Incident technique ligne E - Vega

-Incident technique ligne E-

-Metro L.A. , fin janvier 2031, 18h00-

Il y a déjà du monde, beaucoup de monde sur place quand vous descendez du véhicule, elle d’abord, puis toi, qui docilement la suis. Un vent glacial s’engouffre dans un mugissement glauque, au loin les sirènes des ambulances qui rappliquent, les gens qui s’amassent autour du périmètre que vous venez de franchir, t’avais pas eu le temps d’englober la scène d’un regard que Vega était déjà partie devant et que toi, tu ferais mieux de te grouiller pour pas la perdre de vue.
A 15 mètres devant vous, la bouche de métro qui s’ouvre en grand des gens qui en sortent apeurés, titubant, parfois blessés et tous avec cet air terrifié inscrit sur leur tronche, ça crie, ça gémit, ça pleure, tout est fort, brouillon, le chaos comme tu l’avais rarement vu jusque là. T’ouvres de grands yeux pour essayer de repérer qui est qui sous tous ces équipements, t’apprivoises à peine le tien que tu trouves trop serré, trop étroit, pas pratique. Mais tu t’y feras va, c’est qu’on t’a balancé devant ta mine chiffonnée. Alors bah c’est ce que t’essaies d’ores et déjà de faire.
T’entends métro, mutant, rame coincée entre deux stations, prise d’otage, revendication et un “Matthews, toi, tu suis Lyra”. L’équipe A qui passe par le tunnel de la prochaine station et remonte vers le Sud dans votre direction actuelle, l’équipe B qui passe par cette station ci, pas dit qu’ils soient pas plusieurs, les témoignages concordent pas, en tout cas, les secouristes peuvent pas rentrer du coup vous y allez vous, Vega et toi.
Suivre Vega était déjà ta préoccupation principale depuis deux bonnes semaines, mais tu réponds du sacro-saint “bien reçu” pour signifier que t’étais pas juste en train de te noyer dans tes pensées pendant le briefing pré-intervention, que t’étais alerte au moins un peu et que surtout “si tu fais nawak tu vas en prendre pour ton grade”. Après, ton grade était au mieux l’équivalent de celui de la stagiaire. C’est pas que ça te faisais chier, t’avais rien contre le statut d'apprenant, d’aucun aurait lancé une grande phrase philosophique sur “ne sommes nous pas d’infinis apprenants sur le chemin de la vie”, oui, non, en vrai, c’était pas la question de toute façon. Le truc qui te -comment dire ça tout en restant d’une politesse toute professionnelle, si ce n’est pas “soule”, “rend ouf”, “fracasse le cerveau”, “fait péter une durite” ? - te déstabilise, c’était plutôt que l’attitude glaciale de Vega Echeverria, dont tu dépendrais pour les prochains mois, était aussi glaciale que ce dernier jour du mois de janvier.
T’aurais pu croire à une vaste blague, si elle ne tentait pas de t’ignorer royalement à longueur de journée, si elle ne te répondait pas que par des onomatopées et des réponses laconiques du genre “hum si tu le dis.”
”Mais je te jure Alice, c’est pas que dans ma tête. Genre, tu vois le silence malaisant quand tu arrives quelque part et que les gens se taisent et ne te calculent pas ? C’est ce que je vis tous les jours, TOUS LES JOURS.” Soupir. “Je suis à deux doigts de faire demi tour et de retourner d’où je viens.” Ce à quoi ta sœur t’avait répondu qu’il ne fallait pas devenir mélo-dramatique, te retrousser tes manches et démontrer que t’étais pas là par hasard. Bisous sur le front. Comportes toi en adulte et poses les choses à plat au lieu de râler. Well, c’est ce que t’avais voulu faire en arrivant ce matin là, balancer ton meilleur : “on peut se parler à Vega” et comprendre enfin pourquoi, mais POURQUOI ? elle ne te calculait pas, alors que t’avais été plutôt proche de son frère aîné, que tu l’avais déjà vu à plusieurs reprises fut un temps et que le courant avait eu l’air à l’époque de bien passé.
Sauf que t’avais pas eu le temps, parce que l’aventure n’attend pas, parce que les gens enfermés dans le métro sont en danger et que c’était le moment de bouger.

Pas précipités dans les escaliers qui descendent sous terre, petite ambiance Enfers de Dante avec la fumée qui s’en échappe, début d’incendie jugulé par les sprinklers au plafond, le sol est trempé, glissant, tout est sombre, éclairé par le faisceau des lampes torches, et une ambiance verdâtre suscitée par la signalétique des issues de secoure. Il est 17h30 passé, l’heure de pointe des retours du taff, les escaliers principaux débouchent sur un palier, la station à des allures de cathédrale avec ses hauts plafonds, portiques passés d’un bond, il faut encore descendre une volée de marche pour arriver aux quais.
C’est silencieux, très silencieux, trop silencieux. T’as Lyra en ligne de mire, tu la quittes pas d’une semelle, dans le feu de l’action les petits défauts de communication sont nécessairement balayés d’un revers de main, enfin t’espères.
Quai à gauche, à droite, au centre les rails, au fond de l’un des tunnels on entend des éclats de voix, dans le sens inverse, une rame vide. Dans vos casques, vous entendez comment les positions des deux équipes évoluent, vous êtes censées attendre le temps que l’objectif soit en vue et qu’on comprenne ce qu’il se passe.
Il ne reste que vous dans la station dont une partie a été suffisamment amochée pour que l’une des passerelles se soit décrochée sur le quai d’en face, à moitié affalée sur la plateforme jumelle à la vôtre, impossible d’accès sans passer par les rails au centre. Poussière, gravats et obscurité. Les termes te sont familiers, mais la réalité qu’ils portent est très différente de ton dernier lieu de déploiement.
T’attends sagement, sans doute moins attentive que ta coéquipière, un poil plus dissipée avant le début de l’action. Quand retentit un “CLANG” métallique, fréquence sourde qui se répercute en vibration dans le sol, tu lèves vers elle un regard alerte. “T’as entendu ? On dirait…” CLANG retentit une seconde fois, puis une troisième.“On dirait que quelqu’un tape sur quelque chose là bas non ?” Tu fais un geste du menton en direction de la plateforme en face. Le bruit s’arrête. Puis à nouveau CLANG. Ca te décide à bouger. Tu vois pas encore à travers les murs et les gravats, tu te dis qu’il y a peut être quelqu’un là bas, tu n’attends pas l’approbation de Vega pour sauter du quai persuadée que quelqu’un est piégé de l'autre côté. Ce n'était pas le plan. Pas ce qui était prévu. Mais tu ne pouvais pas faire comme si de rien n’était, ni empêcher les vieux réflexes d’émerger. Il s’ra toujours temps de te faire pardonner quand t’auras dépassé l’interdit, mais au moins, t’auras agit selon ta conscience entre temps. C’était ce que tu t’étais dit, tête de mule plus dure que la pierre, traversant les rails dans toute ton inconscience.

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- It's Alright -

-Metro L.A. , fin janvier 2031, 18h00-

Les interventions qui ont de l'ampleur ne sont pas si rares, mais elles ne sont pas si courantes non plus. A chaque fois c'est pareil, Vega, tu fais l'erreur d'oublier cette sensation que tu as dans les tripes quand tu te lances là-dedans, un cocktail étrange que tu ne saurais définir avec précision, jusqu'à même ignorer s'il est désagréable ou l'inverse. Peur, appréhension, excitation et mauvais souvenirs ont tendance à s'y mélanger, puis s'ajoute ce besoin que tu as constamment de faire tes preuves comme si tu étais une débutante, et celui d'être utile pour sauver des vies.
Tu approches des escaliers qui s'enfoncent sous la rue, tu es rapide mais tu ne cours pas, tu as l'air d'un calme inébranlable alors qu'il n'en est rien, tu donnes l'impression de regarder droit devant toi alors qu'au contraire, tes yeux ont tendance à filer partout autour de toi pour tenter de comprendre, d'anticiper. Et puis, discrètement, tu tentes de garder un œil dans ton dos, sur cette ombre qui te colle aux talons depuis quelque temps déjà. Tu pourrais dire une toute jeune fille, mais elle a quelques années de plus que toi et la seule raison pour laquelle c'est toi devant elle et non l'inverse, c'est les années d'expérience que tu possèdes tandis qu'elle débute à peine dans cette unité.
Vous n'êtes pas vraiment proches, loin de là. Tu ne fais pas le moindre effort pour apprendre à connaître Wendy, et ça c'est uniquement parce que tu as eu une partie de son dossier entre les mains, sur la toute première page, la case « métahumain » était cochée, et ça a suffit pour que tu adoptes cette attitude que tu as toi-même en horreur … Tu te fais penser à cette professeur de lettres que tu détestais, qui s'adressait à ses élèves en les prenant de haut, qui donnait l'impression de vouloir être partout sauf devant eux à enseigner, qui n'était de toute évidence pas capable de politesse ou même de conversation agréable puisqu'elle parlait à tout le monde de façon fort déplaisante. Une femme aigrie, accariatre et aussi froide qu'un banc gelé dehors en plein hiver. Madame Moreno, c'était son nom. Et toi, Vega, tu es la Madame Moreno de Wendy. Tu limites les conversations, quand tu lui parles c'est par nécessité professionnelle, jamais un mot inutile, si tu écoutes ce qu'elle dit, tu n'en donnes certainement pas l'impression puisque soit tu ne réponds pas du tout, soit tu réponds avec un son unique qui doit donner l'impression qu'elle est un poids dont tu te passerais bien. Et c'est la vérité. Peu importe à quel point Wendy pourrait avoir du talent, être douée, être sympathique, agréable, drôle ou peu importe, tu ne lui laisses pas l'occasion de le montrer et quand elle essaie de le faire, tu la coupes volontairement dans son élan.
Juste parce qu'elle est une métahumaine, et que tu l'as rangée dans une case à la seconde où tu l'as su. Les métahumains sont dangereux, imprévisibles, trop puissants pour qu'on puisse leur accorder une quelconque confiance. Les métahumains prennent injustement des vies. Point.

L'odeur de pisse et de moisi du métro vient se mêler à celle de la fumée pour venir agresser tes narines, ça te tire une grimace, brisant par la même occasion ton masque parfaitement neutre. Le sol est trempé, tu marches dans des flaques d'eau, tu restes concentrée pour ne pas glisser et faire une chute aussi stupide que malvenue. L'endroit n'est pas désert, mais il est bien plus vide que tu ne l'as jamais vu, tous ceux que tu croises sont des collègues qui se pressent de faire leur boulot. Les rares fois où tu as pris le métro, c'était bruyant et bondé, empli d'éclats de voix, de cris, de musique trop forte et du bruit assourdissant des rames qui vont et viennent dans un sens comme dans l'autre. Aujourd'hui ? Rien du tout. Tu entends de l'eau qui coule. « ploc, ploc, ploc » C'est étrangement le son que tu entends le plus, accompagné de celui des pas de Wendy.

Enfin, tu poses le pied sur le quai. Tu observes l'endroit en essayant de prendre tes marques. Ton attention est divisée entre ce qui se passe dans ton casque, et l'ambiance qui règne autour de vous deux. Si on n'y prête pas trop attention, on pourrait ne pas remarquer que quelque chose cloche à l'exception du vide … Mais la passerelle s'est effondrée, et à elle seule elle donne à ce décor des allures d'apocalypse qui serait passée par ici. Tu essaies de savoir d'où ça va venir. Des rails. De droite, ou de gauche ? D'une rame ?
Et puis, ta concentration est brisée par ce son qui vient vibrer de partout et qui fait légèrement sursauter tes épaules. Tu ne dis rien, mais Wendy réagit. Et ça recommence. Toujours murée dans ton silence, ton équipière en herbe s'exprime à nouveau, et tu tournes légèrement la tête dans sa direction. Ça recommence. Cette fois, tu cherches du regard d'où ça peut provenir, tu élabores des scénarios dans ton esprit pour tenter de savoir comme tu devrais réagir mais le temps que tu réfléchisses, Wendy est déjà sur les rails.
« Merde. » Tu as une hésitation, en voyant la jeune femme s'avancer à quelques mètres de toi, mais tu finis par bouger à ton tour et sauter pour la rejoindre. « C'est pas notre boulot de faire ça, on peut savoir ce que tu fiches ? » Peu importe ce qui se trouve là, peu importe ce qui produit ce bruit, votre rôle est d'intervenir sur les blessés déclarés et clairement identifiés, les médecins se doivent de se tenir au plus loin des situations à risque. C'est l'une des premières choses qu'on apprend en rentrant chez Sparte en tant que médecin urgentiste. Et pourtant. Plus vous approchez, plus le bruit se fait régulier, comme si on s'acharnait à vous appeler.

Là, devant vous, en travers du tas de gravats, se trouve un morceau métallique provenant sans doute d'une passerelle, c'est là-dedans que sont portés les coups, tu peux presque sentir le métal vibrer du son qui se répète. Ça vient de derrière. Tes mains bougent pour communiquer avec Wendy maintenant, tu lui montres l'endroit, lui indique que c'est derrière, et lui réclame son aide pour la bouger puisqu'en tant que métahumaine - il faut bien que ça ai un avantage - elle est certainement bien plus forte que toi, et peut-être assez pour venir à bout de ce truc.
Avec tout ça, tu oublies de donner les infos qui vous concernent via ton casque, vous étiez censées attendre sur le quai, et vous tenir prêtes à intervenir, vous êtes au beau milieu de la voie et personne ne le sait.
« Je te préviens si tu -- … » Si elle rien du tout. Parce que tandis que vous poussez, le clang désormais familier est remplacé par un son bien plus violent, plus empressé et surtout bien plus puissant. Une fois. Deux fois. Trois fois. Et voilà que l'énorme pièce métallique laisse place à un gouffre dans les gravats, en son centre, un homme. Un homme blessé, dont la manche est complètement arrachée et laisse voir une profonde blessure qui s'étend sur l'entièreté de son bras gauche, il titube en approchant, il est couvert de sang, d'ecchymoses, et ton œil de médecin le scrute des pieds à la tête tandis que son regard à lui passe sur vos deux silhouettes. Il jauge. Et puis, ses yeux se fixent sur vos uniformes … et soudainement ses yeux changent. Sa pupille s'étend jusqu'à prendre toute la place, sous vos pieds, le sol semble osciller, gronder et tu recules d'un pas avant de sortir ton arme de poing, canon dirigé vers ton blessé devenu ennemi en quelques secondes seulement.
« Wendy, recule, c'est un ordre. » L'homme sourit, comme s'il était persuadé d'avoir l'avantage. Sous tes pieds, ça tremble plus fort encore. « Ici Lyra, demand-- » Ton appel radio semble être le déclencheur des hostilités, ça tremble, ça tremble pour de bon et autour de vous ça se fissure. Avec horreur, tu comprends ce qui a provoqué tous ces gravats, ces éboulements, parce que ça recommence, la structure du tunnel est mise à mal et par endroit, ça cède …

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@Vega Echeverria

-Incident technique ligne E-

-Metro L.A. , fin janvier 2031, 18h00-


Tu peux pas ignorer le “Clang”, tu peux pas parce que dans l’étrange quiétude qui règne à ce moment là, dans la tension qui plane avant votre intervention dans le tunnel sombre qui s’ouvre devant vous, ce son remplit tout l’espace. Il te traverse de part en part. Une fois, deux fois, trois fois. Et à côté, Vega ne bouge pas. Pas d’un cil ou en tout cas, pas comme tu l’aurais pensé, aimé, souhaité, espéré. Pour toi, elle reste murée dans son silence, elle t’ignore comme elle ignore ce son qui peut être tout un tas de chose mais en tout cas provoqué par une activité humaine. Parce que c’est pas le “ploc ploc ploc” régulier de la fuite qui goutte pas loin, le grondement lointain que la surface fait et qu’on ne perçoit vraiment que si l’on tend l’oreille, c’est rien de tout cela. Ce “Clang” est bien humain et c’est en cela qu’il te traverse toute entière. Vega ne dit rien. T’as même l’impression qu’elle t’ignore totalement, mais comme cela fait deux semaines qu’elle se comporte ainsi en ta présence -et juste en ta putain de présence, c’est certain-, tu perds pas ton temps avec elle. Tu bouges, t’essayes de trouver un angle de vue qui te permettrait de confirmer ce qui est en train de se passer… Le sentiment d’urgence monte d’un cran en toi, il te décide à bouger, parce qu’on est jamais mieux servi que par soi même, parce que la zone est censée être un périmètre sécurisé et qu’en attendant un être humain est probablement en train de se faire écraser comme une crêpe.
Est ce que t’as tort d’agir ainsi ? Oui, sans doute. D’un point de vue purement formel sans doute. Mais si chacun avait tenu son rôle; l’équipe de reconnaissance en checkant correctement la zone, Vega en se comportant autrement que comme une conne mutique, alors peut être que Matthews la stagiaire aurait agit autrement ?
Sans doute… Et encore… Matthews la stagiaire est un médecin, elle ne peut pas ignorer l’urgence de sauver des vies, surtout quand ces vies font “clang”. Tes considérations ne vont pas plus loin. Surtout que tu étais initialement partie juste pour jeter un coup d’oeil. Juste un coup d’oeil.

« C'est pas notre boulot de faire ça, on peut savoir ce que tu fiches ? »

Sa voix qui s’élève derrière toi, te fiche une drôle de sensation, t’as tellement pas l’habitude de l’entendre, tu t’y attendais tellement pas que ça te fait presque sursauter presque. Peu importe ce qu’elle te veut, ta décision est prise, tu pars en reconnaissance, de toute façon, t’as déjà sauté sur les rails. Tu ne quittes pas la zone des yeux, celle d’où semble te venir le “clang”, pas même lorsque tu lances en réponse :
“On nous a demandé de prêter assistance aux blessés piégés ici. C’est tout pile notre boulot de faire ça… Sauver des gens, Lyra. Mais je suis ravie de constater que t’es capable d’aligner deux mots pour me faire part de ton point de vue.”
Si elle doit te détester autant que ça soit pour une bonne raison, pas vrai ? Un peu plus ou un peu moins d’antipathie n’allait pas changer ton existence à Sparte, pas en ce moment.

Parfois les ordres donnés ne sont pas adaptés à la situation, parfois il faut improviser… Ok t’avais un peu foncé dans le tas en apparence, mais pour mieux tenter d’identifier ce qu’il se passait là dessous, si c’était possible de le déterminer.
Tu t’arrêtes à distance raisonnable, tente de contourner le tas de gravats pour discerner quelque chose, mais rien. Tu vois rien et si tu vois rien, tu peux rien faire à distance, tu dois t’approcher et là, t’auras sans doute besoin d’elle.
Tu sais que derrière toi ta “coéquipière” s’est aussi mise en mouvement, qu’elle te rejoint même. Le bruit de ses pas et le “clang” qui se propage dans la structure métallique juste devant vous sont les seuls éléments qui résonnent aux alentours, ça et la radio qui continue de vous abreuver d’infos qui pour l’instant ne semblent pas vous concerner.
Tu t’étais stoppée le temps que Vega te rattrape, vous en venez à la même conclusion, c’est là, juste là et si vous voulez vraiment savoir ce qu’il se passe, il va falloir bouger la structure. T’avais acquiescé à ses directives silencieuses et t’étais positionnée pour tenter de décaler l’obstacle qui vous dissimulait la victime.

« Je te préviens si tu -- … »

Si je quoi ? lui balances le regard que tu lui portes tandis que tu t’efforces de faire bouger ce satané morceau d’acier. Vraiment, il allait falloir que vous ayez une sacrée discussion, de l’ordre de celles pendant lesquelles les portes claques pour venir à bout de cette épine qui pourrit votre relation de travail.
Soudain, le “clang” change, le “clang” disparaît. Ca gronde puissamment, ça vibre presque même tellement c’est fort, une fois, tu lâches ta charge, deux fois, recules d’un pas, trois fois, la structure métallique bouge, et sa silhouette apparaît. Sale tronche un peu hagard, dont les iris planent sur l’une; puis sur l’autre, ton regard se pose immédiatement sur son bras à la manche arrachée et à la blessure dont le sang goutte au sol. C’est lui qui venait de se libérer de sa prison, lui et personne d’autre.
Est ce que c’est parce que c’est un mutant que ta jauge d’appréciation de la situation monte d’un cran ? Est ce que toi aussi tu les - vous - considères tous comme un danger potentiel ? Doit y avoir de ça… Le fait aussi de le voir debout, dans une posture qui n’est pas aussi amoindrie que ce à quoi tu t’étais attendue. Tu ne sais pas à qui t’as affaire et tant que ce point n’est pas clairement déterminé, tu t’attends à tout. Tu t’attends à tout, mais tu le considères vraisemblablement pas comme une grande menace parce que tu ne fais pas le choix de dégainer pour le mettre en joue. Le médecin prend le pas sur le soldat faut croire.
Or, à peine avais tu eu le temps de sonder son état de santé, vilaine plaie au bras, légère commotion à la tête, peu de lésions internes que la lueur dans son regard avait changé.
Le sol s’était mis à trembler, t’avais reculé sous l’impulsion des directives de Vega, t’avais porté la main là où était censée se trouver ton arme, mais ta main s’était refermée sur le vide. Changement d’uniforme, changement d’habitudes… Tu sais plus, t’as plus le temps de… Tes pupilles laiteuses rencontrent les siennes. Tu te dis qu’il faudrait bouger et se mettre à l’abri, là dans l’entrée du tunnel, mais le temps défile, les choses se corsent et la perspective de lui tourner le dos pour courir n’est clairement pas une option acceptable.
Alors ton attention se porte sur la douleur qu’il ressent, la douleur sous forme de petites pelotes fumeuses qui s’accrochent sur sa trame, tu pourrais… L’appel de Lyra à la radio résonne dans ton casque en écho à la réalité. T’as plus utilisé cette capacité depuis longtemps, depuis tellement longtemps que tu n’es pas certaine d’y parvenir.
Un craquement sonore au-dessus de ta tête retentit, tu lèves les yeux, perçois le morceau de béton qui vacille, se détache peu à peu.
Tu devrais bouger mais tu le fais pas; t’es obnubilée par la potentialité d’une action à laquelle tu parviens pas à te résoudre. T’es pas là pour ça. Pas là pour heurter et en même temps.
“Merde.” sifflé entre tes dents, machoires serrées devant l'urgence que t'arrives pas à démêler.
T’as à peine le temps de prendre la décision de tenter un truc que le craquement au-dessus de ta tête s’intensifie, il faudrait le sécher en une fois. Il faudrait… Il amorce un mouvement de son bras valide, un mouvement dans votre direction, tu choppes Vega par le bras et tu l’emportes avec toi derrière le tas de gravats que forme la passerelle tombée. C’est rudimentaire comme abri, mais ça vous permettra d’organiser une réplique potentielle, enfin si vous arrivez à communiquer.

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-Metro L.A. , fin janvier 2031, 18h00-

Depuis quand est-ce que tu es raisonnable, toi ? Franchement, Vega, même ton propre cerveau se demande ce que tu fiches, parce que même si ton éducation fait que tu es un bon petit soldat qui obéit aux ordres, tu n'en restes pas moins un soldat justement, qui s'est engagé à la base pour les même raison que chacun des membres de sa famille : servir son pays, sauver des vies. Alors oui, la première idée qui te vient en entendant ce son, c'est qu'une personne est probablement coincée là, derrière, et que, vu l'état général de ce tunnel de métro, cette personne à sans nul doute possible besoin d'un médecin.
Sauf qu'elle est là, Wendy. Wendy, ta pseudo stagiaire, Wendy, sous ta responsabilité alors qu'elle est métahumaine et que toi, t'es partagée entre te dire qu'elle est forcément plus forte que toi, et songer qu'elle est imprévisible, que tu ne peux pas lui faire confiance et que le danger pourrait venir d'elle. Le résultat de tout ça, c'est que tu fais de la résistance, tu continues de te la jouer Madame Moreno en imposant tes ordres insensés juste pour le plaisir d'être celle qui a de l'autorité, et ça ne loupe pas parce que d'habitude tu ne l'ouvres pas, d'habitude Vega, tu préfères agir comme si cette fille là n'existait même pas et là, elle ne se prive pas pour te renvoyer la balle en pleine face.
Bien fait. Et carrément mérité. Tu pourrais même l'assumer si elle n'était pas ce qu'elle est.

Sous ta peau, nerfs et tendons s'étirent douloureusement tandis que tu te mets en mouvement, de mauvaise grâce. Si tu t'observais d'un point de vue strictement extérieur, si tu t'entendais, tu te détesterais toi-même … Et probablement que cet échange devrait virer à la joute verbale, histoire de mettre les choses à plat. Ce serait bénéfique, peut-être, mais ce n'est ni l'endroit, ni le moment pour ça et maintenant que la décision est prise d'agir, il faut réussir à déplacer ce qui vous sépare de votre potentielle victime.

C'est à partir de là que les choses dégénèrent. Sitôt l'obstacle dégagé, votre blessé apparaît … Mais si tu t'attendais à trouver un pauvre type à l'agonie, le regard plein de reconnaissance en train de souffler de soulagement, il n'en est rien. Votre victime se fait menace, et lorsqu'il comprend que toi et Wendy êtes de l'autre côté de sa barrière, dans le camp ennemi, la situation se fait plus critique encore.
L'arme promptement pointée dans la direction de l'homme, tu recules en essayant de demander des renforts, mais Wendy ne t'en laisse pas l'occasion et elle s'empresse de saisir ton bras pour t'entraîner à l'écart, à couvert.
Le sol tremble toujours, en réalité, c'est même le tunnel tout entier qui tremble, de la poussière tombe du plafond, puis des graviers. « Ca va s'effondrer… » Et c'est pile au moment où tu fais ce constat qu'en effet, une partie du tunnel s'effondre du côté de la sortie. Votre retraite par votre point d'entrée est désormais impossible, alors même que c'est loin d'être terminé.
Profitant de votre couverture temporaire, tu tentes une nouvelle fois d'appeler du renfort mais si ta radio hurlait plus tôt tout un tas d'informations, le silence qui règne désormais dans ton casque te fais dire que l'éboulement le plus récent vient non seulement de vous couper l'herbe sous le pied pour une fuite potentielle, mais aussi tout moyen de communiquer avec vos collègues.
« J'ai qu'un seul chargeur. » Complètement insuffisant, pour toi. Surtout avec l'obscurité qui règne dans ce tunnel, et le nuage de poussière provoqué par les secousses. « Et toi ? » Dos aux gravats, tu vérifies ton arme rapidement avant de risquer un coup d'œil par dessus, tu ne vois presque rien, à l'exception des lumières du tunnel qui grésille, un peu plus loin. « L'équipe la plus proche est dans cette direction… » Derrière vous. Pile là où se trouvait votre drôle de type un peu plus tôt. « Je peux te couvrir, un chargeur c'est peu, mais si tu es assez rapide … » Si elle court assez vite, si ton chargeur suffit, ça fait beaucoup de conditions à réunir pour potentiellement laisser l'une d'entre vous seulement se tirer de ce mauvais pas. « Tu cours, tu réclames des renforts et … » Et rien. Avec un peu de chance, ils pourront revenir te chercher et tu seras encore entière.

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@Vega Echeverria