Follow you into the dark (( Zoe ))

Follow you into the dark way back home | @Zoe Covington

Juillet 2031

Follow the deer to follow the owl

Nuit tombée. Ciel éclairé des diverses constellations présentes et surtout visibles. Pas un nuage à l’horizon. Nuit claire. Il fait bon, une fois le soleil couché. Fenêtre ouverte offrant le renouvellement de l’air nécessaire à la survie de l’insomnie du Marchand de Sable. Lunettes sur le bout du nez, encore habillé comme s’il allait sortir, les manches retroussées sur les coudes. Un amas de papiers entre les mains. Petit balcon ouvert, le cendrier laissé à l’abandon avec la cigarette encore fraîchement sortie du paquet. Un verre de whisky posé sur le côté. Prendre une pause, il ne sait pas faire, le vieux Covington. Main gauche passant contre sa nuque, le frottement contre sa peau. Un long soupir passe ses lèvres, grand temps de quitter les yeux des papiers. Papiers déposés sur la table basse du salon, le corps bouge jusqu’à l’extérieur, prendre une bouffée d'air frais nocturne. Le briquet sortie de la poche du pantalon, le cancer en tube allumé et les doigts libres sur le verre. Les coudes venant trouver la rambarde, le dos contre le muret du balcon. L’attitude désinvolte, la position d’un adolescent déjà gonflé par la situation. Insomnie qui frappe fort, qui frappe longtemps et qui laisse sa trace sur la face âgée d’une petite cinquantaine d'années. Des cernes se dessinant progressivement sous ses yeux. La fumée de cigarette s’échappe de ses lèvres alors qu’’un début de bruit commence à se faire entendre dans le couloir menant à la porte de son appartement. A une heure pareille, pas grand monde, même dans le Sud, ne s’amuserait à faire une pseudo visite guidée dans les couloirs. Il ne s’en inquiète pas plus. Le bâtiment, même si l’appartement semble neuf et en bon état, est un vieux trucs de briques. Le sol en bois, dans le couloir, grince souvent. La fumée quitte ses lèvres, ses poumons, le liquide alcoolisé glisse entre les lippes pour trouver la gorge. Verre bu rapidement, déposé sur la table du balcon. Politesse de fumer en extérieur oubliée le temps d’une demie seconde, le temps d’aller récupérer la bouteille et un second verre. L’impression, l’intuition que la visite est pour lui. Une chance sur trois. Il a beau connaître assez de monde avec la Cour Sacrée, à une heure aussi tardive, il s’agit soit de Papa, soit de la Princesse ou de sa fille. Les verres servis, le souffle sur le côté, le regard porté sur la porte d’entrée. Un an, tout au plus, et elle a déjà un double des clés. Petite arapède qui a si bien su s’accrocher à son existence.

Valery laisse la porte s’ouvrir. Aucune pression. Le cliquetis de la clé dans la serrure. “Que me vaut ta visite à une heure pareille ?” Il a cette allure décontractée, les lunettes toujours sur le bout du nez. Il est loin de se douter de la raison de la visite aussi tardive de sa marmaille. Un signe de la main de sa part, pour lui indiqué qu’il est là, qu’il n’est pas loin. Nullement tapis dans l’ombre d’un recoin sombre de l’appartement pour faire peur à quiconque déciderait d’entrer. Il est sous la lumière du balcon, à vivre sa vie comme n’importe qui, à s’offrir un semblant de normalité dans cette vie bercée de criminalité.

Follow you into the dark Feels like home. | @Valery Covington

Juillet 2031

As much as I dream, I have nightmares.

Le souffle vif, les yeux fermés jusqu’à en voir des tâches sur les paupières. Ce n’était pas réel, elle le sait. Rien n’était réel, un cauchemar, un mauvais rêve. Pourtant la peur reste, glissée contre la peau à la manière d’un serpent venant planter dans la chair ses crocs empli de venin. Elle ne veut pas ouvrir les yeux, elle à trop peur de ce qu’elle pourrait voir. Et pourtant il va le falloir, le corps refuse de rester statique, de rester là. Le corps à besoin de réconfort, de, pour une fois ne pas jouer à la plus maligne. Laisser la fierté de côté. Paupières acceptant de s’ouvrir non sans difficulté. Rien. Personne. Les murs sont les mêmes, la pièce est la sienne. Elle est chez elle. Nul part ailleurs. Le corps est simplement douloureux, les jambes sont lourdes, rien de réellement grave mais simplement gênant. Grognement léger qui traverse les lippes lorsque la carcasse quitte le confort des draps. C’est foutu, la fille Covington le sait. Elle n’arrivera pas à dormir, pas ici tout du moins. Et ce, même si elle le voulait. Où alors ? L’idée vient seule, d’elle-même. Si pas ici, chez lui. Seigneur témoigne du long grognement qui la quitte. Hors de question d’aller  chez lui, de se taper cette honte internationale que d’aller le voir, la queue entre les jambes pour jouer la gamine ayant fait un cauchemar. Et pourtant le corps se déplace seul, un pantalon enfilé pour ne pas sortir en pyjama dans les rues. Le t-shirt ne sera pas changé, personne ne sait que c’est un haut de pyjama de toute manière. Et au pire elle emmerde ceux qui oseront faire un commentaire. Le venin semble plus apte que le miel sur ses lèvres cette nuit.

Le grognement reste coincé dans la gorge alors que les rues se font trop calmes. Elle n’a pas l’habitude du calme elle. Elle préfère le bruit, l’agitation, elle sait se mêler à ce monde-là, celui du Soleil, celui des gens vifs. Le monde de Dame Lune, ce n’est pas le sien. Le calme, l’absence d’agitation, ce n’est pas d’elle, pas de ceux qui fonctionnent comme elle. C’est lui ça, son univers à lui, ce ne sera jamais le sien à la progéniture du Sandman. Et pourtant, la voilà, au milieu de ce calme qui en serait presque gênant, serrant dans ses mains ce carré de laine crochetée. Pas de doudou affriolant chez la métahumaine, pas d’ours en peluche offert par Papa, pas de Doudou de naissance. Juste ce carré de laine, depuis des années le même, de ce bleu très clair. Elle ne sait même plus qui lui a offert, comment elle l’a eu, il a simplement toujours été là. Et au pire, elle ne veut pas vraiment savoir. Ça lui va de ne pas forcément savoir. De toute manière, l’humain est fait pour ne pas tout savoir. Complexe immobilier gagné, hall passé. Elle sait très bien où elle va, là où elle ne voulait pas aller par pure fierté. Il ne dira rien, au pire, il fera quoi ? Un sourire légèrement amusé ? Peut-être. C’est pas comme si elle le connaissait réellement. Elle ne sait pas grand-chose de ce patriarche qui s’avère être le sien. Un an, à peine un peu plus qu’elle est là. Dans sa vie. Arrivée tel un cheveu sur la soupe sans crier gare, sans prévention quelconque. Elle s’est imposée chez lui comme elle a su si bien le faire. La voilà à s’imposer de nouveau, d’une autre manière cette fois.

Clef dans la serrure, elle a cet instant léger de doute. Rebrousser chemin ne serait pas une si mauvaise idée. Les cauchemars elle sait les gérer maintenant. Elle sait comment se débarrasser de cette sensation poisseuse qui colle au corps comme un chewing-gum à la chaussure. Et pourtant, elle pousse la porte comme si elle était chez elle, prenant soin de refermer derrière sa petite carrure. Etrange chose que de ressentir la sensation d’être à la maison chez quelqu’un que l’on connaît à peine et pourtant. Le souffle se fait bien moins lourd, elle a la sensation de pouvoir respirer, que ce qui tenait ses poumons vient enfin de fuir. Que lui vaut sa visite à une heure pareille ? Le regard cherche l’origine de la voix pour le trouver à son balcon, sous la lumière. Il a l’air humain pour une fois. Enfin, encore plus humain que ce qu’il est réellement. Canapé trouvé, la carcasse écrasée dessus, les yeux se ferment presque instantanément alors que le venin s’estompe pour laisser place au miel. Nul besoin de venin avec lui, il n’en mérite nullement.

”J’viens vérifier que tu dormes bien.”

Odieux mensonge que le sien. Le sourire glisse, celui qui veut dire qu’elle ment, qu’elle cherche à contourner la vérité. Yeux ouverts, son regard vient se perdre sur lui, les orbes teintées d’une fatigue latente.

”Explique pourquoi tu fais tes comptes à cette heure là ? Tu sais que la nuit c’fait pour dormir, rassure moi ? La lune, les étoiles, les .. putains de cernes que t’as.”

Bâillement qui s’incruste, qui casse ce faux air confiant alors que les muscles s’étirent lentement à la manière d’un chat sur le confort du sofa. Assumer sera encore la meilleure manière de ne pas en parler mille ans, elle en a conscience.

”.. J’ai fais un cauchemar. J’arrivais pas à rester à l’appartement.”

Follow you into the dark way back home | @Zoe Covington

Juillet 2031

Follow the deer to follow the owl

Clef dans la serrure, elle a cet instant léger de doute, il peut le sentir dans sa manière d’ouvrir la porte, dans sa manière de pousser cette dernière avec une fausse délicatesse revêtant le doux manteau de l’impression de gêner. Et pourtant elle ne gêne nullement. Que lui vaut la visite aussi tardive de sa fille. De la petite Zoe. Elle vient vérifier qu’il dort bien. Un sourire nait sur ses lippes alors qu’il laisse la demoiselle s’étaler de tout son long sur son canapé. Le temps de terminer le cancer en tube coincé entre ses doigts. Son regard vient se perdre sur son géniteur alors qu’il laisse le sien atterrir dans ses yeux clairs. Pourquoi fait-il ses comptes à une heure pareille. La nuit, c’est fait pour dormir. Il pourrait lui retourner la remarque. La lune. Les étoiles. Les cernes. Il doit avoisiner les deux heures du matin, crétin. “T’as pas bien meilleure mine que moi jeune fille.” Ricane-t-il de son balcon avant d’écraser le mégot de sa cigarette dans le cendrier, de récupérer les deux verres et de se mouvoir jusqu’au salon où trône allègrement le fruit d’une nuit aussi douce qu’ancienne. Elle a fait un cauchemar et la voilà. Zoe ne parvenait pas à rester à l’appartement. Il voit très bien de quoi elle veut parler. Les cauchemars, il en est un habitué également, sans doute pas du même type ni même de la même virulence. Mais il peut comprendre l’envie de prendre l’air, de changer de plafond à scruter. Le verre déposé sur la petite table du salon, la table basse. “Cadeau.” Si elle souhaite autre chose, elle n’a qu’à demander. Le chocolat chaud n’est pas plus difficile à faire que les pancakes qu’il a pris l’habitude de lui faire, même en une petite année, au réveil le matin. Assit sur le sol, en face d’elle, lunettes déposées sur la petite table, le regard posé sur elle. “Je fais mes comptes à l’heure qu’il me plait mademoiselle. Et je ne parvenais pas à dormir.” Ni venin, ni mensonge, ni arnaque, ni faux semblant. Pas entre eux. Ce serait la pire des manières d’apprendre continuellement à se connaître.

“Tu veux m’en parler ?” De son cauchemar, de la raison qui l’a poussé à traverser le quartier sudiste pour venir réclamer la place du canapé. Le verre entre les mains, le regard posé sur la dégaine de la jeune femme. Il devine avec une pseudo aisance qu’elle est à moitié en pyjama. Il a de quoi lui offrir un confort de pyjama ? Pas encore. Pourtant, Noël dernier, il a si bien su lui offrir de quoi avoir de la compagnie chez lui, un coussin semblable à une peluche de poussin qu’elle a sobrement nommé Pioupiou. Verre posé, il se redresse lentement, le genou craque, ah, la vieillesse avant d’aller chercher son plaid ainsi que son Pioupiou chéri. Elle prend petit à petit de la place, Zoe. Que ce soit dans sa vie comme dans son appartement. Plaid déposé sur ses jambes en douceur alors que Pioupiou semble apprendre à voler au travers du salon tel un ballon de basket. “Tiens, ton support émotionnel.” Touche d’humour dans la voix. Touche d’affection dans le regard.  me en peine qu’il ne saurait que trop affectionner sans trop savoir pourquoi. Elle qui a débarqué comme un cheveux sur la soupe, elle qui a joué les moules collées à son rocher.