golden apple / hazel

- Golden (boy) (girl) apple -

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Chants de muses qui slaloment, se répercutent contre les murs de marbre, contre le sol en marbre, contre les foutues fenêtres qui seraient de marbre aussi si un de ces crétins s'était dit que ça serait "vraiment trop stylé". Sûrement la conséquence de camions qui ont traversé le pays fracturé, bien chargées en pièces stylisées par des orfèvres du minéral. Ou alors encore un coup du Sculptor, ce type aux traits aussi burinés que les martyrs qu'il place sur des socles ; le type trace des silhouettes toute la journée, il y prend plaisir, et en plus il a l'audace d'être applaudi et porté aux nues par des entreprises comme Seraph. Comme moi il y a cinq ans encore. Point de martyrs marbrés, à cette époque, point même de triomphes retentissants ou d'exposition sur le parterre de la Maison-Mère ; non, il n'y avait que les cordes de violon, que les rugissements de trompette, que ce bureau immense et vide. On y fracassait des objets, on en faisait crier d'autres, pour avoir accès à la plus complète des palettes de sons ; c'était mon marbre à moi, ma poterie personnelle, de quoi donner aux plus grands un peu plus de grandeur. N'était-ce pas le rai de lumière jeté au visage d'un héros déchu, qui donnait sa saveur aux plus grandes toiles ?

Toujours est-il que ce soir, pas trace d'un de mes triomphes, pas trace même d'un sourire admiratif, d'une main scrupuleusement placée sur le poignet, le temps de félicitations, le temps de compliments. Il est déchu, ton âge d'or, Keith. Il faut au moins en tirer quelques avantages : depuis que j'ai rejoint la poussière, je peux me permettre de vivoter en esquivant les belles (non) discussions avec les plus influents de ce monde. Depuis que j'ai rejoint la poussière, je peux cesser de faire semblant, semblant de m'intéresser à la cause caritative qui nous réunit tous ce soir, ou bien à l'hommage du héros du jour (congrats bob, you saved the day!, tout ça pour devenir mouchoir et se faire jeter dès la prochaine aube venue). Depuis que j'ai rejoint la poussière, je peux enchaîner les coupes de champagne, tenter de donner aux paillettes dans ma tête des teintes mordorées, les faire exploser au fur et à mesure du temps qui passe, s'écoule, au fur et à mesure surtout du chant des muses (fuck, je déteste l'acoustique jazz). Surtout, depuis que j'ai rejoint la poussière, je peux me délester du bras de mon Époux, le jeter dans le vide, bringuebalant, comme une vulgaire carte de tarot sur laquelle on souffle pour la faire s'envoler. Ça, ça n'a pas de prix : sentir la pesanteur de son regard, la mâchoire qui se serre, les pensées fulminantes parce que je ne suis pas censé m'éloigner, mais qu'il ne peut pas faire un scandale en public... ça fout les poils, je te jure.

Adieu les bonnes manières, dans l'ombre, adieu même la stature impeccable, le dos droit ; maintenant, je trouve un balcon, je m'avachis dans mon coin d'obscurité, avec deux ou trois coupes à côté, et j'attends que ça passe, j'attends qu'Il sache quand c'est le moment de rentrer. Le crépuscule s'étale, toile qu'on a gerbé furieusement sur la voûte, ça peuple les reflets d'orangé et de rosé, et ce serait sans doute romantique ; faudrait-il encore croire en l'Amour, en cet Éros de pacotille et en ses bienfaits mystiques. Non, seul sur mon coin de balcon, par-delà les murs qui donnent aux chants des musiciennes ce soir des allures de chuchotement, je lève mon verre, et je trinque seul
à la Colère, à l'Abandon.

@Hazel Lane

- GOLDEN APPLE -

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, nos sentiments aussi.

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Un gala de charité. Un putain de gala de charité. Le truc le plus nul au monde. Et le plus inutile franchement. Est-ce que les pauvres sont moins pauvres ? Non. Est-ce qu'ils aperçoivent la couleur de ce fric ? Encore moins. Est-ce que tu t'en soucies ? Absolument pas. Chacun ces centres d'intérêts, les tiens consistant à rafler l'oscar de l'égocentrisme.
Voilà deux semaines que Seraph te sollicite pour l'évènement comme le stipule les termes de ton nouveau contrat. Deux semaines que tu leur dis d'aller se faire foutre avec des émoticones diplomates. Deux semaines à t'appeler Lane et balancer à la vue du monde ta bague de mariage, choisie par tes soins. Niveau mode, ton mec demeure en période d'essai indéterminée.
Et c'est la véritable raison de ta présence ici. La corporation, soucieuse de présenter une image lisse, parfaite, puritaine au possible, te force convie à la fête. Excitée de présenter l'aboutissement de ton histoire d'amour telle une création de ses saintes entrailles. Eurk.
L'envie de gerber. Une donnée que tu apprends à gérer depuis le muffin au four. Grossesse dissimulée. Désireuse de retarder l'inévitable. Le moment où chacun va s'emparer de ton bonheur et vouloir se l'approprier.

Alors tu portes une robe plutôt fluide, légère, le genre parfaitement adaptée à une soirée champêtre. Le genre à cacher un ventre doucement arrondi de trois mois.
Encore quelques semaines de répit, espères-tu.
Et la soirée se déroule comme prévu : chiante à mourir. Des invités triés sur le volet (en fonction de leur compte bancaire), des influenceurs chargés de diffuser le beau du décor à leur communauté, des produits de Seraph Inc. retenus en otage contre un bon prix. L'argent achète tout. N'est-ce pas ?
Les verres se croisent, les sourires se multiplient et les félicitations t'endorment chaque seconde davantage. Ils pensent peut-être que tu t'en soucies ? L'opinion des autres, un élément sans la moindre importance de ton existence supra importante. Le seul dont tu soucies, Skye. Un souci justifiant tes 13 écrits, 10 vocaux et 11 selfies.
Envahir son horizon, une priorité absolue.
Mais tu n'exagères pas. JAMAIS. La modération une notion totalement éradiquée de ton organisme. Tu lui laisses seulement le temps de souffler avant de revenir à la charge. Enchainer une autre partie de Pokemon ou un autre épisode de Walking Dead. Faire le plein de tranquillité. Pour être en forme à ton retour.

Tu patientes. Tu essaies. La musique insupportable. Le champagne proscrit. Aucune distraction disponible. Hormis le plaisir de répandre des sales rumeurs sur les convives. Et puis une silhouette accapare ton attention. L'aura surnaturelle percutant de plein fouet tes sens.
Sirène dans le viseur. Keith dans le panorama.
Tu te rappelles de lui. Tu te rappelles de sa mutation surtout. Son histoire ? Toutes les histoires sont identiques. Une énième enfant de la maison mère, mis en valeur durant des années, exploité à tort et à travers, des rêves pleins la tête, des chaines aux pieds. La fin écrite à l'avance : direction les encombrants.
Ce qui te frappe le plus c'est certainement le décalage entre sa tête de dépressif et les sourires pincés des crabes. Aussi, tu entames de le suivre. Jusqu'à son précipice. "Je sais pas le plus pathétique" le bonjour giclé par-dessus bord "toi en train de trinquer seul ou ces faux culs en train de se pavaner pour oublier leur solitude ?" Lui assurément.
Distance réduite, verre attrapé. Une gorgée portée aux lèvres (oups) et la flûte chute de plusieurs mètres. Quelle maladresse. "Tu vas vraiment rester planté là comme une merde quand tu pourrais t'amuser ?" L'art de faire la conversation d'après Hazel fucking Lane.

@Keith Lovins