(Max) Everybody knows the deal is rotten.

- Everybody knows the deal is rotten -

❖  ❖  ❖
Elle n’a pas envie de lui ressembler, elle n’a pas envie d’accepter cette idée qu’ils pourraient avoir plus en commun qu’elle ne l’imaginait, le prisme des médias et d’une certaine forme de rejet trop présents. Elle entend, pourtant, quand il signale avoir eu les mêmes mots. Il lui faudrait probablement du temps pour digérer cette rencontre et avant d’arriver sur ce toit, elle se dit qu’ils ne se reverront pas, de toute manière, et que ça ne changera rien. Si Defender a de l’ego, Héméra est capable d’une mauvaise foi impressionnante. Il lui apparaît plus aisé d’écouter, d’observer. Il semble avoir une idée très précise de ce qu’impliquerait de rentabiliser des vols, fait éminemment inquiétant, signe qu’il a probablement été englué trop loin dans les griffes de la commercialisation et des finances.

« J'avais à peine vingt, je voulais faire un truc un peu fou pour des fiançailles. La bague au doigt avec un coucher de soleil au dessus des nuages. » Elle le scrute du coin de l’oeil. Il y a quelque chose de touchant, dans l’incident, une attention un peu folle et romantique qui glisse un sourire plus doux sur les lèvres de la jeune femme. « J'avais pas prévu qu'il faisait si froid pour une humaine à cette hauteur. Pas plus qu'il ne fallait prendre en compte des notions comme... l'accélération, la force des G, le manque d'oxygène au dessus d'un certain palier... et l'hystérie des gens qui ont une peur bleue du vide… » Elle voudrait lui accorder la bêtise de l’acte ou l’aspect désastreux, sans y parvenir, parce qu’il avait vingt ans et parce que l’amour fait faire des choses folles. Regrettait-il sa vie actuelle, alors ? Les fiançailles effondrées n’auraient-elles pas pu tenir malgré la cape, malgré l’héroïsme ? Elle est songeuse, repasse en mémoire les lignes de son contrat et n’y trouve rien qui prive d’une quelconque relation - au contraire.  Il y réfléchit de longues secondes sans que le silence ne la mette particulièrement mal à l’aise, le panorama splendide, la population lointaine et le soleil en récompense suprême. Il déclinerait trop vite, comme chaque jour.

« Je ne suis même pas réellement humain. Prétendre l'être en ayant une vie normale, ça n'aurait pas été bien. » L’enveloppe charnelle se redresse un peu, la colombe tachée de gris et de noir ancre son regard dans le sien. Elle aussi, doit réfléchir, peser le pour et le contre de ce qu’il peut entendre, de ce qu’elle peut confier à la tête d’affiche de la Firme. Seraph n’a sûrement que peu d’attention à son égard, pas de projet précis et elle ne pourrait rien gâcher, elle a simplement appris à taire certaines choses depuis trop longtemps. Sans doute ne devrait-elle pas s’excuser d’avoir des opinions, la forme aurait dû être plus prudente, de part la personne qui se trouvait en face à ce moment-là. Elle n’arrive pas à voir l’icône qui déchaine les passions. « Je suis journaliste. » Ca tombe doucement, comme une plume arrachée à un oiseau discret, pris dans les serres d’un système trop grand. « C’est pour ça.. le masque. » Pas parce que sa mutation la rendrait peu photogénique, pas parce que son physique n’est pas adéquat pour les photos, pour l’image de perfection. Le masque, pour protéger un autre métier, pour garantir de ne pas affoler des collègues ou remettre en cause une légitimité. « Si ça m’a appris quelque chose, c’est que derrière chaque image, il y a une autre histoire. Vous n’êtes pas humain, certes.. mais vous croyez sincèrement que les gens, sur votre planète, n’avaient pas une vie normale ? Ils ont certainement aimé, ont eu des enfants, des amis, ont souffert, ont parfois pleuré - enfin si vous avez des larmes, ceci dit. Et vous ne risquez pas de.. » Quelque chose coince. Ca se bloque au fond de la gorge avant de former des mots. Les sourcils se froncent légèrement, l’esprit se débat avec le passé. « .. vous savez suffisamment ce que vous faites pour ne pas être un problème pour un entourage. » Contournement de faille. Esquive du traumatisme. Le dire, c’est le rendre réel. Le dire, c’est lui offrir une consistance qui n’est pas permise. Elle n’est pas là pour révéler ce qui devrait l’empêcher de porter ce blanc immaculé, et le titre de pseudo-héroïne mais pour donner une parenthèse à quelqu’un qui en manque.

« Tu vois où je veux en venir ? » Elle s’est redressée aussi, spontanément, l’information peinant à atteindre convenablement le cerveau. Marcher. Elle a un soudain besoin de marcher qui la pousse à se lever, faire quelques pas malgré la hauteur, malgré la situation improbable. Quand elle s’arrête, ayant pesé milles considérations, elle a l’impression de sentir son coeur descendre de plusieurs étages. « Pourquoi ? » Question imprécise. Elle s’en rend compte assez rapidement pour reprendre. « Je veux dire.. pourquoi vous feriez ça ? Vous savez le nombre de jeunes héros, d’élèves de SUCLA, d’apprentis en tous genres qui tueraient pour un seul conseil de votre part ? Même un seul regard, en réalité. Ils vous admirent, vous adorent, rêvent de vous ressembler alors que moi.. eh bien, je ne vois qu’un homme qui a fait des choix. » Sans idolâtrie, avec une certaine méfiance, la critique acérée, la conscience que toute cette puissance peut faire le bien autant que le mal. « Et je n’ai rien fait qui mérite votre aide. » Elle ne fait qu’essayer d’épargner les victimes, elle ne se bat pas, elle danse presque pour esquiver, chorégraphie des valses fatales avec des ennemis dont le nom s’évapore des mémoires, misérables camés. Et à ses yeux, ce n’est pas grand chose.

Couleur dialogue : #47968e
@Maximillian Grayson

- EVERYBODY KNOWS THE DEAL IS ROTTEN -

I walk this empty street, on the Boulevard of Broken Dreams where the city sleeps and I'm the only one, and I walk alone

❖  ❖  ❖

Elle est journaliste, annonce-t-elle. Le regard de Max glisse à nouveau vers elle. Cette fois, il s'efforce d'essayer de ne pas lui mettre sous le nez un autre point commun qu'ils auraient pu avoir. Parce que le journalisme restait son projet de vie inachevé, justement. Elle déroule sur des explications concernant le masque, petite égide portée sur le museau, non pas par style donc, mais pour défendre son anonymat. Pertinent.

Jusqu'au jour ou quelqu'un se mettra en tête de tout faire pour percer ce secret en supposant que la famille de la blonde sera sans doute sa plus grande faiblesse et qu'il sera alors aisé de s'en prendre à elle par cette voie-là.
Max connaissait ces rouages. Seraph avait par chance accepté d'ajouter dans son contrat des closes visant à protéger ses proches. Certes, il avait accepté qu'on sache comme il se nommait réellement, mais il savait que les gens qu'il avait régulièrement côtoyés étaient aujourd'hui parfaitement protégés. Même ceux qui avaient trouvé le moyen de sérieusement le décevoir.

« C'est un beau métier. »

Qu'il avait simplement lancé, en faisant fi de l'aspect très peu neutre du journalisme actuel, et effectivement du fait que les photos racontaient ce qu'on voulait qu'elle raconte plus qu'une réalité purement factuelle et établie.

Elle compléta elle-même le fond de sa pensée avec ses mots à elle. Seraph et son omnipotence ne faisaient pas briller ce métier comme il se devait, il fallait bien l'avouer. La vérité, au travers du prisme d'une firme pareille, s'en trouvait toujours curieusement altérée et orientée de manière à servir un discours. Il se disait que l'état faisait toujours plus ou moins la même chose, et que la neutralité de la presse, en règle générale, n'était pas quelque chose sur quoi il convenait de compter.
Ceci dit, essayer d'informer les gens restait un beau projet de vie. Et tant pis si les informations transmises servaient des intérêts. Elles avaient l'intérêt d'être transmises justement, et c'était déjà beaucoup.

« Sur mon monde, les gens devaient tous disposer des mêmes capacités oui, permettant de vivre ensemble avec des règles et des normes adaptées. Mais ici, je ne suis pas figure de norme. Et ce que j'ai en plus, je n'ai décemment pas le droit de le garder simplement pour moi. »

Le bien commun, et tous ces petits détails... Il haussa les épaules, et souffla un petit rire quand elle évoqua l'idée qu'il ne pouvait pas être un problème pour son entourage.

« J'avais 5 ans quand j'ai pu commencer à soulever l'avant de la voiture de mes parents. Pas encore quinze ans quand j'ai découvert que mes yeux pouvaient projeter des lasers. Et aujourd'hui encore, je sais que sans une mesure totale et une discipline de tous les instants je peux tuer quelqu'un d'une simple tape dans le dos mal dosée. Les pouvoirs se maîtrisent. »

Si on s'en donne les moyens et qu'on cesse de les craindre. À la manière d'une arme à feu, dans le fond, dangereuse uniquement dans les mains de gens nerveux, mal renseigné et incapable d'appliquer la discipline requise pour que les choses se passent comme elles sont supposées se passer.

Raison de plus, donc, de lui proposer son aide pour essayer de résoudre ses petits problèmes du moment. Chasser ses doutes. Faire disparaître ses craintes. Et lui faire accepter l'idée qu'il existe des moyens de contrôler les choses pourvu qu'on s'en donne les moyens et surtout qu'on le fasse avec autre chose que des océans d'angoisses et des torrents d'appréhension.
Ce qu'il n'attendait pas, ce fut la réaction d'Héméra en retour. Pourquoi ? Il arqua un sourcil, la suivit du regard et se contenta d'hausser les épaules, parce qu'il n'avait pas de raison valable à lui donner.

« Pourquoi pas ? »

On lui avait toujours dit d'éviter de répondre à une question par une autre question à moins de vouloir jouer au plus malin, mais cette fois-ci, il considérait qu'essayer décortiquer les raisons derrière sa proposition n'était pas bien utile. Il y avait une lacune, il pensait pouvoir l'aider à la combler. Et aider restait sa prérogative principale.
Aider qui, ça, ça n'était jamais précisé. Et s'il pouvait rendre service à quelqu'un qui pourrait en retour aider plus de gens encore, alors il s'agissait forcément d'un bon choix.

« Tu viens de te lancer dans un combat à quatre contre un avec la simple volonté d'aider des gens. Tu as cherché à faire les choses sans blesser personne. Tu as opté pour ton propre sacrifice plutôt que celui d'une foule passablement désagréable, et tu étais prête à te dresser contre moi pour épargner des souffrances à des gens qui venaient d'essayer de te tuer. »

Il s'était relevé à son tour, se tenant debout sur le muret, les bras croisés.

« J'imagine que c'est déjà une bonne raison de commencer à croire en ton potentiel. »

Sans compter son désintérêt crasse pour les wanna be hereos de la SUCLA désireux de gloire et d'argent avant même de songer à la réalité de leur engagement.

@Anastasia Weiss

- Everybody knows the deal is rotten -

❖  ❖  ❖
Un beau métier, dit-il. Oui, en principe. Un métier qui lui permet de jeter des mots sur le papier, de cracher autant de vérités que possible sous l’emprise des intérêts d’autrui. Une excuse pour savoir, surtout, la carte de presse en sésame, l’accumulation de ce qu’elle parvient à trouver comme seule protection contre la dangerosité du monde, contre un gouvernement mensonger, contre une firme qui aurait tendance à jeter des paillettes dans les yeux. Elle ne sait pas vraiment ce qu’elle cherchait, au départ, d’où vient son besoin de gratter à la surface des illusions et elle n’a par ailleurs rien de particulièrement compromettant à cacher - elle note, stocke, écrit tout ce qui lui apparaît malhonnête et se dit qu’un jour, peut-être, une information s’avèrera utile. « Dangereux, aussi. » Ceux qui finissent par trop en savoir meurent dans certains pays. Funambule entre la propagande et ses propres intérêts. Elle regrette de ne jamais avoir pu prouver, d’une quelconque manière, avoir été adoptée et le mystère de cette phrase prononcée demeure. Le reproche de Cornélia aussi.

«  Et aujourd'hui encore, je sais que sans une mesure totale et une discipline de tous les instants je peux tuer quelqu'un d'une simple tape dans le dos mal dosée. Les pouvoirs se maîtrisent. » Elle aurait voulu lui dire que rien ne lui interdisait de se mettre au service des autres et avoir un entourage, que des pompiers, des forces de l’ordre et des militaires le vivaient mais les mots restent coincés dans sa bouche. Le filtre de la lumière est détourné durant un battement de cils anecdotique, mutation traitresse. Elle sent presque le torse repoussé trop violemment contre ses paumes, instant fantôme figé à sa rétine et dans chaque sensation lorsqu’elle y repense. Elle évite généralement, chasse Alejandro de son univers même si chacun de ses choix est dicté par ce meurtre. Elle n’arrive pas à se souvenir de la raison pour laquelle elle n’a pas su mesurer le choc, n’arrive pas à admettre qu’il s’agissait de se sauver elle et pas de le tuer lui. Les nuits blanches murmurent parfois qu’elle aurait dû pouvoir amortir le réflexe et qu’elle n’en a pas eu la volonté. Elle n’avait jamais vraiment blessé personne avant cela, brisé des jouets, des meubles, pas des hommes. C’était une enfant calme, une gamine qui mettait toute sa peur en exutoire dans la danse, dans des heures et des heures à tournoyer sur les parquets, pas dans la violence. Elle ne savait plus danser, plus vraiment, pas autrement qu’en réflexe de lutte, qu’au moment d’esquiver une attaque, virevolter dans un combat. Le souffle d’air que représentait cette pratique était mort avec lui. Et la paix n’était jamais revenue.

C’est sans nul doute ce qui la fait questionner les motivations de Defender. Pourquoi ? Pourquoi alors qu’il savait le danger représenté par les apprentis, par les jeunes héros ? Pourquoi risquer de transmettre ce qu’il avait appris à quelqu’un qui ne soit pas réellement digne et motivé à se faire connaître pour des exploits fabuleux ? Pourquoi pas ? C’est vrai, pourquoi pas ? Elle a milles raisons de rétorquer qu’elle ne peut pas, ne le vaut pas. « J'imagine que c'est déjà une bonne raison de commencer à croire en ton potentiel. » L’argumentaire devrait être flatteur. Elle entend ce qu’il tente de lui faire comprendre pourtant le rythme cardiaque s’est à nouveau affolé. Le visage se penche légèrement tandis qu’elle déglutit, l’observe attentivement, le doute frisant le vertige. La bouche s’ouvre une première fois et se referme, à la recherche désespérée d’une manière d’expliquer l’inexplicable. Elle a probablement l’air plus jeune, plus fragile. « Seraph a étouffé ce que j’ai fait. » Seraph et les avocats de la famille, l’inscription à SUCLA ayant toujours été la seule justification logique qu’elle soit parvenue à trouver pour expliquer l’intervention. « Je ne peux pas vous laisser croire que je suis digne de votre attention même pour une seule fois dans une casse au milieu de nulle part. J’avais 18 ans et il ne reverra jamais la lumière du jour. Alors oui, je choisis de ne pas blesser, de mette ma vie en danger et je tente de protéger, parce que j’ai perdu le contrôle et que rien ne peut racheter ça. » La main passe nerveusement dans les cheveux blonds, les taches grisâtres désormais sèches et le mirage d’innocence fracturé. « Personne ne sait. On m’a demandé d’oublier et d’avancer. Et si je ne vous vois pas comme.. une idole absolue, j’ai conscience que vous n’êtes pas n’importe qui. Il est hors de question de vous mentir et de me servir impunément de cette proposition. Vous devez faire ce choix en toute connaissance de cause. » Les doigts se lient nerveusement les uns aux autres, toute l’horreur du souvenir remontant à la surface, s’ancrant dans une réalité qu’elle a enterrée depuis longtemps, ne laissant que la culpabilité comme moteur.  

Couleur dialogue : #47968e
@Maximillian Grayson

- EVERYBODY KNOWS THE DEAL IS ROTTEN -

I walk this empty street, on the Boulevard of Broken Dreams where the city sleeps and I'm the only one, and I walk alone

❖  ❖  ❖

D'un geste las, les doigts du dernier des Solars viennent compresser le gobelet de café, broyant les fibres cartonnées en une boulette condensée et compacte comme ses doigts avaient été une simple presse. Sorte d'illustration un peu nulle et sans intérêt de son pouvoir, en somme. De toute manière, les preuves d'exploits ne manquaient pas pour illustrer son propos et le fait qu'il était délicat de vivre avec des pouvoirs, quels qu'ils soient. En somme, il pouvait comprendre qu'elle craigne ses capacités. Et il savait parfaitement ce que ça pouvait vouloir dire, d'être un danger public en cas d'absence de contrôle.
Peut-être que ça avait aussi grandement conditionné sa vie quasi monastique et les privations qu'il s'imposait toujours et en tout temps.

La conversation, du reste, s'était achevée sur ses paroles et voilà qu'ils en étaient à devoir débattre du mérite de l'héroïne d'être aidée ou non.
Max se redressa lentement et abandonna totalement sa contemplation des alentours en revenant faire quelques pas sur le toit, bras croisés, et les yeux plantés sur la blonde qui, maintenant, en venait à glisser vers ce qui ressemblait à des aveux un peu cryptiques.

Une simple phrase d'abord. Et deux tirades bien plus longues qui laissèrent The Defender plutôt songeur. Il comprenait simplement que quelqu'un était mort et qu'elle s'en voulait. Il avait une vague idée de l'age qu'elle avait quand la scène s'est déroulée. Jeune, et à la fois suffisamment âgée pour avoir une idée de ce qui arrivait.

« Si une perte de contrôle a entraîné la mort de quelqu'un, j'aurais tendance à te dire que c'est une raison supplémentaire de te venir en aide pour veiller à ce que ça ne se reproduise pas du tout. »

Il aurait pu s'émouvoir du drame, et compatir pour la personne qui était morte dans cette histoire. Mais comme il n'était pas bien certain de comprendre comment les choses ont pu arriver, il était aussi difficile de se projeter et d'avoir une pensée pour quelque chose dont il n'avait aucune idée.
Une autre déformation de son boulot : toujours être sûr et certain de son sujet avant d'émettre le moindre avis, sous peine de prendre un sévère revers lors des découvertes annexes.

« Tu sais, Seraph est une entreprise plutôt sérieuse... » Pour ne pas dire omnipotente. « … si ce qui s'est passé était si monstrueux que ça, et si tu étais réellement aussi indignement coupable que ce que tu as l'air de penser, je doute qu'ils aient pris le risque de t'aider et de te dire d'avancer. »

Parce qu'un petit prodige n'est rentable que lorsqu'il est cadré. Les éléments les plus dangereux et déviants ne rejoignent pas les rangs de la firme. Max se demandait d'ailleurs parfois comment Seraph Inc trouvait le temps et l'énergie de savoir à qui s'adresser pour un recrutement aussi cadré, justement. Et ce qu'il advenait de ceux qui dépassaient les bornes.
Sûrement étaient-ils tués médiatiquement. Effacé des écrans. Loin des yeux, loin des cœurs. Personne n'entendait à nouveau parler d'eux.

« J'ai tué des gens aussi, Héméra. C'est quelque chose qu'on doit tous affronter quand on veut utiliser des pouvoirs de ce genre. Les Bandes Dessinées font imaginer des combats dantesques et propres, mais ça n'est pas ce qui se passe dans le monde réel. On doit tout faire pour limiter ce genre de chose, mais ça arrive. Comme ça arrive que des gens tuent quelqu'un involontairement en prenant leur voiture. Ou comme ça peut arriver au policier le plus vertueux qui soit d'avoir à utiliser son arme pour abattre quelqu'un. Finalement, la seule chose qui m'importe c'est que tu ressentes des remords. Que tu regrettes. Et que tu travailles à faire en sorte d'éviter la récidive. »

Il s'était approché d'un pas, hésitant un peu avant de tendre un bras pour le poser sur son épaule, bafouant partiellement la règle des contacts imposés et de la nécéssité absolue de toujours obtenir une approbation pour poser sa main sur quelqu'un.

« Est-ce que tu veux parler de ce qui s'est passé ? »

Se hasarda-t-il simplement à proposer. Puisque ça avait l'air de sérieusement la ronger et d'être un point central pesant sur sa décision actuelle, il se disait qu'il pouvait bien la laisser s'épancher à ce sujet.

@Anastasia Weiss

- Everybody knows the deal is rotten -

❖  ❖  ❖
Elle ne comprend pas et ne comprendra peut-être jamais l’indulgence face à cet acte. Seraph l’avait couverte et elle leur devait un minimum de loyauté pour cette raison, pour le refuge offert, le temps de se remettre au sein de la SUCLA, sans être traitée en monstre, en paria. Et sur un toit au dessus du monde, Defender semble presque offrir les ablutions purificatrices du péché mortel. Les années auprès d’une mère arachnéenne lui rappelant sans cesse ses faiblesses, ce qu’elle doit corriger, lui reprochant la jeunesse qu’elle ne possède plus n’aident pas à lui faire accepter si aisément que de parfaits inconnus lui tendent la main. Elle n’en fait pas assez et elle en est parfaitement consciente. On l’a faite image du Jour, on l’a forgée dans la blancheur éclatante des colombes apaisantes, on lui a rappelé de sourire, de placer un bouclier autour de son coeur pour cesser de se laisser dévorer par sa propre culpabilité - zombie affamé, grignotant la cervelle. « Finalement, la seule chose qui m'importe c'est que tu ressentes des remords. Que tu regrettes. Et que tu travailles à faire en sorte d'éviter la récidive. » Les lèvres se pincent. Oui, il arrive aux plus vertueux de tuer. Oui, Seraph ne risque jamais sa réputation pour rien. Non, elle ne considère pas ces exemples au même niveau. Elle se rappelle ces images terrifiantes de la lutte entre les héros, du conflit qui a mené à la fin de certains, elle se souvient avoir été heurtée par la glorification des vainqueurs. Heurtée par cette justice expéditive applaudie par des foules chaque année. Jamais aussi choquée, pourtant, que par la manière dont une image peut être déformée, pour laquelle il suffit d’être en tous points parfaite pour qu’on ne soupçonne pas la noirceur potentielle. Il a tué parce que c’était son devoir et toute l’Amérique le sait. Dans ses placards à elle, il y a le fantôme diaphane d’un homme qui n’aurait pas dû mourir parce que le système était capable de gérer la faute.

Le contact sur l’épaule la ramène à la réalité. Une crispation passagère traverse l’enveloppe charnelle, charbons ardents du myocarde incapable d’effacer, de se défaire des conséquences psychologiques. Est-ce qu’elle veut en parler ? En est-elle seulement capable ? Les thérapeutes ont défilé sans que les mots ne sortent, et lorsque c’était le cas, le barrage cédait si violemment que le décor en subissait les conséquences, capacités instinctives, protectrices, incontrôlables. Lui, elle ne peut pas l’effrayer. Lui, elle ne peut pas le blesser. « J’adorais danser. Je pouvais respirer, oublier, sans jamais perdre le contrôle. Tout ce qui comptait, c’était la précision, le rythme et laisser de côté les pensées parasites. » Le regard l’évite, se détourne vers l’horizon, vers le ciel dont ils sont déraisonnablement trop proches. « Mon dernier professeur m’a appris à exister à travers la musique, à ne plus avoir l’impression d’être une anomalie. Et j’ai commis l’erreur d’aimer ça. » D’aimer tout court. Elle se détache de la proximité de Maximillian, la honte encore collée à la peau comme le goudron à son costume. Elle déglutit difficilement, ne sait pas comment poser des termes sur ce qu’elle estime être sa faute. « J’aurais pu devenir danseuse. Rester sur les parquets avec lui, il voulait les plateaux télé et la reconnaissance mais SUCLA a ouvert ce cursus et j’ai choisi une autre voie. Quand il l’a su, il est devenu plus brutal. C’était pas grave, il n’avait pas vraiment la force de me faire mal. C’était l’alcool qui parlait, j’imagine. » Une inspiration, profonde. Elle lui tourne le dos, n’est pas certaine de vouloir lire quoique ce soit dans les yeux clairs du Phare de l’humanité. « La veille de mon départ pour l’Université, j’ai oublié que je n’étais que la maîtresse, pas celle avec qui on passe une soirée normale et j’ai pas.. voulu. » Le sous-entendu est lourd. Lourd des sensations poisseuses qui lui collent encore à la peau. « C’est sa main autour de ma gorge. J’ai pas mesuré mes gestes, je voulais juste qu’il recule alors que je savais qu’il ne pouvait pas me blesser. C’aurait été un mauvais moment à passer et il serait encore vivant, il serait rentré auprès de ses enfants. Peut-être que vous avez tué mais vous l’avez fait pour protéger des innocents. Il y a un monde entre le flic vertueux, le héros qui sauve des vies et un homme jeté à travers une pièce pour.. rien. » Rien que sa petite personne, qu’une enveloppe charnelle déjà acquise, qu’elle lui a refusé sans trop savoir pour quelle raison. Rien que le sort d’une femme qui n’est même pas vraiment humaine et dont les facultés auraient dû lui apprendre à se mesurer. « J’ai passé des heures avec son corps inerte avant que les armées d’avocats et de conseillers ne me trouvent. Je sais même pas comment. » Rire amer, bref. « Que voulez-vous que Seraph fasse avec une histoire pareille ? On m’envoie en duo, histoire d’être sûrs que je désarticule personne, sans doute. Ils auraient dû lâcher l’affaire. Trop solitaire. Les autres héros se lassent vite de mon refus d’être radicale et de la fuite maladive des médias. » Elle pivote, s’oblige à lui faire face, à ne pas s’écraser devant des vérités qui, de son point de vue, devraient le dissuader d’aider. « C’est pas tellement pratique d’être le mentor de la femme invisible. Surtout si elle tue ses professeurs. Quel intérêt si on ne peut pas exposer les petits prodiges ? » Tentative de dédramatiser.   

Couleur dialogue : #47968e
@Maximillian Grayson

- EVERYBODY KNOWS THE DEAL IS ROTTEN -

I walk this empty street, on the Boulevard of Broken Dreams where the city sleeps and I'm the only one, and I walk alone

❖  ❖  ❖

Les confidences vont finalement plus loin. Elle aurait pu refuser. L'envoyer paître, même, mais non. Il y voit quand même une sorte de gage de confiance de sa part. Alors pour une fois, il se contente de se taire, de ramener sa main vers lui pour croiser les bras et attendre que les mots viennent et que la scène se dessine.  La danse d'abord. Une passion comme une autre. Pas la sienne, il fallait bien l'avouer. Un peu trop artistique pour qu'il puisse sincèrement apprécier ce genre de chose. Max n'a le sens du rythme que lorsqu'il s'agit de distribuer des salades de phalanges, de toute manière.
Mais c'était sa passion à elle, et visiblement une sorte d'exutoire. Un refuge plaisant.

Il devine sans mal que les choses ne vont pas rester si plaisantes. Il le sait, l'histoire qu'elle s'apprête à lui raconter n'a probablement pas une belle fin. Allez savoir, peut-être que le fait qu'elle venait de lui confier un crime lui permettait de faire fonctionner ses formidables capacités intellectuelles et de devenir comment les choses allaient finir.

Il garde pour lui les premières réponses qui lui viennent. Il note aussi dans un coin de son esprit qu'elle a ce genre de facilité pour l'autoflagellation. Le dénigrement personnel, l'affliction du siècle. Une sorte de passe-temps que beaucoup gens de cette époque pratiquent avec une assiduité fatigante. Max sait qu'on dit de lui qu'il est un peu égocentrique. Mais à bien y réfléchir, s'aimer lui semble tout de même être affreusement plus sain que se dénigrer continuellement.

L'histoire suit son cours. Déjà les premières notes problématiques. Le Defender qui se voulait neutre a le visage qui se tend. Il y a des choses qu'il abhorre. Ce qu'elle commence à lui raconter en fait partie. Parce qu'il devine ce que le récit sous-entend.
Héméra est avare en détail, mais il complète fort bien le tableau. Et le drame de la fameuse soirée lui est sommairement décrit.

Ses doigts serrés laissent voir des jointures blanches. Le regard serein et profond est terni par quelque chose de sévère. Ne restait, derrière l'obscurité de ses prunelles, qu'une petite once d'une compassion sincère pour celle qui avait l'air d'oublier son réel statut de victime de la situation.

« Tu as fait ce que tu as pu pour te sortir d'une situation où ton intégrité était menacée, Héméra. Que tu disposes de pouvoirs ne t'oblige pas à accepter tout et n'importe quoi sous prétexte que les gens qui te veulent du mal sont plus fragiles. »

Le ton était volontiers plus sec, cette fois. Intransigeant aussi.
The Defender savait sourire et avait cette bonhomie agréable qui faisait de lui le gendre idéal de l'Amérique, certes. Mais sa posture actuelle avait quelque chose de bien moins ouverte. De plus sévère. Quelque chose qui rappelait que s'il était présenté par Seraph comme un protecteur, ses exploits eux, étaient parfois moins ceux d'un dieu magnanime que d'un punisseur.
Et il avait sans doute été élevé dans quelque chose d'un peu trop... chevaleresque pour pouvoir ne serait-ce que tolérer que les agresseurs – car le professeur en était un dans cette histoire – s'en sortent à bon compte.

« Je ne peux pas te laisser dire qu'il aurait finalement été mieux de te laisser faire comme une simple... poupée docile. »

Ceci dit, il savait que c'était quelque chose de récurent chez les victimes de ce genre de situation. Inverser les rôles. Se voir en bourreau et le bourreau devenant la victime. Les avocats en jouaient même beaucoup pour permettre à des ordures de la pire espèce de s'en tirer. Le professeur de Salsa, lui, avait finalement pris ce que Max estimait comme une sentence assez juste, au final.

« Je crois que tu es beaucoup trop dure avec toi même et que tu as tendance à oublier que dans ce genre de cas, l'issue ne change rien à la situation. Tu es la victime Héméra. C'est toi qu'on devrait plaindre et aider. Ce qui tu as vécu est une épreuve particulièrement difficile. »

Quant à Seraph, il doutait qu'ils aient continué à miser sur elle en vain. Il doutait aussi que ça ne soit que pour la surveiller qu'on la faisait agir uniquement en binôme. Peut-être cherchaient-ils simplement à essayer de lui remettre le pied à l'étrier ? À faire en sorte qu'elle accepte d'être quelqu'un d'utile pour le bien commun. Que ses pouvoirs pouvaient certes tuer, mais qu'ils étaient aussi là pour protéger et aider.

« Et je ne te propose pas mon aide pour te faire briller et te mettre en avant. Pas plus que je le fais sous la demande de Seraph, ni par volonté de te médiatiser plus que tu ne le voudrais. Si ça avait été le cas, je t'aurais proposé de me rejoindre à la Seraph Tower, à l'étage des primordiaux pour profiter de la salle d'entraînement. Ça aurait été bien plus facile. »

Mais non, il avait préféré opter pour la casse et les carcasses de voiture, à l'écart des milliers d'yeux des ouailles de Seraph Inc, à l'ombre des buildings de la cité des anges.  

« Mon offre tient toujours, donc. Pas parce que tu as vécu quelque chose d'affreux. Pas parce que tu le mérites ou non. Simplement parce que c'est mon job, et que tu en as besoin. Pas de médiatisation. Pas d'histoire d'acolyte. Juste la possibilité de t'entraîner à utiliser tes pouvoirs sans avoir à te retenir. Si tu refuses, aucun problème, je te laisserai tranquille. »

@Anastasia Weiss

- Everybody knows the deal is rotten -

❖  ❖  ❖
Variation de ton. Quelque chose change dans la posture du héros, l’image patiente et bienveillante se ferait presque main de fer punitive. Ton sévère, autorité naturelle. Ce qui sort de sa bouche entre en contradiction avec ce qu’on lui a reproché, ce que sa mère a toujours placé autour d’elle, de sa mutation, de tout ce qui la rend charmante - tentatrice. On la met en valeur puis on lui reproche d’attirer. On lui apprend à plaire et on lui en veut de ne pas céder. Victime. Le mot heurte. Victime. Ca s’insurge, dans le myocarde coupable. « Je ne peux pas te laisser dire qu'il aurait finalement été mieux de te laisser faire comme une simple... poupée docile. » Elle sait. Une partie d’elle sait. La petite créature ratatinée dans un coin qui se rend invisible trop souvent, qui s’est relevée mais chute encore souvent. Cette moitié a conscience de la violence et de l’injustice de l’évènement. L’autre n’accepte pas, refuse que tout ce pouvoir entre ses doigts serve des objectifs égoïstes. « On ne se fait pas justice soi-même.. » C’est presque un murmure, quand les bras se referment autour de sa poitrine, barrière protectrice contre le monde. Poupée docile, c’est ce qu’elle essaye d’être, pour les Weiss, pour SUCLA, pour Seraph. Une poupée inoffensive, surtout, dont on prendrait la main au milieu du chaos sans craindre pour son existence. « Tu es la victime Héméra. C'est toi qu'on devrait plaindre et aider. Ce qui tu as vécu est une épreuve particulièrement difficile. »

Le minois se relève, le menton se redresse. L’abattement passager des souvenirs remontés ne dure pas, et sous les rayons chaleureux du soleil, elle ne veut pas laisser les démons la ronger. Dans le noir, le croquemitaine pourrait revenir grignoter la conviction. « Tout va bien. Du moment que je respire. » Oui. Même quand elle a peur, même quand le reflet dans le miroir lui inspire du rejet, même quand elle s’écroule sous le poids d’une certaine dualité. Elle est souvent terrifiée, elle est souvent entravée par sa crainte de ses propres aptitudes mais elle se redresse toujours - pour la veuve et l’orphelin, pour les faibles qu’on malmène, pour toute la misère de Los Angeles qu’elle ne pourra jamais apaiser. Au moins, elle essaye, pas vrai ? Pour tous sauf elle-même.

« Pas de médiatisation. Pas d'histoire d'acolyte. Juste la possibilité de t'entraîner à utiliser tes pouvoirs sans avoir à te retenir. Si tu refuses, aucun problème, je te laisserai tranquille. » Un ange passe. Dans les yeux de la métahumaine, il y a les rouages d’une réflexion intense : elle pèse le pour et le contre, elle pèse la responsabilité aussi. Il est dangereux, elle ne peut pas se permettre de l’oublier, et de ce qu’elle en sait, l’échec ne semble pas faire partie de son vocabulaire. Il serait malvenu de refuser, cependant, parce qu’elle a du mal à l’imaginer proposer son aide à la légère, parce qu’elle sait ce que d’autres donneraient pour que ce soit lui, spécifiquement. « Je ne refuse pas.. je ne voulais pas que vous le découvriez par hasard, c’est tout. » Au cas où quelqu’un trouve le moyen de déterrer l’affaire, au cas où toute la prudence du monde ne suffise pas à protéger le secret. Elle ne connaît pas les coulisses de Seraph, l’étendue des moyens de pression qu’ils ont pu utiliser, elle sait seulement que la presse est un milieu de requins et que les apprentis héros aussi, peuvent en arriver à se tirer dans les pattes. « Merci. » De l’avoir écoutée, de ne pas l’avoir renvoyée à ses démons. Elle le regretterait, parce qu’il ne suffit pas de le dire pour accepter les conséquences d’une agression, parce que c’est un chemin laborieux, surtout si tard. « Ce costume est visiblement foutu.. » Elle sent la raideur des fibres entraver les mouvements lorsqu’elle décroise les bras, une grimace de dégoût au craquement du textile sous le liquide qui a terminé de sécher, d’imbiber le blanc. « J’imagine que vous allez devoir.. rejouer l’ascenseur. » Un coup d’oeil vers le vide, vers la hauteur vertigineuse et un léger pas de recul. « La descente est pire que la montée ? »   

Couleur dialogue : #47968e
@Maximillian Grayson

- EVERYBODY KNOWS THE DEAL IS ROTTEN -

I walk this empty street, on the Boulevard of Broken Dreams where the city sleeps and I'm the only one, and I walk alone

❖  ❖  ❖

On ne se fait pas justice soi-même assure Héméra. Max semble assez peu enclin à lui accorder le fait qu'elle avait sûrement un peu raison. Les récidivistes relâchés qui continuent à semer des problèmes sitôt qu'ils trouvent un moyen de sortir sont d'après lui autant de preuves que la justice actuelle est particulièrement à la peine. Il note quand même que le meurtre bête et méchant comme motif d'une sanction administrée sans l'ombre d'un recul n'est pas non plus une solution avisée.
Cependant, ce qu'il sait aussi, c'est que la scène qu'elle lui décrit n'entre même pas réellement dans ces cadres-là. Elle s'était contentée de se défendre, à un instant T face à une situation qui impliquait entre autres un grand stress. Ce n'était pas une question de sentence à appliquer. Il n'y avait pas de justice ni de vengeance. Juste une réaction brutale face à une agression.

« Quand on s'apprête à commettre quelque chose de terrible, il faut aussi s'attendre à ce qu'il y ait des conséquences. »

En d'autres mots : il a joué et il a perdu. Max n'allait certainement pas pleurer le sort d'un violeur en devenir. Il y a des fois où le destin ne se débrouille pas trop mal, à bien y réfléchir.
La seule qu'il regrette, c'est l'effet de toute cette situation sur la jeune femme. Les conséquences, les remords, Seraph Inc...
Il aurait et de loin préféré qu'elle n'ait pas à composer avec ce qu'elle avait évoqué. D'autant que les descriptions étaient sommaires, mais qu'il imaginait sans mal à quels points les différentes étapes avaient pu prendre du temps.

Les juristes de la Maison Mère. Les autorités. La famille. Tout.
Max était tout de même ravi de pouvoir opérer dans une certaine impunité, protégé qu'il était par les amendements progressivement pris pour couvrir les interventions des Metahumains et l'encadrement légal qui pouvait se trouver autour.
Dommage que ça ne s'étende pas aux faits divers impliquant des gens dotés de superpouvoirs. Ça pourrait aider bien des gens.
Le fait de pouvoir légalement considérer qu'une personne dotée d'une résistance ou d'une force incroyable puisse aussi avoir besoin d'être protégée ne devrait pas être sujet à débat.

Un bref instant, il se demanda s'il aurait été aussi hâtif à prendre parti, et aussi sévère et prompt à dispenser mort et jugement si la victime avait été un homme et que le professeur s'était trouvé être une femme. Mais avant qu'il n'en vienne à ne serait-ce que songer à ses propres biais, la conversation déviait à nouveau, et il fut temps d'entendre qu'elle ne comptait pas refuser son offre. Une bonne chose.

Il approuva la nouvelle d'un signe de la tête, avec un air un peu plus respectueux encore dans l'attitude comme s'il saluait l'effort. Probablement aussi parce qu'il était le seul à réellement savoir ce qui attendrait la jeune femme.
Un entraînement avec The Defender en personne, ça se vit, et pas qu'un peu. Et il ne comptait évidemment pas faire dans la demi-mesure.

« Ton honnêteté t'honore, dans tous les cas. »

Conclusion qu'il jugeait pertinente. Elle avait dit oui. Il ne voyait pas de raison d'en discuter plus en détail, pas plus qu'il fallait s'attarder ici et maintenant à essayer de débattre des tenants et aboutissants de son expérience passée. Elle devait avoir fait dix mille fois le tour de la question de son côté, et ce n'est pas en deux petites minutes qu'il parviendrait à lui faire changer d'avis sur ce qu'il s'était passé.
Psych pourrait peut-être ? Hm. Mieux valait ne pas s'y essayer, dans tous les cas !

« Tu devrais vraiment songer à revoir un peu ta copie en matière de costume. Mêler l'apparence et l'utilité, ça aide, tu sais ? »

En parlant de costume, il la désigna d'ailleurs de l'index.

« Inutile de porter le costume pour l'entraînement. C'est inutile de risquer de l'abîmer à nouveau. »

Quant au fait de jouer l'ascenseur, il avait déjà bondi sur le petit rebord, regardant vers le bas avant de simplement tendre sa main... sans remarque sur la danse cette fois. Il avait bien appris sa leçon, à l'évidence.

« La montée est moins naturelle que la descente, je dirais. La sensation de s'arracher à la gravité n'est pas tout à fait la même que celle de s'y soumettre. Mais l'accélération et la vitesse, elles, restent peu ou prou les mêmes. Ceci dit, c'est désagréable les premières fois seulement. Ensuite, avec le temps, les gens apprécient. C'est juste que... et bien les corps des humains ne sont pas faits pour voler, initialement. »

Plutôt désinvolte, il haussa les épaules, et ramena de nouveau son attention sur elle après une petite contemplation du sol pour estimer à quel point il allait devoir freiner leur chute pour que la descente soit moins désagréable que l'ascension.

« Quand tu veux... »

@Anastasia Weiss

- Everybody knows the deal is rotten -

❖  ❖  ❖
Si son honnêteté l’honore, elle n’ose faire remarquer que c’est surtout la peur d’être décevante qui ronge la façade tranquille. Elle aurait pu prétendre n’avoir rien à se reprocher dans ses courtes vingt-six années d’existence, cependant le risque de découverte par quelqu’un d’aussi haut placé dans la hiérarchie héroïque lui semblait trop élevé. A la place du Defender, elle n’aimerait pas offrir des conseils à quelqu’un dont les actes ont été dissimulés. Il lui trouve des circonstances atténuantes, elle se juge sévèrement, et le point d’équilibre se trouve sans doute quelque part entre les deux.

Quant au costume, ça lui arrache une petite moue. « Ils sont encore en phase de tests. Et je n’ai pas vraiment mon mot esthétique à dire.. pas que je me plaigne du résultat, j’ai simplement la vague impression qu’il va falloir en détruire douze pour obtenir quelque chose de cohérent. » Mais ça l’amuse un peu, en un sens. Grandir avec une mère styliste, c’est avoir l’habitude de passer entre les doigts d’autres personnes plus compétentes, qui projettent une image, une idée sur ce que l’enveloppe charnelle ou le joli minois inspire. « Ca ne fait que quelques mois qu’Héméra existe. » Quelques mois d’activité visible et assumée, la décision de ne pas rester que journaliste ayant été longue à prendre, à la fois parce qu’elle ne se sentait simplement pas apte à risquer une visibilité et parce que deux voies s’ouvraient : celle de la simplicité et une double identité pouvant mettre sa stabilité émotionnelle en danger. SUCLA l’avait bien formée, toutefois, et refuser un contrat aurait été ingrat. Seraph avait peut-être eu raison : aucune mort à déplorer depuis, aucune réelle erreur sinon l’angoisse infligée aux psys. « Et j’ignore toujours si c’est vraiment une bonne idée. Peut-être que je ne peux pas correspondre à ce qu’ils espèrent.. » Peut-être qu’elle n’est pas assez pour honorer la part du marché, pour rendre ce qu’on lui a accordé, pour valoir la peine qu’on enterre ce meurtre, qu’on défende des dérapages éventuels. La volonté de contrôle devenait nocive, en fin de compte : à trop vouloir maîtriser chaque geste, chaque action, chaque mot pour ne pas s’écarter d’une image construite de toutes pièces au fil de ces années à craindre d’exister, elle en a oublié de se laisser respirer.

Il bondit sur le bord, comme si la gravité n’existait pas, comme si le vide n’était qu’une autre surface à sa disposition, la main tendue vers la jeune femme. Les corps humains ne sont pas faits pour voler et elle est plutôt d’accord avec cette affirmation. La hauteur, oui, derrière des vitres, devant un lever de soleil, dans des building sécurisés - moins quand il s’agit de se jeter par dessus, malgré les aptitudes qu’offrent les mutations. « C’est marrant, aucun regret de ne pas avoir le vol inclus dans le starter pack. » Une inspiration avant d’approcher. Une seconde, elle songe qu’elle devrait éviter l’humour de ce type, ne pas trop se détendre face à des gens admirés et habitués à plus de prudence à leur égard. « Est-ce que c’était difficile d’apprendre à ne pas heurter des bâtiments ? » Curiosité. C’est peut-être intrusif de demander si une aptitude a posé problème et, d’un autre côté, elle ne peut qu’imaginer les contraintes imposées par l’environnement, les divers obstacles inattendus lors d’un déplacements. La main est prise, toujours avec prudence, avec une attention au contact indiquant sans mal combien elle étouffe une force potentielle, un risque permanent de blesser les autres alors même que lui ne sentirait rien, ne plierait pas. « Il paraît qu’il faut avoir le coeur bien accroché pour tenir dans ce métier.. disons que ça commence ici. » Avec l’équivalent de ce qui lui semble être un saut à l’élastique, une obligation de lâcher prise : elle ne peut pas agir dans le vide, elle est contrainte d’accorder sa confiance, de laisser la direction et la décision à un autre. Il lui faudrait, de toute manière, apprendre à avoir foi en lui : s’entraîner avec quelqu’un impliquait une forme d’abandon momentané de la méfiance, la conviction que la personne en face peut changer la donne. A défaut d’avoir foi en elle-même, ce qui relevait d’un autre défi.   

Couleur dialogue : #47968e
@Maximillian Grayson

- EVERYBODY KNOWS THE DEAL IS ROTTEN -

I walk this empty street, on the Boulevard of Broken Dreams where the city sleeps and I'm the only one, and I walk alone

❖  ❖  ❖

Max plisse de nouveau les yeux, arquant un sourcil pour fixer la tenue de pied en cape avec un œil d'expert qu'il était sans l'être avant qu'une petite grimace ne vienne confirmer qu'il était peu ou prou du même avis qu'elle concernant le nombre d'essai qu'il allait falloir pour que la tenue soit parfaitement adaptée à l'utilisation qu'elle comptait en faire. Et encore.

« Il y a une section R&D spécialisée dans l'utilisation de matériaux adaptés aux metahumains qui les portent. »

De quoi permettre de combattre le crime et sauver la veuve et l'orphelin dans une tenue décente en préservant l'apparence du symbole que chacun se tuait à vouloir représenter, le tout dans des matières pensées pour être fonctionnelles et jolies. Il fallait bien que la fortune de Seraph parte quelque part. Et quand un simple sourire ou un clin d'oeil bien dirigé peut ramener un véritable pactole lors d'une sortie de routine, la firme ailée pouvait bien se permettre de flamber un peu pour habiller ses petits prodiges.

Le prodige ici étant Héméra. Et elle semblait tout à fait dubitative quant à ce que Seraph voyait chez elle, et si ce qu'elle était en mesure de leur apporter était à la hauteur des espoirs de la firme. Max ne pouvait pas parler à la place des hautes sphères de la corporation, mais ce dont il était sûr, c'est qu'ils étaient suffisamment doués pour estimer les possibilités d'une personne d'un point de vue financier. Et que s'ils avaient misé sur elle au point qu'elle se retrouve là, à pouvoir traîner dans les rues en essayant de sauver des vies, c'est qu'ils consentaient à ce qu'elle le fasse.

Qu'elle le veuille ou non, elle faisait partie de ce monde. En fait, elle s'était sûrement retrouvée coincée dans les rouages de cette machinerie à l'instant même où elle s'était mise à penser que ses pouvoirs pourraient être utiles aux gens et qu'elle avait de quoi essayer de sauver des vies.
Avec des décennies de matraquage médiatique pour convaincre les gens qu'embrasser une carrière de Super-Héros était une sorte de consécration éthique, il était difficile de ne pas se laisser tenter par le voyage.

« Héméra... tu devrais t'en fiche totalement de Seraph et de son avis et te contenter de faire ce que tu veux. Si ça entre en adéquation avec l'avis de Seraph tant mieux. Sinon... tant pis. Je crois que tu te poses beaucoup trop de questions et qu'il faut simplement te contenter de répondre à des interrogations simples. Et s'il y a plus de oui que de non, alors tu es sur la bonne voie. »

Il eut quand même besoin d'y réfléchir un peu, parce qu'il improvisait, dans le fond. Ceci dit, ça ne rendait pas les conseils moins judicieux.

« Est-ce que tu as l'impression de pouvoir changer les choses, même à petite échelle ? Est-ce que tu penses vraiment à aider les gens lorsque tu enfiles ce costume. Est-ce que tu es fière de ce que tu as réussi à accomplir en le faisant, jusqu'ici ? Et est-ce que tu penses que c'est un sacrifice qui vaut le coup que de risquer sa peau pour des inconnus...  » … qui ne lui donneront en retour essentiellement une forme assez dégradante de mépris ou des torrents d'admirations déraisonnable et pas toujours agréable à recevoir.

Le reste, dans le fond, importait peu. Seraph ou pas, ce qui importait était encore de faire des choses pour aider. Seraph avait justement le monopole sur les contrats, permettant à des gens de s'officialiser Super-Héros et de pouvoir agir en tant que tel.
Se faisant, il avait grimpé sur le rebord, fin prêt à ramener la blonde jusqu'au plancher des vaches à sa demande. Et parce qu'elle n'avait pas sa langue dans sa poche, elle ne se priva pas d'un commentaire sur le vol, à l'opposé de celui qu'il entendait habituellement.

« C'est beaucoup moins effrayant de le faire quand on a la maîtrise. Honnêtement... c'est même plutôt grisant. »

De voler, il voulait dire. La plupart des gens avaient à l'inverse d'elle, envie du même genre d'option sur ses pouvoirs. C'était pratique, en plus d'être particulièrement plaisant. Se retrouver tout en haut, avec la pleine maîtrise de ses trajectoires... Voir des choses que personne ne verrait. Ne serait-ce qu'un coucher de soleil, par-dessus les nuages, c'était quelque chose !

« C'était... pas vraiment difficile. Pas plus qu'apprendre à faire du vélo, ou à nager tu vois ? Au début, on se trompe, le temps de comprendre comment les choses fonctionnent. Et une fois que c'est fait... ça devient naturel et on se retrouve à vouloir faire des saltos et à aller le plus haut possible avant même d'avoir réellement compris comment ralentir. »

Main offerte donc, il tendit une jambe pour se retrouver dans le vide et pu faire un pas sans pour autant chuter comme il aurait dû le faire, preuve que son pouvoir n'impliquait pas non plus de grandes impulsions pour envoyer la graviter se faire voir. C'était juste... comme ça. Inné. Rien de plus. Rien de moins.
Alors c'est en douceur qu'il choisit de mener la descente, jusqu'à ce qu'ils se retrouvent à deux ou trois mètres du sol, et qu'il choisisse sciemment de totalement relâcher son pouvoir afin qu'ils chutent, dans la simple idée de lui arracher un petit cri de frayeur, ou n'importe quelle réaction qui suffit à lui arracher un court petit rire. À cette hauteur, solide comme elle était, il savait évidemment qu'elle ne risquait rien du tout.

« C'était pour les petites remarques pas toujours sympas semées ici et là au fil de la conversation » assura-t-il, pour se justifier.

@Anastasia Weiss

- Everybody knows the deal is rotten -

❖  ❖  ❖
« Il y a une section R&D spécialisée dans l'utilisation de matériaux adaptés aux metahumains qui les portent. » Tout une science, à n’en pas douter. A vrai dire, elle n’a jamais considéré être un défi, sur ce point, sa mutation n’ayant pas de conséquences biologiques particulières - pas de flammes ou de glace auxquelles les tissus seraient exposés. « Ils vont être ravis d'ajouter la composition de.. ce truc aux données. Peut-être que je devrais questionner un peu plus ce sujet, à l’avenir. Il faut croire que vous n'êtes pas un si mauvais conseiller. » De nouvelles idées pour de nouveaux essayages avec de nouvelles remarques sur l’image qu’elle renvoyait aux autres. La danse et le métier de sa mère l’avaient habituée à ces excès de zèle, quand on devient l’outil de mise en valeur et plus tout à fait une personne. L’aspect effrayant résidait dans le fait de vouloir provoquer une idée chez l’observateur, et donc supposer que l’anonymat relatif ne tiendrait pas. Bien sûr, elle savait que ces quelques mois n’étaient pas représentatifs, que plus elle intervenait, plus il y avait de chances qu’on la reconnaisse : le déni est simplement plus facile, plus confortable, au milieu de la pression qu’elle s’inflige déjà. S’impliquer dans la conception du reflet social d’Héméra, ce serait accepter de la forger pour un monde médiatique aux travers évidents. Alors le discours de Defender est obligé de la faire réfléchir quelques secondes. Elle n’a jamais eu la sensation qu’être indifférente à l’opinion de Seraph soit envisageable, pas avec l’investissement qu’ils déployaient autour d’eux, pas après la protection accordée. Elle n’a jamais d’interrogations simples, jamais d’émotions simples non plus d’ailleurs, engluée dans des considérations qui la dépassent toujours, écrasée sous le poids de toutes les responsabilités qu’elle s’impose depuis des années, d’autant plus depuis la signature de son contrat. « Et est-ce que tu penses que c'est un sacrifice qui vaut le coup que de risquer sa peau pour des inconnus… » Ce n’est pas spontané, elle semble peser le poids des mots, de ses convictions, prudente parce qu’elle sait que les réponses sont un peu trop intimes, un peu trop révélatrices de ce qu’il y a, derrière le masque, derrière celle qui peut jeter sa vie sous un écran géant sans l’ombre d’une hésitation. « Je n’avais pas personnellement envisagé une carrière super-héroïque, ce n’était juste pas exclu, au départ. Beaucoup de mes camarades de la SUCLA se sont impliqués pendant la guerre, j’ai choisi d’écrire des articles. Nos formations n’étaient pas terminées, c’était du suicide. On m’a fait remarquer que c’était du gâchis, un crime, d’avoir les molécules qui composent notre environnement au bout des doigts et de ne pas choisir de camp. A dix-huit ans, tout le monde veut devenir un Teenage Kicks et avoir son quart d’heure de gloire, avoir l’occasion de séduire un Primordial et se faire un nom. A dix-huit ans, on n’est pas assez responsables pour avoir la vie des autres entre nos mains, alors oui aujourd’hui ça vaut le coup de risquer sa peau pour des inconnus, pour les bonnes raisons, pas pour une cause qu’on ne comprend pas, par admiration ou foi aveugle. » C’est peut-être un peu trop honnête mais elle lui a affirmé vouloir l’être, ce n’est pas le moment de reculer, de décider de lui donner raison ou de prétendre s’être spontanément rangée derrière les images, les luttes, les divisions véhiculées par ce conflit. « Et non, pour la fierté. Ce n’est jamais assez, jamais suffisant. En danse, on fait plier le corps à la discipline, ce n’est jamais parfait, la perfection n’existe pas. Ce n’est pas très différent. » Un haussement d’épaules un peu navré, parce qu’une part d’elle sait qu’elle devrait être moins critique, l’autre ne voit aucune autre manière de progresser. Moue dubitative. « Waw. Un discours qui découragerait toute une promo de se lancer, navrée. » Un discours qui oublie le rêve, l’espoir, les opportunités, toutes ces choses qui s’offrent à la signature d’un contrat tant convoité auprès de Seraph. Le sien a été signé avec trop de sérieux, sans effusion de joie, sans personne avec qui le fêter non plus, d’ailleurs. Sa soeur lui aurait probablement jeté son mépris au visage et c’était mieux ainsi, parce que plus elle se trouvait à distance émotionnelle, moins le danger la guetterait - c’était du moins l’illusion qu’elle conservait jusqu’à cette journée précise, face à face qui aurait pu être fatal.

La question du vol est plus légère, quoique la précision sur la maîtrise souligne son problème avec le concept. « Sans le contrôle sur la trajectoire.. c’est plutôt paralysant. » L’immeuble trop haut pour amortir la chute d’un simple saut, même avec une mutation. Le vide en promesse de fin abrupte. Malgré elle, Anastasia imagine un Defender miniature apprenant à décoller comme on apprend à faire du vélo ou à nager, ce qui lui tire un petit sourire. La perspective est plus douce, moins effrayante. Il marche dans le vide aussi aisément que s’il était né dans un univers sans gravité, comme si l’air était une surface tangible, forgée pour l’accueillir, le soutenir. La situation lui paraît plus absurde à proximité, loin du prisme des caméras, des images diffusées, avec une réalité palpable. Toute cette journée est absurde, en réalité.

La descente. La chute. Les ongles qui tentent de renforcer une prise. Le cri. Ou le cri et la chute, qu’importe l’ordre. La brève frayeur qui enclenche le réflexe protecteur préféré de sa mutation : réfracter la lumière, le temps que le coeur retrouve un rythme normal. Elle a la désagréable sensation que son myocarde s’est jeté directement dans son estomac, que tous ses organes ont subi une descente imprévue. La réception n’est pas bien difficile, pourtant, le danger minime, les sensations bien trop violentes en comparaison. Qui plus est, elle déteste l’idée que sa première réaction soit de chercher à s’accrocher à lui comme à une ancre, un sauveur véritable. « C'était pour les petites remarques pas toujours sympas semées ici et là au fil de la conversation. » Le souffle après le choc. Le rire.  Les vagues de la peur refluent, libérant la tension brutale. Petite vengeance de bonne guerre, la susceptibilité est inutile, elle ne s’est après tout pas embarrassée de délicatesse à son égard. « Hey, c’est vous, la perfection agaçante ! Le grand, le charmant, le merveilleux Defender, mh ? Sympa, ce n’est pas franchement mon second prénom. »  Une bonne raison pour ne pas avoir envie de donner une voix à Héméra, à l’alter-ego qui agit sans porter de réel message, qui s’évite une individualité encombrante. « Laissez-moi deviner : ce n’est rien comparé aux dizaines de vols planés sur votre programme, n’est-ce pas ? »    

Couleur dialogue : #47968e
@Maximillian Grayson

- EVERYBODY KNOWS THE DEAL IS ROTTEN -

I walk this empty street, on the Boulevard of Broken Dreams where the city sleeps and I'm the only one, and I walk alone

❖  ❖  ❖

Max garde les yeux sur elle à son laïus, et se contente d'y répondre avec un haussement d'épaules parce qu'au fond, ça n'était que l'illustration de ce qu'il venait de lui dire concernant les questions qu'elle se posait et un besoin d'un peu trop décortiquer les choses. Elle n'avait pas l'air d'avoir envie d'entendre des histoires traitant de lâcher prise et de faire ce qu'elle voulait faire. Et il n'était pas vraiment du genre à se poser des millions de questions sur chaque petit détail. Comprendre son champ d'action et ce qu'il pouvait offrir au monde étant la seule et unique chose qui avait de l'importance d'après lui, sans quoi à théser indéfiniment il finirait par ne plus rien faire du tout.
Et sûrement aussi par se retrouver à craindre ses propres pouvoirs.

« Je me fiche pas mal de savoir pourquoi les gens font ce métier pour ma part. » Cède-t-il simplement. « Qu'ils aient besoin de reconnaissance, d'argent, de célébrité, ou d'attention, pourvu que le job est bien fait. Trouve la raison qu'il te faut pour agir et fais. »

Ou ne le fais pas, d'ailleurs. Il n'allait pas non plus forcer quelqu'un à embrasser une voie qui promettait douleurs, tourments, privations et peut-être même mort à la clé. Elle avait encore la chance de pouvoir faire marche arrière, puisqu'elle avait aussi son métier de journaliste.
Elle avait la chance d'avoir toujours deux options viables à suivre.

« Je n'ai pas la prétention de pouvoir répondre à toutes les questions que tu as l'air de te poser. » Il eut un léger sourire en coin. « Ni l'envie, pour être honnête. »

L'efficacité devait toujours primer. Et le reste... importait assez peu.
Seraph n'était pas forcément de cet avis, il s'en doutait. Mais il s'en fichait pas mal. Il respectait les closes de son contrat actuel, mais s'octroyait le doit d'offrir son temps libre à agir comme n'importe quel Super Héros devait le faire en agissant.

Finalement, cette journée était sans doute l'une de ses très rares entorses. La première, même, aussi « grave ».
Il n'était pas vraiment sûr d'avoir envie de récidiver. Finalement, être Max n'aidait en rien les autres et l'amenait juste à comprendre qu'il se fourvoyait un peu s'il pensait pouvoir s'octroyer le droit d'une simple et infime petite pause.

« Fierté et perfection sont deux choses différentes. Il y a toujours une marge de progression, quoi qu'on fasse. Mais ça n'empêche pas d'être fier d'une réussite. Savourer les petites victoires, c'est plutôt important. »

Surtout dans ce genre de boulot qui impliquait de toujours relativiser. Parce que justement, dans ce monde-là en particulier, rien n'était jamais parfait. Autant se satisfaire d'une réussite.
Qu'importe. Il agita la tête, et leva la main, signe qu'il n'était pas foncièrement utile de rebondir là dessus. Encore moins si l'idée venait réveiller des millions d'autres questionnements dont il n'aurait toujours pas les réponses. Ni l'envie de les trouver, à bien y réfléchir.
Faire simple. C'était ça, l'important.

« Ceci dit, je me rapproche un peu de la perfection, il paraît. »

Qu'il ajouta avec un petit ricanement. Le naturel n'étant finalement jamais vraiment loin. Et tant pis s'il n'était pas question de danse.

Quant à la question du vol qui continuait sur une note plus légère, il eut à nouveau une attitude très désinvolte en voyant qu'elle n'appréhendait sans doute pas la capacité à voler comme lui pouvait le faire, rendant forcément les explications moins évidentes. Mais c'était à peu près aussi difficile que d'expliquer comment on avait pu apprendre à marcher, dans le fond. Son esprit s'était fait avec l'idée qu'à sa guise il était capable de s'élever, de défier la gravité, et qu'en lançant son corps d'une certaine manière il était capable de se projeter dans une direction, et d'en changer la trajectoire justement, à sa guise, avec plus ou moins de maîtrise. C'était finalement plutôt instinctif. Comme comprendre qu'on est capable de bondir, courir, marcher, se pencher sans tomber, et reprendre l'équilibre en se penchant dans une autre direction.

« C'est peut-être juste un truc de Solar, voilà tout. »

Se hasarda-t-il à trancher pour ne pas qu'ils aient ce moment étrange à rendre une conversation badine à la base beaucoup plus profonde qu'elle ne devrait l'être.
Et s'en suit la descente, avec sa petite blague en conclusion, et le cri arraché à la blonde le fait rire franchement, à retardement, en braquant même sur elle un index un peu moqueur au simple souvenir de sa grimace.

« Sérieusement, si tu avais vu ta tête... »

Il se reprit assez vite, quoiqu'un infime sourire en coin demeurait toujours, rappelant un fond moqueur, même si la conversation suivant son cours.

« Je ne planifie pas ces choses-là. Arrive ce qui doit arriver... »

Mais il n'empêche qu'il avait fait voler des gens de manière beaucoup moins agréable qu'elle, avec des atterrissages beaucoup plus catastrophiques en guise de finalité.
Alors oui, elle pouvait s'estimer heureuse, à bien y réfléchir.

« J'imagine qu'il vaut mieux écourter l'échange maintenant que nous avons regagné le plancher des vaches. »

Finit-il par commenter en voyant déjà beaucoup trop de visages tournés vers eux. Parce qu'il était assez peu commun de voir des gens descendre du ciel de la sorte, après tout. Et sans le hoodie sur sa tronche, sa casquette de loser et ses lunettes de soleil, avec ou sans costume formidablement conçu par Seraph, The Defender était quand même particulièrement reconnaissable pour n'importe qui.

« La casse derrière Pasadena. Sois à l'heure. » Il reculait déjà de quelques pas, s'apprêtant à prendre une impulsion bien plus forte cette fois pour ne pas rester dans le coin quand les gens arriveraient avec l'idée de faire des photos. « Et ramène ce que tu utilises habituellement pour te requinquer. Ça ne sera pas une promenade de santé. » Doux euphémisme...

Pliant légèrement les genoux, il finit par bondir vers les cieux à la verticale, avant de changer de trajectoire pour se précipiter à l'horizontale à toute vitesse, le claquement du passage du mur du son réveillant quelques petits cris et applaudissements des badauds curieux.

@Anastasia Weiss