernes de trois mètres et sa dégaine minable. Le problème, c’est Hazel. Son plus gros problème, à l’éternité, ça n’a toujours été qu’Hazel. Hazel pour lui ruiner ses plans sur la comète, Hazel pour lui péter le pif sur le bitume, Hazel pour le ramener sur terre et sourire aux lèvres, prétendre que la vie est incroyable.
Il rage, juste un peu.
De l’acide dans le bide et l’angoisse dans le thorax pour secouer son palpitant comme un canari dans sa cage. Les émotions foutues dans un mixeur ; de quoi sonner la bestiole et l’obliger à fermer sa gueule – Skye la ferme très fort d’ailleurs, sa gueule.
Il mange sa lose tandis qu’Hazel s’étourdit du coin. La traversée d’une rue encore plus pourrie que le reste. À croire qu’elle l’embarque dans le trou du cul du Sud, ouais. Avec la ferme intention qu’ils n’en ressortent pas vivants.
– Attends il me manque un truc.
Bras en travers de torse l’oblige à stopper. Sa silhouette de nymphe dans ses habits trop grands glisse devant lui et ses doigts déjà lui agressent la tronche. Skye tente de les repousser, nuque tendue en arrière et buste penché. Pulpe baladeuse et phalanges habiles, ses lunettes de soleil lui sont dérobées. Le soleil à sa pleine puissance lui fracture l’horizon, lui pète les rétines, lui crame le cerveau.
Paupières plissées, grimace tordant les ridules.
– J’t’avais dit d’prendre les tiennes, El.
Argument à peine expiré, déjà balayé. Le refus en abandon. Hazel qui n’en a rien à foutre et qui, de toute façon, les aurait obtenues, ses putains de lunettes. Parce qu’il n’est qu’une couille molle dès lors que ça la concerne, parce qu’il voudrait lui japper va-te-faire-foutre et n’est capable que de lui dire ok.
Skye émasculé à l’aube de ses trente ans, par une créature lui pulvérisant le peu d’amour-propre qu’il avait réussi, sans trop savoir comment, à préserver dans un recoin de sa psyché fracassée.  
Doigts retrouvent leurs gémeaux ; Skye récupère la main de sa belle amoureuse et son regard de traviole file vers ses contours - évidemment. L’obsession en pathologie. Maladie chronique de trop la désirer, mêlée à toutes les situations.
Ses fringues à lui, qu’elle porte. Ses fringues sales, qu’elle voulait absolument enfiler. Pour parfaire son déguisement, pour ne pas exposer son aura de pétasse de l’Est, dont le fric dégouline autant que la sueur. Lui, il n’a pensé qu’à un truc, pourtant : son odeur dispersée partout sur elle comme une seconde peau.
Immanquablement, un sourire de chacal lui remonte le coin de bouche. Skye imagine son calbut réchauffé par sa croupe ; satisfaction puérile et bouffissures d’orgueil – de se savoir en elle et sur elle, de la détenir toute entière. Saveur de possession enroulée à ses vices. Ses jointures se resserrent aux siennes et la rue merdique ne l’est plus tant, dès lors qu’il observe sa chair havane et retrouve ses taches de rousseurs constellant son nez qu’il adore et ses pommettes. L’attention dérive. Skye devine la rondeur de ses nichons bibliques sous son t-shirt gris délavé à l’effigie de l’église Saint-Georges, et ça l’émerveille. Un slogan en lettres noires surmonté d’un ange comme un appel à Dieu et son amour éternel “La bienveillance est le chemin vers tes profondeurs intérieures”.
La bienveillance en indifférence : tu crois que j’pourrais un jour les toucher vraiment ? il demande. Genre, tu sais, tes profondeurs intérieures.
La question ne trouve pas de réponses immédiates puisqu’Hazel les amène à une boutique de-
Il ne sait pas de quoi. S’en branle absolument.
Ne compte plus que les profondeurs intérieures d’Hazel et il s’interroge, durement. Sourcils froncés tandis qu’elle miaule des conneries.
Fais-moi confiance.
Un sous problème à son plus gros problème, définitivement.
Une aptitude remarquable à lui faire confiance aveuglément. Hazel en ancre, Hazel en raison d’exister quand il a tenté de fuir et tente encore quotidiennement de fuir, cette existence à chier. Sauf avec elle. Sauf avec elle et elle. Elle et celle nichée dans son bedon ; et dans la seconde le canari se cogne de nouveau à sa cage d’os. S’ouvre le crâne et s’éborgne avec sa propre patte.
La démarche devient saccadée, l’envie de se barrer, de faire demi-tour. De les protéger et de règler ses putains de problèmes tout seul. De trouver une nouvelle solution à la nouvelle lubie qu’ils ont nouvellement exposée : tuer son père et se libérer d’un poids, d’un possible meurtre ou d’un possible asservissement sous couvert d’une menace de mort – encore – non envers sa carcasse de gamin trop grand mais envers sa famille. Sa famille. Hazel et leur muffin. Sa famille. Celle qu’il s’est construite avec toute la brutalité et la voracité dont il est capable – soit sans limites.
– J’suis pas sûr qu’ce soit une-
– Salut, on vient commander un tueur à gage.
Le canari tombe de trois étages, raide sur le plateau de sa cage.
– Alors de préférence, un metahumain sachant faire des trucs cools et super dangereux.
– Ouais, lâche-t-il.
Sans trop savoir à quoi il dit oui. Sans plus se souvenir du pourquoi cette boutique, du pourquoi le sud et du pourquoi un tueur à gages. Les neurones flambent et la respiration devient difficile.
– Puis s'il peut, aussi, sortir des phrases drôles et claquantes du genre ?
– Non, ça c’est-
– Genre, je suis venu te rafistoler la tronche ou... tu vas bientôt juter de partout.
Pause.
Un ange et dix moucherons passent.
– T'en penses quoi bébou ?
Hazel détourné du type barbu aux yeux comme ceux d’une putain de sauterelle, le fixant lui et pourquoi lui et seulement lui quand c’est Hazel en Enchantress qui passe la commande.
– C'est pour lui mais je l'accompagne.
Lui qu’Hazel regarde autant que le barbu aux yeux de sauterelle et pourquoi et comment et-
– C’est combien…
La dextre est levée et l’index pointé vers un phallus en verre soufflé, art déco faisant fureur dans les salons bdsm et échangistes à n’en pas douter.
– C’est combien la bite là ?
Échapper, il doit échapper à l’instant, il doit échapper au délire qui se joue, il doit échapper aux regards tous les regards trop de regards qui pourtant convergent infiniment vers lui et ne décollent pas de sa face. Alors même qu’il désigne une grosse bite en verre transparent de couleur verte.
– Ça ferait grave beau sur le meuble télé tu trouves pas ?
La télévision qu’ils n’ont toujours pas remplacée, la télévision qu’il a fait griller lors de son entraînement enfin terminé, avorté ; le dernier carnage de son crâne suffoqué finissant de le convaincre d’arrêter de s’acharner. La télévision dont il est en manque car mater des séries sur le pc c’est bien seulement l’écran plasma gigantesque et le son comme au cinéma c’est mieux.
– Et donc, vous cherchez un tueur et de la décoration vintage, c’est ça ? rétorque placidement le gros vendeur barbu aux yeux d’insecte, tout en se déplaçant tel un putain de fauve derrière son comptoir afin d’amener la marchandise. De sorte qu’il puisse admirer l’œuvre de plus près et la finesse de l’artisanat.
La puissante queue est soigneusement déposée devant Skye. Skye qui ne quitte pas le gland très détaillé. Son océanique en proie à son dérèglement climatique intime.
– Un grand monsieur…
– Merci, dit-il.
– L’artisan à l’origine de cette sculpture.
– Ah ouais.
– Il a soufflé par ce bout-
– Par le gland.
– Si vous voulez.
Un petit râlement pour ponctuer l’agacement. Le gros chat aux yeux d’insecte désireux d’aller au bout de son explication, de son adoration, pour cet artiste mal aimé - ou seulement des non-initiés.
– Afin de donner vie à l’image qu’il se faisait de la puissance de chaque homme… la puissance qui réside en chacun de nous.
Coup de menton expéditif, un air entendu envoyé à Skye qui ne reçoit plus rien hormis une dizaine de signaux d’alertes le poussant à se casser d’ici.
– J’trouve ça vachement réducteur quand même.
– C’est un plutôt gros calibre.
– Nan mais j’veux dire, la puissance d’un homme ça s’limite pas à la taille qu’il fait quand il bande si ?
Les prunelles dégringolent vers le visage d’Hazel et son approbation.
– Imaginez…
Les prunelles remontent vers le gros chat aux yeux de sauterelle.
– Imaginez l’mec il a des problèmes d’érections.
Voilà. Voilà l’angoisse ajoutée aux autres angoisses qui soudain l’étreint et lui siphonne pour de bon l’intellect. Ses dernières recherches nocturnes sur le sujet lui faisant craindre le pire. L’âge avançant et le traitement qu’il prend pour lui ruiner sa belle et puissante virilité.
– Ça veut dire qu’il est pas puissant juste parce qu’il reste super mou ?!
Le tueur, son père, le sud et le cul d’Hazel dans son caleçon sale ; tout ça n’a fatalement plus aucune importance, désormais.

Don't worry darling If the sky that we look upon should tumble and fall, or the mountain should crumble to the sea ; I won't cry, I won't cry. No, I won't shed a tear. Just as long as you stand. Stand by me. And darlin', darlin', stand by me. Oh, stand by me. Oh, stand now. Stand by me, stand by me.

– Non, du moment qu'il sait utiliser ses doigts.
Hazel en centre gravitationnel. Hazel pour le récupérer au vol avant qu’il ne s’écrase l’âme dans une gerbe de substances toxiques.
Le museau s’abaisse, dérive. Hazel est abandonnée pour quelques secondes car ce sont fatalement ses doigts qu’il se met à observer. Ses huit doigts et non dix et sa réflexion se casse aux probabilités et aux souvenirs. Skye sait utiliser ses doigts, même au nombre de huit. Par conséquent, rien ne saurait troubler sa virilité. Juste un contre-temps entre les jambes quand il tient le monde entre ses mains.
Un sourire creuse sa joue droite.
Une bulle de chewing-gum explose, répand une odeur de fraise qui lui fait relever le menton. Skye mate de nouveau sa belle amoureuse. Sa belle amoureuse mâchouillant sa gomme, repartie en quête d’un tueur classe et mutant et puissant avec des répliques intéressantes.
– Et donc ce tueur, il est puissant car notre cible elle bande pas tout mou ?
– On sait pas trop, hasarde Skye.
Le sourire disparu, ses dents mordillant nerveusement l’intérieur de sa joue.
Et le silence s’étire. Un temps de réflexion de la part du mec derrière son comptoir quand Skye reluque de nouveau ses doigts et les pourtours dégueulasses de ceux manquants. Quelques secondes supplémentaires, un reniflement et une énième bulle de chewing-gum à la fraise claquant en dehors de la bouche d’Hazel ; le vendeur de bites en verre se décide enfin à poser les questions – les vraies, les grosses, les bonnes. Autant de questions dont Skye se fout, dont Skye n’a aucune putain d’idée.
S’ils sont ici, ce n’est que sur l’initiative d’Hazel. Et une de ses connaissances qu’il préfèrerait de pas être connaissance et dont il ne veut, définitivement, jamais faire la connaissance. Portrait robot de la source merdique au possible larguée : blonde avec beaucoup de dents, miniature, et bien fringuée. En somme, près de soixante pour cent des blondes disponibles à Los Angeles.
Datura.
Datura est expirée par le gros chat aux yeux de sauterelle.
Datura comme une évidence pour lui, pour elle aussi ; quand Skye reste le cerveau vide et les intestins en bouillie.
– Comme la plante ?
Personne n’en a rien à branler de ce qu’il demande. Conversation entre les deux adultes de la pièce, Skye s’évade. Son océan clapote sur le décor, observe et détaille les objets, ne comprend pas comment dans un coin si paumé et dégueulasse, le type peut faire sa thune avec autant de merdes.
Et puis.
Et puis un flingue surgit des néants – de sous le comptoir plus exactement. De la tension – très légère – gorgeant l’air d’un peu de haine et de beaucoup de fureur. Deux ingrédients explosifs pour un instant tout aussi explosif.
– Je t'avais dit qu'on était à la bonne adresse bébou.
– Ouais bah ouais.
– Il m'croyait pas.
– Nan mais c’est pas ça…
La panique qui devrait l’étreindre, incapable de grimper à travers son système. Skye contemple Hazel puis détaille l’arme et le vendeur. Un calibre qui fera un gros trou dans Hazel, ou lui. Selon ce qu’ils décident de dire, ou faire. Apathie morbide. Ils ne craignent rien, ils ne craignent jamais rien ; tant que Skye ne se met pas à pisser son rouge et les cris d’Hazel ne repeignent pas les parois de sa conscience. Il oublie le miracle logé dans le chaud et moelleux de son ventre. Il oublie un pan de sa – de leur – réalité. L’indifférence patine son expression quand celle d’Hazel s’illumine. Sourire gigantesque de circonstance. Elle est heureuse. Elle irradie. Et peut-être est-ce leur manque de réaction adaptée et peut-être est-ce à cause des deux paires d’yeux qui le fixent ; le mec commence à se tendre davantage et manque vomir des saloperies.
Main brune coulant sur le pénis que Skye rêverait être le sien. Les phalanges tatouées d’Hazel effleurent celles potelées du mec et la brulure de sa voix de grosse salope mord les cortex.
Enchantress ordonne.
– Tire-toi une balle dans le pied.
Pas le sien, de pied.
Celui du type dont le cerveau disjoncte au son de la vipère.
Du poison répandu dans le crâne, dans les veines. L’arme quitte ostensiblement la silhouette d’Hazel, se retournant contre son propre maître.
– El j’sais pas si…
Prénom, certes saccagé, mais prénom quand même, cloquant sur sa lippe. Skye se la pince et les prunelles roulent vers le mec qui, trop inquiet pour son pied, ne note pas la foirade.
– Attends… dit-elle.
Le mec attend.
Skye donne des détails.
– Elisa, ouais. Elle s’appelle Elisa.
– Le pied c'est bien ?
– Quoi ?
Une pause.
Un besoin de remettre les événements dans l’ordre.
Le prénom. Le pied. L’ordre d’Enchantress et l’arme qui ne les vise plus.
– J’sais pas trop.
Se faire exploser le pied avec une arme de ce calibre, c’est potentiellement se faire exploser les os, les orteils. C’est devenir à coup sûr handicapé pour le reste de son existence, et ruminer une vengeance envers la grosse connasse métisse qui aime les chewing-gums à la fraise et les t-shirts de catholiques, et son mec blanc cul qui apprécie les grosses bites.
– J'veux pas être trop agressive mais j'peux pas être trop sympa non plus.
– J’ai pas envie qu’on s’tape un enfoiré de plus.
Skye s’approche d’Hazel. Son torse pour rencontrer sa poitrine, sa bouche pour lui courir sur le front puis tomber jusqu’à ses lèvres. Saveur fraise. Sa bouche pour l’apaiser ou l’enflammer selon les dérives et désirs. Son sourire reparaît, crève sa face d’angelot cinglé. Il s’écarte et contourne Hazel autant que le comptoir, en soulève un segment articulé et passe derrière. Rejoint le mec toujours en proie à l’incertitude et la trouille. Sa trouille qui, plus les secondes s’amoncellent, prend en consistance. Sa trouille devient quasiment palpable. De la pâte à modeler atmosphérique.
– Fais en sorte qu’il m’donne pas un coup dans la gueule, balance-t-il négligemment.
Attrapant la main du type toujours accrochée à la sculpture. Quand l’autre reste désespérément accrochée à son arme. Main soigneusement déposée sur le comptoir à côté de la bite géante et verte. Skye fait preuve d’une douceur religieuse. Écarte les doigts patiemment. Tapote le revers, chuchote : ça va aller.
Il s’empare ensuite de la queue d’alien et sans attendre la réaction du mec ou l’avis d’Hazel, l’abat une première fois sur l’auriculaire et l’annulaire. Un coup sec, précis, qui arrache un hurlement au vendeur et maquille donc les crépitements de ses os.
– T’inquiète pas, j’ai déjà eu pire, confie-t-il pour le rassurer. Ça va s’remettre.
Tapant une seconde fois, au même endroit, avec le chibre. Si brusquement qu’une fissure fendille d’emblée l’œuvre, sur toute sa longueur. Autant que les deux doigts se fracturent et prennent une position anormale sur le comptoir.
Il relève le nez, lance une œillade à Hazel.
La bite prête à s’abattre une troisième fois.
– Il recommencera pas, j’te promets.
Il ne pointera plus jamais une putain d’arme sur sa femme. Sa femme.
La sienne rien que la sienne putain la sienne que personne n’a le droit de toucher ou menacer ; tout juste regarder.
– Tu recommenceras pas, hein ?
Le type a les dents qui grincent et les mâchoires qui claquent. Le type n’est plus foutu de baver un mot mais la menace d’un troisième coup lui fait balancer la tête de droite à gauche.
– On veut juste un nom, mec, genre juste un putain d’nom. Puis… un soupir. Un soupir afin d’exprimer toute la fatigue qui soudain écrase ses épaules.
– Puis… au fond on s’en branle qu’elle connaisse Datura. J’veux dire, toi aussi tu la connais et franchement une fille qui s’appelle Datura, tu t’attendais à quoi sans déconner ?
Une fille qui s’appelle Datura et qui traine son derche dans le sud est nécessairement une putain de tarée. Il y a des faits qu’on ne peut pas ignorer, même en étant le pire des abrutis finis.
– Moi, tu vois, j’suis ici parce qu’elle veut m’aider à tuer mon père. Enfin c’pas vraiment mon père mais j’suis sorti d’ses couilles quoi. Et maintenant il a décidé d’me les casser, mes couilles.
Skye abaisse son bras et la verge. Pensif.
– Mais j’en ai encore besoin, moi… d’mes couilles.
Son regard paumé au lointain, l’esprit plongé à ses abîmes intimes et ses rêves de famille. Battoir s’écrase à sa face qu’il malaxe, s’extirpant du mirage et de ses réflexions philosophiques pour revenir à l’instant présent.
– Enfin bref, on veut un nom. Et promis, on t’nique pas les autres doigts.
Pupilles cherchent celles d’Hazel.
– Promets El…isa.
Langue ripant au palais.
– Il a besoin d’être rassuré, en plus j’crois qu’il va chialer.
Et un mec qui pleure, ça file carrément les boules.

Don't worry darling If the sky that we look upon should tumble and fall, or the mountain should crumble to the sea ; I won't cry, I won't cry. No, I won't shed a tear. Just as long as you stand. Stand by me. And darlin', darlin', stand by me. Oh, stand by me. Oh, stand now. Stand by me, stand by me.

– Ouais promis tu nous files un nom mais un bon nom sinon je reviens t'exploser la tronche.
Pas la bonne ligne du scénario, le script foireux à peine germé sur ses jolies lèvres.
La gueule de Skye se tord et la main repose la bite sur le comptoir.
– Voilà tu nous files un bon nom et on se barre.
– Ouais, ajoute-t-il, à moitié dépité.
Continuant de lorgner sa belle amoureuse et ses inflexions de dominatrice. Il sait – non, ils savent, qu’elle ne déconne pas. Son sourire mielleux et son regard de cinglée pour avertir de la véracité de ses humeurs et surtout délires. Ses deux noisettes pétillant de malice et de folie dont il est fasciné.
L'écho en échos d’échos. Son écho intérieur pour vibrionner aux sons de celui d’Hazel. Sans qu’il ne s’en aperçoive, Skye sourit. Un sourire dévoilant les ratiches, l’attention toute entière portée sur Hazel. Le type gémissant et chialant à côté de lui comme un lointain présage d’un vieux problème.
– Bunny.
– Quoi ?
Bunny qu’il a entendu autant qu’Hazel. Bunny qu’il lui fait répéter néanmoins un peu plus fort pour être certain. Bunny comme le lapin mais il imagine sans les grandes oreilles et par pitié sans la queue en pompon. Pourquoi doit-il toujours se frotter à des cas particuliers, pourquoi doit-il continuellement goûter aux excentricités du monde et ses chiasses à formes humaines.
– Ça me semble être un bon candidat, décrète-t-elle.
– J’suis pas trop sûr.
Il n’est jamais sûr de rien – hormis qu’il l’aime. Ce qui, dans le fond, est un petit pas pour l’humanité et un gigantesque pas pour l’Homme.
– Maintenant les caméras.
La redescente après tout le bordel pas si bordel que ça. Les négociations nécessairement brusques avec ce type d'individus qui ne comprend que la douleur.  Les caméras en souvenirs de la fragilité de l’existence – une horde de gros connards jetée à leurs culs s’ils ne font pas gaffe.
– Bouge !
Hazel s’occupe de régler les problèmes quand Skye se questionne. Pourquoi un type aussi minable pour tenir un endroit si prisé. Pourquoi un type aussi faible pour se tenir droit et vaillant au milieu de cette jungle urbaine.
Peut-être parce qu’il ne risque rien en raison de ses connaissances. Peut-être parce qu’il s’estime à l’abri tant son cerveau et ses relations ont de la valeur.
Ou peut-être que Skye autant qu’Hazel sont complètement débiles. Et que cette putain de grosse chialeuse va la leur faire à l’envers. Et quoi.
Il y perdra ses doigts et puis sa queue.
– Tu vas perdre tes doigts et puis ta queue, articule-t-il.
– Hein ? questionne le type, dérivant son regard de son équipement de surveillance pour cloquer sur la face contractée de Skye à sa droite.
– Si t’essayes de nous la faire à l’envers.
– Mais j’ai qu’ses caméras là moi, morve le vendeur quand Skye se mordille la lippe et tente de maîtriser son envie soudaine de lui éclater le pif.

Phallus en verre vert dans une main, la sortie retrouvée en compagnie d’Hazel et un tueur à engager se prénommant Bunny. Bunny qu’ils vont pouvoir retrouver au cimetière, car évidemment, un lapin tueur se planque forcément dans un putain de trou au milieu des morts.
Ou peut-être que ça n’a rien à voir et peut-être qu’il délire. Ses délires pour occuper tout son esprit jusqu’à retrouver la bagnole et y claquer son derche. Zone neutre pénétrée, la Ford qui n’a subi aucun dégât ; pas même une aile rayée. Skye a vérifié.
La bite alien est balancée sur la banquette arrière et le contact est mis. L’arme à feu rejoint les assises ; l’arme qu’Hazel a gardée. Une arme qui pourra leur servir. Une arme qu’il suppose non enregistrée.
Moteur gronde et route est avalée. Jusqu’à ce que la main d’Hazel se faufile en direction de sa braguette. Elle s’arrête à proximité – sur sa cuisse – pour lui demander : tu crois que notre hôtel est toujours ouvert ?
Haussement d’épaules en réponse, ses yeux fixés sur la route. Ce putain d’hôtel. Ce putain d’hôtel qu’il suppose rester ouvert même aux prémices de l’Apocalypse. Ce genre de lieu qui ne fermera jamais tant que les raclures de chiottes de Los Angeles résisteront aux aléas du climat et des bombes. Cet hôtel pour lui rappeler leurs retrouvailles et lui remémorer ses conneries, ses promesses et le gigantesque vide enveloppant l’ensemble. Mémoire parcellisée, des lambeaux de lui-même abandonnés sur le bitume du Sud.
– On pourrait y faire un tour après le cimetière ?
– Non.
Négative claquée comme un marteau tape l’enclume.
Non, ils ne retourneront pas dans cette fosse à rats. Non, ils ne retrouveront pas les draps dégueulasses de plusieurs générations de gicleurs compulsifs et de femmes-fontaines. Non, ils ne dégusteront pas une douche ou un bain dans le fond de la baignoire où des germes préhistoriques finiront de leur bouffer les chairs et leur pourrir les entrailles. Il ne sait même pas comment ils sont parvenus à ne pas choper une saloperie incurable.
Sa négativité brusquement pulvérisée par les assauts langoureux d’Hazel. Hazel pour venir écraser de moitié sa silhouette sur lui et envahir sa bouche quand son regard tente de ne pas perdre la route. Route sur laquelle la Ford zigzague et manque percuter une poubelle puis un semblant de boîte aux lettres. Saveur fraise répandue à ses papilles et sourire immanquablement irradiant sa tronche de gosse fracassé.
– Plus vite on trouve Bunny, plus vite on peut faire les chauds lapins, minaude-t-elle.
– Plus vite on trouve Bunny, plus vite on peut rentrer.
Rentrer chez eux, rentrer à Malibu qu’il commence à adorer. Rentrer dans le confort de leur maison, dans la sécurité de leur quartier. Skye devenant une sale petite tapette adepte des milieux aseptisés et des endroits clos ; Skye se laissant aller à apprécier sa vie de privilégiés à l’abri de la brutalité mortifère du Sud. Souvenirs traumatiques évincés sous une bonne couche de déni et une merveilleuse dose de soleil.
– On pourrait-
Un civil est évité de justesse tandis que les indications d’Hazel emplissent l’habitacle et sont toutes plus à chier les unes que les autres. Des indications erronées qu’elle donne au rythme de ses notifications ; autant de notifications pour toutes ses conneries de réseaux sociaux.
– On pourrait aller à la plage.
Et boire un jus à la banane ; car rien de plus délicieux qu’un jus à la banane devant la mer les pieds dans le sable.
– ARRÊTE-TOI !
Il pile, sans réfléchir, au milieu de la rue déserte.
Hazel attachée ne mange pas le tableau de bord.
Pourtant, son bras s’est tendu par réflexe, comprimant sa poitrine à la faire exploser. Son épine dorsale enfoncée dans le siège passager.
– Merde, tu m’as fait peur.
Reproche sans en être pendant qu’il la libère et mire les environs.
Un miracle ajouté à leur relation ; la peur découverte à travers ses yeux. La peur qui ne le quitte plus dès lors qu'Hazel se languit à son flanc.
– Y'a un parking, prends la prochaine à gauche.
Incisives se plantent dans la lèvre inférieure puis c’est la langue tout entière qu’il se met à mordre. Skye reprend la route à un rythme plus lent. Observe les gauches sans prendre note de la prochaine puisque jamais la prochaine à gauche ne sera la première si l’on considère les aptitudes d’Hazel en tant que copilote.
– On fera le reste à pied.
– Il fait trop chaud… marmonne-t-il, mal luné.
Obéit malgré tout.
Clébard fidèle et servile.
Skye gare la caisse en plein milieu dudit parking à moitié vide ou moitié plein, selon comment on voit la vie à expliquer un bouddhiste réputé dans l’une de ses vidéos sur Mirror.
Moteur coupé et ceinture défaite, la main sur la poignée de la portière. Hazel pour le harponner avant qu’il ne s’évade.
– Tu veux le flingue ou la bite ?
Prunelles vagabondent sur le visage d’Hazel.
Skye patiente. Sans savoir si elle est sérieuse, si elle se fout de sa gueule, si elle compte réellement récupérer la bite en verre vert et l’abîmer davantage.
– El.
Le prénom comme une déclaration de guerre. Un combat amorcé.
Timbre bas et mine sérieuse.
– Si tu prends la bite, tu pourras pas la mettre sur le meuble télé.
Son idée qui n’a pas changé malgré le doute envahissant.
– Ou faudrait la mettre sur le meuble à l’entrée. Mais j’sais pas, ça pourrait être mal compris.
Que ce n’est pas une bite d’alien ni une réelle antiquité mais le symbole de la puissance au masculin. Voire de la puissance intime et grimpante, tendue vers le ciel, résidant en chacun.
– Enfin du coup on s’en branle, j’ai un Glock.
Coincé depuis le commencement dans la ceinture de son futal, planqué sous sa chemise.
Skye qui n’est pas foutu de bouger sans avoir une putain d’arme sur lui.
Cette arme récupérée sur le marché noir trois semaines plus tôt.
Il sort de la voiture, claque la portière, contourne le capot et se plante à côté d’Hazel.
– El.
Encore. Toujours.
Prénom bousillé par son excès d’amour ou de colère.
Les deux à la fois.
– Si l’mec il a des putains d’oreilles ou une queue bizarre ou qu’il porte un putain de masque flippant, il va s’faire foutre.
Mains enfoncées dans les poches de son jean, la sueur lui maculant déjà les aisselles et coulant le long du dos. La putain de chaleur du sud ou le stress – la chaleur rien que la chaleur de Los Angeles. Et le choix vestimentaire douteux pour un après-midi caniculaire.
Le parking est quitté, le trottoir rejoint. La direction du cimetière prise.
Skye qui ronchonne, encore.
– J’aurais dû mettre un short.
Un short et puis un t-shirt.
– En plus j’ai l’impression d’faire du surf dans mes godasses.
Ses chaussettes trempées et le bruit spongieux, qu’il présume envahir bientôt leur marche. Les minutes l’écrasent toujours plus intensément au bitume.
– Tu savais qu’Max il a fait une nouvelle pub ?
Son bleu océanique dérive, lèche le profil d’Hazel. S’attarde sur ses taches de sons en constellation sur son museau. L’astre ardent perché haut dans le soleil pour la faire dorer et miroiter comme un petit pain à peine sorti du four.
Son bide gargouille.
– Pour un shampoing.
Les orbes retournent au macadam brûlant.
– J’devrais p’t’être l’essayer j’me dis. Regarde.
Il penche la tête, tend l’échine vers Hazel. Se plie en deux pour lui mettre sa tignasse sous les yeux.
– Y a des mèches qui éclaircissent avec le soleil alors p’t’être…
Puis avec l'âge.
Skye se redresse, ses quasiment deux mètres dressés vers l’empyrée.
– P’têtre que ça fera comme il dit dans la pub… genre, prendre soin de vos cheveux et tout ça là.
Il a oublié les trois quarts de l’argumentaire. Ne veut simplement pas perdre ses tifs avant l’âge, devenir un petit chauve avec de la brioche quand sa fille aura cinq ans.
– Tu crois que j’dois mettre une casquette pour les protéger ?
La main enfoncée dans ses boucles qu’il tire et décoiffe davantage en essayant de les peigner. Des touffes dressées sur la tête et rebiquant sur le côté.
– Faudra qu’on s’arrête ouais, pour qu’j’en achète une.
Parce que la bonne vingtaine qu’Hazel garde dans la penderie ne le satisfait pas. Et qu’il ne va – surtout – pas prendre une putain de casquette de fille alors que plus de la moitié sont mixtes. Mais mixte ça veut quand même dire que c’est pour une putain de fille et Skye n’est pas une tarlouze.
Le cimetière, il y pénètre sans même y penser. Trop préoccupé par ses cheveux et puis son bide qu’il se met à palper. Sa main charcutée ayant abandonné son crâne pour se glisser sous sa chemise et toucher ses abdominaux. Vérifier qu’ils ne fondent pas au soleil, à devenir de la crème patissière.