harmonie du soir ((aaron))

Harmonie du soir

ft @Aaron Monroe ; mai 2033 ; TW : sang, dépression

Les silhouettes de quelques oiseaux de nuit surgirent pour ombrager de leurs ramiges la rue bondée de Downtown. Tu lèves les yeux, réflexe ancestral, pour admirer la couverture que Nyx a jeté sur le monde. Pensivement, tu erres parmi les humains comme un spectre. La faim commençait à te tenailler, griffant ton âme comme une entité titanesque, contre laquelle tu ne pouvais guère combattre éternellement. Pourtant, éternel, ton fardeau te le semblait un peu plus chaque nuit. C'était une bataille de presque chaque instant contre cette avidité hématophage. Des fils de pensées s'entrempelèrent, culpabilité et dégoût, l'épuisement de tant d'années à survivre, l'espoir chiche, tel une lueur d'aurore à laquelle tu n'aurais jamais plus droit, toi la chimère nocturne. Lutte intérieure, qui toujours voit ta ruine, échec grandiloquent aux canines affamées. Etais-tu si différent des humains qui se nourrissaient de chair ? Tu ne tuais jamais. Sang sur les digitales tremblantes, mais nulle vie prise comme péché. Règle qui pulse, d'or et de granit, contre tes côtes fossiles. Tu ne ponctionnais qu'un peu de plasma aux victimes hypnotisées, ne laissant que deux petites brèches dans la peau, piqures d'insecte sans douleur, et un léger vertige, peut-être. Tu disparaissais de leurs vies comme tu étais venu, fantôme des ombres, et ils t'oubliaient aussitôt. Ta solitude te crevait le palpitant, broyant le faste pour n'y laisser que ruines et délabrement. Tes échanges avec autrui étaient bien rares, mais tu maintenais cette distance avec une volonté de fer - tu ne méritais guère plus, ta retraite était ta manière d'expier ton péché d'exister depuis bien trop longtemps. Mais tu n'avais jamais trouvé le courage de t'offrir à l'astre diurne, de t'y laisser fondre - ou plutôt, d'y laisser ta couenne y frémir et s'incendier. Un frisson, à cette image, te parcourut l'échine.

Les bars animés étaient emplis d'insouciants. Tu flairais les relents d'alcool, de décadence et d'indolence. Brumes nicontines aux souffles expirés, rires et conversations, remugle d'humanité, sueur et parfums. Tu restes en retrait, cherchant la victime parfaite. Traquer ainsi était obligatoire : il suffisait d'être distrait, de faire le mauvais choix, et les ennuis abondaient comme un flot en crue. Néanmoins, cela ne t'empêchait pas de ressentir un écoeurement envers tes manières si peu nobles et chevaleresques. Silhouette camouflée dans les ténèbres, un noctambule aux hoquets énivrés s'approche, inconscient de ta présence, les sens émoussés. Ils étaient toujours plus faciles à attirer, lorsqu'ils étaient dans un état second. Le cerveau empoissé de buées d'alcools, ils réfléchissaient moins, les réflexes endormis, et l'hypnose ajoutait à cela les stimulis suffisants pour endormir toute méfiance. Avec des gestes rendus familiers par des dizaines d'années à les mouvoir, tu avances vers l'homme en train de se soulager. Vous êtes assez éloignés de la foule pour que tu puisses te nourrir tranquillement. L'individu achève sa tâche naturelle et, faisant volte-face, ne sursaute qu'avec lenteur. Dans la chiche lumière des lampadaires, tes prunelles ont l'aspect de rubis scintillants. Merde, tu m'as fais peur, mec, qu'est-ce que tu fous là ? la diction est pâteuse, les lippes lourdes, le regard éteint. Babines de goule qui se retroussent pour sourire, tentative de charme, l'étincelle joueuse dans l'oeillade mâle. J'ai remarqué que vous vous étiez glissé ici, seul et ton timbre de voix est semblable au miel, nectar aux tympans inconnus, dont la conscience vacille alors. De sous tes cils, tes iris captivent l'oeil, ta voix magnétise l'attention. Vous devriez être prudent, les rues peuvent être dangereuses. Quelle ironie. Le seul danger, ici, c'est toi. Et tu le regrettes profondément.

Lorsque l'homme cesse de se mouvoir, ses perceptions totalement apathiques, tu t'approches lentement. Chacun de tes pas est une mouvance de fauve, et c'est avec une infinie douceur que tes mains viennent attraper son visage pour l'écarter légèrement. Son haleine empeste l'ivresse, son ébriété est évidente. Tu sais que son sang transportera ce vice, qu'il explosera en toi avec un plaisir coupable, offrant à ta satiété des ors et des couleurs kaléidoscopiques. Pardonnez-moi. Le murmure est fautif, triste, désespéré. Délicatement, comme pour embrasser son cou, tu viens y planter tes crocs. Sans douleur ni cri, sans réaction ni opposition. Il ne te faut que quelques secondes pour déglutir au banquet de sa jugulaire. Le festin n'est nullement apprécié par tes papilles raffinées, mais cela reste un repas. Le sang plombe ton estomac, fait taire la soif avide, le monstre en toi. Et, aussitôt la soif apaisée, la culpabilité jaillit - quand bien même, un rien médusé et groggy, l'homme s'éloigne une fois l'hypnose terminée, retournant s'énivrer avec ses comparses, et aucun ne remarquera les minuscules plaies. Seul, à nouveau. Tu observes pensivement tes mains. Ta carne est à nouveau tiède, palpitant qui galope, canines rétractées. Combien de temps survivras-tu ainsi ? L'esprit se perd - chaque nuit un peu plus - dans le tourbillon des pertes qui ont foulé le coeur, les souvenirs d'une autre époque, d'un autre temps, qui grimpent comme du lierre empoisonné ficher ses sarments dans la conscience éveillée. Tu voudrais pleurer, mais tu n'as plus de larmes à verser. L'abattement couve en toi, braises calcinant ton esprit. Quand tant de héros et de citoyens possèdent des pouvoirs dignes des dieux, tu es, toi, le monstre sous le lit, l'ombre dans le placard, la chimère aux crocs longs. Tu soupires longuement, mais lorsque tu te tournes vers la sortie de la ruelle, voisinnant le bar, tes prunelles captent une présence. Est-ce que l'on m'a observé ? L'inquiétude et un soupçon de panique plissent ton minois, avant que tu ne fasses un pas de côté comme pour désigner la ruelle, et d'un ton faussement jovial, qui tente de mimer l'ébriété dont tu as si souvent été le témoin : Je vous laisse la place, mon bon. Mais peine perdue. Mensonge à peine prononcé, déjà enterré. Tu espères simplement pouvoir esquiver la silhouette de l'homme, ne pas avoir à le confronter - la violence n'est jamais une solution, et tu l'exècres au possible, toi qui l'a bien trop vue à l'oeuvre.

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Harmonie du soir

ft @Aaron Monroe ; mai 2033 ; TW : sang, dépression

Le plasma brûlait dans tes veines, rendant le velouté à ta carne de goule de cimetière. Tu ne prenais aucun plaisir à mordre tes victimes - et celle-ci avait peut-être senti, cette fois, le contact de tes crocs, dans ton avidité, dans ton besoin bestial. Tu ne pouvais chasser ta nature, bête monstrueuse, mais tu faisais habituellement attention à ne pas créer de tourment. Tu essuies lentement tes lèvres teintées du carmin vital. La bouche envahie de sensations, pétillements dans le corps, vibrations d'une vie que tu as dérobées à la jugulaire d'un inconnu. Au moins est-il reparti sur ses deux pieds, encore ivre d'alcool et engourdi d'hypnose. Mais la surprise d'un observateur te laisse figé, une seconde. Un trench-coat, des allures d'éphèbe - ce que tu vois, c'est une espèce d'antithèse, un être que le soleil peut caresser. Et un sacré petit curieux, également. Tu ne souhaites qu'une chose, te débarasser de lui - la fuite est une option, et tu tentes l'escapade. Mais un mot résonne, couperet dans la nuit, et tu t'élèves comme si la gravité avait cessé de t'embrasser. Une lueur de panique se reflète dans tes prunelles redevenues brunes, et tu inspires pour te calmer, une fois, deux fois. Le geste et l'expression de l'inconnu sont évidents : il est l'origine de ta soudaine envolée. Tu es immobilisé, pris dans une toile invisible, et plusieurs sensations s'offrent à toi. Une peur irraisonée, très humaine, de ce que tu ne connais pas, puis une culpabilité aigüe comme si tu étais toi-même la proie d'un prédateur, et enfin - le soulagement. Va t-on en finir avec le monstre, cette nuit ? Es-tu tombé sur le soleil à forme humaine qui mettra un terme à tes péchés ? Tu l'observes, du haut de ton point de vue, retenant une grimace, les lippes encore teintées de sang. Dans l'émotion du moment, tes canines rétractées pointent, menace du corps qui se sait vulnérable. L'effort est surhumain, pour les camoufler, les rentrer.

Le discours du blond calme la mer agitée de ton âme. Les paupières se plissent devant le faisceau de possibilités. Mentir ? A quoi bon ? Jouer les charmeurs ? L'hypnose risquait de n'être qu'une facade bien piètre face aux pouvoirs de l'inconnu. Acculé, le monstre, dos au mur, face au chasseur au regard pénétrant. Une respiration laborieuse, puis une risette sans joie, qui tire les lippes sur une expression profondément triste et humaine. Ce que vous venez de surprendre ? répètes-tu, la voix modulée, douce, affligée, gracieuse. Quelque chose que vous n'auriez pas dû voir. Il ne se satisfera pas de si peu. La fibre du héros, cela te hérisse la conscience. Depuis la nuit des temps, les ombres et la nuit camouflent les monstres. L'homme en a tiré la peur et le besoin de faire du feu. Il en a cauchemardé, a dissipé les ténèbres pour chasser les chimères. Mais ils sont toujours là. Et tu t'inclus dans ce lot, bête fauve aux appétits hors norme. Malgré toi, ton discours continue, mots débités du même ton distant, triste et dément de culpabilité. L'homme ne demande guère au bétail son avis, ni pour sa viande ni pour son lait. Il ne demande pas aux abeilles la possibilité de dérober leur miel. Tu essayes d'instiller du mépris dans ta voix, mais tu n'y arrives guère. Parce que tu es trop profondément humain pour cela. Gêné d'être immobile, tu tentes de recouvrer les mouvements de tes bras ou de tes jambes. Tu n'as jamais vu tes proies comme du bétail. Tu es même entièrement conscient de leur humanité, de leurs émotions - qui font écho aux tiennes. Je ne puis me nourrir d'autre chose que de sang. Je ne leur vole que peu, et mes crocs ne laissent ni marque ni douleur dans la chair. Je n'ai pas choisi - mais tu te tais, détestant l'idée de finir cette sentence, de devoir t'expliquer à un illustre inconnu.

Mais tu n'as pas choisi de devenir ce que tu es. Le fait est là. Tu as été maudit, délivré du soleil et enchaîné aux nuits. Une vague de désespoir broie ton myocarde. Tu as vu tant de gens mourir, tu as vu tant de choses évoluer - tant d'années passer. Et pourtant, au lieu d'attendre de voir ta vie faner, tu continues de te nourrir, réflexe vital. Je suis un vampire. Mais vous vous en doutiez déjà. Pourriez-vous me poser au sol, je vous prie ? Cette position est très inconfortable. J'ai déjà dîné, vous ne risquez rien  dis-tu avec un rictus sans joie malgré ta tentative de plaisanterie. Tu détestes être aussi vulnérable. Et il n'a guère l'air décidé à te faire passer de demi-vie à trépas. Tu soupires, doucement, fatigué - de survivre, de devoir te débattre face à l'incompréhension, à ta propre culpabilité. Ou si vous souhaitez me tuer, faites vite, je vous prie  souffles-tu, la voix pitoyablement humaine, avec presque une supplique.

Faites-le. Mettez fin aux tourments. Annihilez le monstre. Le monde s'en portera mieux. Mais une ondée d'émotions bataille en toi. Tu n'as jamais tué. Tu as toujours tenu à tes propres règles, et tu n'as jamais blessé avant que l'on ne s'en prenne à toi. Mérites-tu de voir même tes nuits disparaître ? Une part de toi y acquiesces, quand l'autre part de ton être désire la conservation. L'immortalité, pourtant, a porté un poids pesant à tes épaules. Tu voudrais lui dire tout cela, au héros de pacotille - tu observes son visage, qui te semble soudain familier. Où as-tu déjà croisé ses traits ? Il a un charme céleste, une espèce de beauté que lui confère son humanité, sa mortalité. Tu plisses les yeux, forçant ton cerveau à se souvenir. Il ne t'est pas totalement inconnu, et cette sensation t'échappe. Cela ne te dit rien de bon - le héros du quartier est-il finalement plus proche des dieux factices que ce que tu aurais cru ? Un frisson naît dans ton échine alors que tes craintes s'émeuvent en toi - se pourrait-il ... Non, impossible. Es-tu réellement en présence d'un des héros de Seraph, un ange astral, une marionnette aux fils du destin entremêlés ? Une vague de compassion, suivie d'une méfiance brute, montent en toi.

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Harmonie du soir

ft @Aaron Monroe ; mai 2033 ; TW : sang, dépression

Il te laisse discourir sans t'interrompre. Et tu ne sais sur quel pied danser. L'esprit empli de souvenances, d'émotions conflictuelles, d'informations - qu'il pêche sans que tu n'y prennes garde, sans que tu ne saches qu'il lit en toi comme dans un livre ouvert. Au moins a t-il la courtoisie de sourire à ta tentative de plaisanterie. Cependant, tu es parfaitement sérieux lorsque tu esquisses les mots sur ta propre mort. Et tu ne te regretterais pas toi-même. Si tu n'as jamais mis fin à une vie, le fardeau de devoir hypnotiser des victimes et d'engloutir le sang, crocs dans la jugulaire, est un poids tel une chaîne accrochée à un boulet de fer. Tu traînes depuis plus d'un siècle cette soif avide. Si quelqu'un a le courage de puiser assez d'horreur dans le monstre pour lui couper la tête, grand bien lui fasse. Cependant, alors que tu penses savoir à présent à qui tu as affaire - et qu'un soupçon empoisse toute ton âme - le blond te laisse retrouver le sol ; tu passes deux mains sur ton costume coûteux, manières nobles et coquetterie dans le défroissage inutile, à la manière d'une bête gênée, qui ne souhaite qu'apaiser son propre esprit. Et, selon les propos du héros, il n'est nullement question de te tuer. Dommage, souffle une voix sombre et ténèbreuse en ta conscience. Tu ne fais aucun geste menaçant - parce que tu ne désires pas lui faire de mal. Tu n'as jamais désiré faire de mal à quiconque. Tu as été maudit, transformé alors que tu devais créer une vie de famille avec ta fiancée. Tout cela, ton avenir, tes rêves, tes désirs, avaient été balayés par la tempête de cette fatalité. Immobile, tu lui lances un regard profond et observateur - il n'a pas perçu de mensonges ? Voilà qui est intéressant. Ceci valide tes dernières incertitudes. Si tu n'as plus le nom en tête, il s'agit bel et bien d'un héros - une de ces idoles adulées du grand public, portée aux nues tel un dieu de l'Olympe, maître d'une psychée invisible pour tous sauf pour lui. Malgré toute la défiance que fait naître en toi cette certitude - tu n'as jamais porté Seraph Inc en ton coeur - une certaine fascination pour l'homme fleurit dans ta conscience.

Si cela peut vous rassurer, je dois concéder que cette conjecture me laisse également perplexe  tu souffles, ayant gardé ton petit rictus amusé sur tes lippes tendues. La fascination prend le pas sur toute peur qui pourrait rogner ton myocarde : accepter la vulnérabilité du doute, voilà qui est remarquable pour un être comme lui. Bien que son statut de conquérant angélique ne lui ôte pas, de toute évidence, son humanité. Tu n'avais jamais cotôyé d'aussi près ceux que les mortels appellent les Divinités, primordial valeureux à la vaillance intrépide. Tu penches la tête devant le parallèle à la folie ; ce n'est pas sans justesse, quand l'on observe ta complexion monstrueuse. N'es-tu pas, d'un certain point de vue, soumis à la démence de cette chimère qui te possède ? Cependant, tu as toujours contrôlé cela. Tu te l'es imposé. Strictement, douloureusement, avec cet entêtement forcené que tu possèdes depuis ta jeunesse fringante. Tu écarquilles une seconde les yeux devant le nouvel aveu - jusqu'où peut-il remonter, dans le flot de ta mémoire ? Tes prunelles écarlate noyées d'une teinte noisette accrochent le regard d'or. Tu n'aurais jamais cru être captivé par un être comme lui. Pourtant, l'insolite sensation est là - mais une question subsiste. S'il doute, que va t-il faire de toi ? Il ne peut t'ignorer, toi qui a assailli un étranger, quand bien même ce dernier ne se souviendra de rien et n'a guère, dans les brumes alcoolisées de son âme, compris ce qu'il se passait. Les mots résonnent dans l'allée, pertinentes questions et tu passes ta langue sur tes dents - ordinaires, pour le moment, à présent que tu as rentré les crocs comme un cabot bien élevé. J'ai déjà utilisé cette méthode. Mais y parvenir est complexe. Lorsqu'il y a la disparition de poches de sang, des enquêtes et des suivis réguliers sont amenés à être faits. Si je devais régulièrement apparaître aux détours des couloirs des banques de plasma, je ne doute guère que les autorités finiraient par me repérer. Ce que je ne souhaite nullement. Tu soupires, tes mains remettant en place les poignets amidonnés de ta chemise de coton blanche. Un geste réflexe, très humain, empli d'une certaine nervosité - tu réalises qu'il s'agit de la première fois que tu discutes de ta nature avec un autre mortel. Cette pensée se fiche en toi comme une flèche. Tu examines cette idée avec soin, la conscience éperdue. J'utilise mon hypnose pour leur faire oublier tout souvenir de cette attaque. Je m'efforce d'être doux, de ne pas leur causer de dommage ni de douleur. Brutaliser n'a jamais été une réponse acceptable, en ce qui me concerne. La violence, dernier rempart des sots. On t'avait inculqué de toujours te montrer noble et courtois, d'une politesse à toute épreuve. Quelques mots bien sentis pouvaient désamorcer une situation où d'autres auraient fait parler les poings. Et, quelque part, toute effusion de sang était un gâchis.

Nouvelle interrogation. Tu repousses tes cheveux en arrière, pour attacher tes iris aux siens. Comment être sûr que le cerbère de la famille ne mordra pas un enfançon ? Tout est question de dressage. Il s'agit de cela pour moi, également. Je n'ai jamais laissé ma soif prendre le dessus. J'ai toujours préféré les ... inconvénients hésitation, réminicences de cette peau qui se fane comme cendre, de tes crocs qui gonflent douloureusement, de cette sensation de brûler intérieurement, comme si tu allais mourir, mais par égard pour lui, tu repousses ces pensées - tu ne voudrais pas qu'il s'effarouche ou qu'il en souffre, comme toi, à travers toi, considération délicate pour le télépathe - à toute autre forme de violence. Nouveau soupir qui franchit tes lèvres, et tu frottes tes mains l'une contre l'autre, savourant leur tiédeur retrouvée. Peut-être que si vous vous portiez volontaire ...  insinues-tu avec un sourire malicieux, les prunelles brillantes d'une lueur amusée. Durant ce siècle passé, tu n'as jamais connu de cobaye délibéré, qui se serait laissé aller à tes crocs. Tu trouves l'idée d'un romantisme tout poétique - tu ne peux t'empêcher de songer à ces films, à ces romans où ta nature est dépeinte, fantasque et charmeuse. Mais personne ne serait assez fou pour se proposer à tes canines. Tu secoues la main d'un air pensif, comme pour envoyer balayer cette idée absurde. Il s'agit de la première fois que je discoure ainsi avec autrui de ma condition. C'est ... étonnamment agréable  et tes mots glissent dans ta bouche comme si tu t'en délectais. Tes papilles sont encore saturées du plasma ingurgité, mais il ne s'agit pas de cela - tu as délesté tes épaules du mensonge, et pouvoir être parfaitement franc avec quelqu'un te permet de ressentir plus profondément ton humanité. D'autant plus qu'il n'a pas l'air de s'horrifier de ta nature. Et je ne suis pas le seul à porter un fardeau. Le mien dure depuis un peu plus longtemps, voilà tout.  Douceur dans le timbre, compréhension du joug que son pouvoir doit lui faire porter. Tu n'as aucune idée des limites de ses incroyables pouvoirs, mais il n'est pas de capacités qui n'existent sans revers de la médaille. Tu puises une espèce de réconfort, dans cette sensation de solitude qui se fêle. Je me nomme Amadeus Darcy, mais mon nom usité en ce siècle est Peter Shelley.  Tu n'avais guère anticipé de lui révéler ton identité, mais la galanterie t'y pousse, autant que la sensation que tu dois le remercier d'une certaine façon. Prononcer ta véritable identité fait naître un frisson dans le creux de ton âme. Amadeus - tu n'as plus été appellé ainsi depuis plus de cent ans. Tes doigts se frippent entre eux, froissent ta peau dans la vulnérabilité que tu ressens - et qu'elle est douce, cette impression de sensibilité.

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Harmonie du soir

ft @Aaron Monroe ; mai 2033 ; TW : sang, dépression

Tu ne sens aucune infraction sous ton crâne. Tu ne peux dire avec certitude qu'il farfouille en tes réminiscences, mais le doute est permis. Qu'il mette les doigts dans les engrenages de ta mémoire. Si tu n'es pas fier de certaines choses, tu n'as jamais tué, toujours fait en sorte de créer le moindre mal. Il aurait été si simple, parfois, de refermer tes canines fauves sur une gorge pâle, d'y marquer ta morsure comme une bête. Jugulaire mâchouillée, et plasma qui se vide en ta gorge goulue, gargouille éternelle, maudite. Mais tu n'avais jamais cédé. Ces pensées avaient toujours été repoussées avec une force brute. Une volonté de fer. Tu ne voulais pas - jamais - devenir le monstre que la nuit avait apposé en ta chair. Si tu étais le rôdeur de la minuit, aux crocs blancs et aux orbes grenat, tu pouvais encore animer cette flamme d'humanité en toi. Tu t'écartais, au fur et à mesure du temps, de ton ancienne apparence - il te semblait que ta carne mettait plus de temps à reprendre son velouté humain, sa rougeur primaire. Tu continuais d'évoluer vers une forme plus pure du vampire. Tu ne savais ce qu'il allait advenir de toi. Tu soupires doucement, souffle sur tes lèvres fatiguées et tu formes un petit sourire désabusé. Je préfère me fondre dans la nuit. Au vu de ma nature ... complexe, il serait très facile pour moi de voir mon espérance de vie réduite à néant si l'on en venait à m'exposer aux rayons solaires, par exemple.  Aveu de faiblesse qui pourtant n'est que confession de papier mâché ; les vampires ne supportent le jour, tout le monde sait cela. Et je préfère me tenir loin de tout ce qui touche au gouvernement. Je ne suis pas certain qu'ils apprécieraient de retrouver un être vieux de plus de cent cinquante ans - et cela risquerait de fausser mes calculs d'impôts.  Plaisanterie au coin des lippes souriantes.

Nouvelle boutade qui ne manque pas de faire rire le psychique. Tu avais au moins eu le mérite de tenter. Cela aurait pu simplifier bien des choses - et tu ne pouvais nier une certaine curiosité sur le goût qu'aurait son sang, idée bientôt enterrée. Qu'il est triste d'être vampire, lorsque toutes les jugulaires vous sont refusées  minaudes-tu d'un ton théâtral. La discussion glisse sur d'autres sujets, et je note ses mots - chaque fardeau est unique. Et chacun demande un soin différent. Tu hausses les sourcils quand il se présentes - tu doutes qu'il s'agisse du prénom que ses parents lui ont apposé à la naissance, mais c'est un homme connu, monté sur un piédestal à l'effigie humaine, une divinité à l'aura puissante, et son identité doit être aussi précieuse pour lui que les moments de paix. Tu acceptes cela sans sourciller. Tu n'as pas ses facultés, et si tu les possédais, tu n'irais pas fouiller en son crâne pour en extraire la vérité. Navré que vous ayez accès à ma vieille caboche  et le ton est sincère. Tu tiens les rênes du pire en toi - de ces sensations primitives, bestiales, animales. De ces pensées ombreuses qui font naître l'envie du soleil, une dernière fois, et ces douleurs qui rongent, quand tu retiens, encore, juste encore un peu, de te nourrir comme si tu pouvais cesser un jour, une nuit. Tu retiens les pertes et les morts, que le temps a emporté. Et Amelia - tout cela tu l'enfermes à double tour, en espérant qu'il n'aura fait qu'effleurer la surface de ton esprit sans en remuer la tourbe. Je n'avais guère imaginé avoir un spectateur à mon dîner, ce soir. Surtout un membre aussi estimé de la société  ronronnes-tu, le timbre légèrement narquois. Si le respect est présent, il n'est pas pour son statut - mais pour lui, comme tout être vivant. La méfiance pour tout être lié à Seraph Inc bat encore dans tes veines ; pourtant, tu pourrais presque espérer te tromper, à voir le comportement civilisé de Psych. Peut-être ne sont-ils pas tous des marionnettes aux fils dansants aux doigts de l'entreprise tentaculaire. Peut-être y a t-il encore de l'espoir pour certains.

Tes prunelles rougeoyant légèrement dans l'ombre et la lumière, tu observes l'homme. Vous faites sensiblement la même taille. Il camoufle sa stature dans son ample trench-coat. Tu devines la grâce de traits humains, un poil blond, châtain peut-être. La nuit l'orne d'ombres que la célébrité et les médias ne lui offrent pas. Il a l'air plus profondément mortel, ainsi. Sa question, après qu'il ait examiné la ruelle avec un soin particulier, te prend au dépourvu. Tu clignes plusieurs fois des paupières, avant de répondre. Honnêtement, peu me chaut. J'ai eu assez d'identités pour me fondre dans n'importe laquelle. Prenez le prénom qui vous conviendra. Ils ne sont que cela - des étiquettes apposées sur une âme.  Psychologie de comptoir. Pourtant tu penses chaque mot. Chaque existence est naviguée par une conscience, et qu'importe les noms, prénoms, patronymes qui s'imposent ? Il est si facile de falsifier une identité. Cela modifie t-il la réalité ? Est-ce que Peter est différent d'Amadeus ? Oui. La réponse pulse une fois - douloureusement humaine - te faisant serrer les machoires une seconde. Amadeus était vivant. Amadeus était humain. Amadeus n'était pas toi. Autre époque, autre temporalité. Néanmoins, la douceur proposée dans la voix mâle était de celle qui apaise tes tempêtes internes. Tu n'étais plus Amadeus - et tu l'étais pourtant. Dichotomie qui broie l'esprit, qui le laisse pantelant, noyé. Le grenat de tes orbes croise celui d'or des prunelles de Psych. Sang contre soleil. Nuit contre jour. Non. Il ne s'agit pas d'une question de temps. Les années continuent de modifier ma structure. Je me rapproche d'une nature primitive du vampire. Mais cela n'altère pas ma soif. Il s'agit plutôt de ... situations.  Ou d'émotions. La soif se faisait plus présente, complaisante, quand tu étais sous le joug d'une émotion forte. La colère, le plus souvent - voilà pourquoi tu t'entraînais tant à paraître si calme, si doux, si poli. Je puis promettre néanmoins une chose. Et il vous suffira de vérifier cette vérité. Si je sens, un jour, que je perds le contrôle - je m'offrirai au soleil. Je ne me laisserai jamais emporter au point de prendre une vie.  Foi brûlante dans les paroles. Une légère sensation de vide - combien de fois avais-tu dansé avec cette pensée que de te laisser réduire en cendres, pour en finir ? Il est préférable que je subisse les affres de la soif, que je subisse les aléas de ma condition - ou que je finisse par disparaître, plutôt que d'être le monstre que le monde attend d'un vampire. Peut-être suis-je un fol, mais je m'accroche à mon humanité.  Les grenats scintillent doucement entre tes longs cils, alors que tu soupires doucement et hausse les épaules. Tu voudrais ajouter quelque chose, mais à quoi bon ? Cet homme est en train de décider si tes nuits continueront - ou si elles vont cesser. Et, en songeant à ceux que tu laisseras derrière toi, visages qui s'émeuvent au fond de ton coeur ... tu sens une vague de tristesse monter. Certains mourront - avant toi, après toi. Et tu finiras encore seul. C'était pourquoi tu avais essayé de te distancier du monde. Pour ne plus avoir à vivre la terrible épreuve du deuil. Tu avais assez vécu de vies - mais tu ne pouvais t'empêcher de t'attacher aux gens que tu croisais. C'était les reliefs d'une humanité, sur lequel était bâti le monstre.

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