(Psych) Echo.

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Les hurlements des enfants déchirent la rue. Après le chaos d’une fête nationale sanglante, chaque faction semble sous tension, la population jetée entre les manipulations médiatiques. Le braquage est un élan de stupidité - ou de manque. Les deux mômes qui sortaient du bâtiment voient leur courte vie défiler devant leurs yeux mais les balles ne les atteignent pas, les chocs répétés vident le chargeur sur un obstacle d’abord invisible, qui se met à clignoter. Le costume blanc se tache de pourpre quand Héméra redevient perceptible. La sensation d’imposture demeure dans son esprit après le drame du parc, après la perte de contrôle sur ses facultés, pourtant elle refuse d’abandonner, elle refuse de laisser les gens mourir pour rien. Il y a peut-être de la colère, contre eux, contre elle-même. La sidération des deux imprudents ayant décidé de piller la pharmacie précède l’avancée obstinée de la blonde dont le corps ne répond plus normalement à la douleur : elle écrase le poing contre le thorax de l'un d'eux et l’envoie voler contre le mur en face. Population arrêtée à nouveau devant une intervention, comme s’il lui devenait impossible de rester discrète, de continuer à se taire, à n’être personne.

Les genoux heurtent le sol, les prunelles grises se voilent et les doigts trouvent spontanément le poignet opposé. La bulle se déploie, filaments lumineux raccordés au derme en divers points, l’esprit aussitôt éjecté du présent - les pensées se taisent, la conscience s’éteint. Elle a l’air vulnérable, Héméra, ainsi immobile tandis que l’action se poursuit mais elle se trouve toujours entre les enfants et les voleurs. Celui qui tente une approche, espérant un coup d’éclat, a un mouvement de recul brutal et un grognement douloureux s’arrache de sa gorge : les molécules en friction brûlent, empêchent l’arrêt du processus de réparation. Les balles sont recrachées, tintement faible sur le sol.

Il ne faut qu’une minute à la mutation pour refermer les plaies et ramener un fonctionnement optimal. Lorsqu’elle reprend conscience de l’environnement, les paupières papillonnant, c’est un homme dont elle ne reconnaît vaguement la silhouette qui règle leur compte aux criminels de bas étage. Que faisait-elle, déjà ? Elle se redresse, désorientée, les pensées naissant et mourant à la chaîne, sans trouver consistance. La première fois, la douleur l’avait enflammée, lui donnant l’impression d’une agonie vers une mort définitive, cocktail de fièvre et de souffrance à en perdre la tête, si bien que la peur d’être condamnée à de telles sensations s’était ancrée - les conclusions de Seraph s’étaient ensuite avérées plus rassurantes : une évolution violente mais une évolution sans conséquences dramatiques. Pas physiques, tout du moins. Pas qu’ils sachent, suite aux premiers examens.

« Qu’est-ce que.. ? » Elle l’a déjà vu, n’est-ce pas ? Pas seulement dans les médias. Elle a une image imprécise, une errance dans l’obscurité. Elle ne se souvient pas bien. Pour une fois, Anastasia s’avère bien incapable de s’inquiéter des quelques flash photographiques des curieux, c’est à peine si elle les remarque, à l’angle de ses réflexions chaotiques. Il a été nécessaire de parler, après le parc, de suivre le script de la Firme, d’arrêter de se dissimuler. Sa rencontre avec Defender avait entamé la spirale vers l’acceptation et rien n’était venu entraver la cascade, aucun proche pour la rattacher à la normalité, à ses vieux doutes concernant le traitement de certains héros, à son scepticisme face aux conséquences de leur toute puissance. Est-ce que Cornelia va bien ? Elle a la sensation étrange qu’un mur se dresse momentanément entre ce qu’elle sait et les tiroirs de sa mémoire. « Je suis presque certaine qu’on ne m’aurait pas envoyée en patrouille avec vous, n’est-ce pas ? » C’est un Primordial, elle n’a aucune raison de se trouver en sa présence, si ce n’est par hasard. Et le hasard semble rire de sa crainte d’être exposée auprès d’eux en lui faisant multiplier les rencontres. L’index se lève, presque interrogatif, et la main retombe pourtant le long du corps. Pourquoi se trouve-t-elle ici ? Reconnexion. Psych. C’est Psych. Et il déclenche autant de méfiance que de fascination, image de marque de la Firme. Elle cesse de briller et derrière le masque, les billes retrouvent leur bizarrerie naturelle. Sourire de façade s’accroche aux lèvres en réalisant qu’elle ne joue pas l’assurance tranquille nécessaire à rassurer. Quelques mots apaisants, à hauteur des deux gamines aux yeux écarquillés, qui ne savent plus s’il faut s’inquiéter des tirs, de l’héroïne qui guérit brutalement ou de la supra-célébrité qui a maîtrisé la situation et Héméra s’échappe. Les pas la mènent vers une ruelle, sans se retourner, sans envisager de finir la brève discussion avec le Primordial. Etait-ce seulement une discussion ?

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L’echo heurte directement l’esprit. Anastasia. Les pas s’arrêtent, le corps pivote. « Inutile de courir. Est-ce que tu sais seulement où tu vas ? » Les épaules sont haussées avec désinvolture. Variation de la personnalité. « Qu’importe ! Ici ou là.. » Qu’importe où elle va. D’un point à l’autre de la ville, il y aura toujours des imbéciles prêts à risquer la sécurité d’autrui et l’occuper. « Respire. Prend un moment. Il n'y a plus d’urgence. » Perplexité. Pourquoi devrait-elle respirer ? « Vous savez que le principe du masque, à la base, c’est de préserver l’anonymat ? » Il a utilisé son prénom. Son prénom entier, pas Asya. Est-ce qu’elle est encore vraiment Asya ? Non, plus tellement. Cora n’est pas là pour utiliser le petit nom que lui a donné leur père. Il n’y a plus d’homme dans sa vie pour le souffler non plus. Détachement émotionnel. Ce n’est pas grave, ne plus rien avoir à perdre permet de se donner corps et âme à la protection de la population. D’échouer à protéger la population. Grésillement mental, la lumière et les ombres s’entrechoquent, le désintérêt pour sa propre sécurité se heurte à la solitude. Elle ne sait plus tellement qui elle est, qui elle a envie d’être, qui elle devrait être. Elle a la sensation que quelque chose ne va pas depuis le parc, quelque chose de bien différent du traumatisme originel, du tango fatal. Si Héméra est parfaitement consciente que le déclin du jour influe sur son caractère ou sa patience, ce n’est pas le cas à cette heure de la journée. Elle devrait s’inquiéter de quelque chose et elle n’a sur les lèvres que le baiser proche de la Faucheuse qui l’a ratée, avec qui elle serait tentée de retourner valser.

« Pourquoi vous me parlez comme si nous nous connaissions ? » L’interrogation est un brin accusatrice. Elle sait vaguement ce dont il est question avec Psych, des capacités autour de la télépathie, ne sait guère plus se positionner face à l’idée - il n’y a pas si longtemps, avant Defender, avant l’entraînement dans cette casse, avant l’attaque, elle l’aurait rejeté, probablement jugé avec sévérité. Potentiel d’espionnage, de dénonciation, entre les doigts d’une entité tentaculaire. Images du passé hantant la journaliste, la petite propagandiste qui met en avant les victimes et atténue parfois les déboires de certains apprentis héros, pour les préserver un peu de la violence de la réalité qui les attend, parce qu’elle ne peut pas non plus trahir ceux qui la protègent. Les médias, qu’elle hait souvent, dont elle fait partie pourtant. Poupée de contradictions. Elle n’a plus l’envie de les écarter, les Primordiaux, de hurler qu’ils attirent une attention qu’elle ne peut pas assumer, bien qu’elle considère toujours ne pas mériter les yeux qui brillent quand elle apparaît, l’effet qu’a sa mutation sur les gens. Elle ne mérite pas non plus ce contrat qui tient encore, pourtant, que Seraph n’a pas cherché à annuler alors qu’elle n’est pas parvenue à sauver les victimes de l’attentat du Trickster. « Je vais bien, d’accord ? A priori, il va devenir relativement compliqué de m’achever, de toute façon. » Au grand désespoir de sa petite soeur, va te faire soigner a pris un sens trop littéral, une énième capacité dans l’arsenal promettant la joie intense d’Emilia Weiss, mère trop ambitieuse qui s’abreuve de la moindre réussite par procuration. « Vous allez me faire une leçon, vous aussi ? Seraph n’approuverait peut-être pas que je me sacrifie si promptement ? » Il manque une partie des paroles de Defender, évidemment. Il ne le lui avait pas reproché, bien au contraire, le choix jugé courageux à ce moment là. Il l’était. Celui-ci, en revanche, venait d’une nature plus dangereuse : indifférence à sa propre existence, soif de défier le destin, forme de rejet de ces pouvoirs dont elle a découvert le besoin quand ils ont cessé momentanément de lui répondre. Evolutions qui s’enchaînent trop vite, dérèglent les bases de la jeune femme trop réfléchie, veillant trop aux conséquences, au point de s’être verrouillée des années. « Vous pouvez retourner à vos occupations. Je n’ai aucun mal à imaginer que la situation actuelle nécessite votre présence auprès de vos coéquipiers. L’équipe médicale a assuré que les perturbations de la mémoire étaient temporaires. » Et elle s’estompaient d’ailleurs déjà, bien qu’elle n’arrive pas à remettre le doigt sur la dernière information : pourquoi se trouvait-elle dans cette rue précise ? Une bête surveillance, à défaut de trouver mieux à faire, certainement. L’équipe médicale ! « J’avais rendez-vous.. » Mais avec qui ? Theo consulte-t-elle encore après le drame ?  

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Le masque demeure, oui, mais il est déjà tombé trop de fois. Volontairement, auprès de certains héros, auprès d’un flirt qui pourrait lui coûter. Elle a hésité à l’abandonner, à laisser sa vie civile de côté, cesser de lutter pour être la journaliste qui parle des victimes, qui travaille pour la concurrence et garde un oeil sur ce qu’il s’y passe - épuisement progressif. Prouver qu’elle peut faire mieux, le défi de Defender. Le masque, alors, demeure. Non pour prouver qu’elle est meilleure mais pour honorer cette existence que beaucoup n’ont pas l’occasion de goûter : l’héroïsme combiné à la pseudo normalité. Rien n’est normal, toutefois, lorsque l’on s’avère être la fille d’une styliste trop renommée et d’un acteur trop célèbre, jetée sur les tapis rouges dès l’enfance. Héméra en refuge, celle qui peut agir, celle qui peut exister en marge, sans avoir à parler, qui a des causes à défendre et les garde sous silence. Jusqu’au parc. Donner une voix à Héméra, même pour réciter ce script plein de misérabilisme, a été déplaisant. Déplaisant un instant. Et puis les inquiétudes se sont éloignées : qu’a-t-elle encore à perdre ? Rien. Personne.

« Pas de leçons, non. Juste te rappeler que ta lumière éclaire bien plus que ta propre existence. » Elle a un rire. Le rire amer des déceptions. La connexion à une nature profonde, une faille ancienne qui fissure toutes ses perspectives. « Je dévore la lumière des autres. Je suis le poison de tous les malchanceux qui espèrent un peu d’éclat et je vole une place que je ne mérite pas. » Les talons compensés claquent sur les escaliers de secours : elle grimpe, cherche à prendre de la hauteur - ne doute pas qu’il va suivre, il sait voler, semble-t-il. « Combien crèvent d’envie d’être acceptés par Seraph ? Je suis sacrifiable, remplaçable. Une contrefaçon, tout au plus. Ce n’est pas grave, vous savez ? Tout le monde n'ambitionne pas de graver son nom dans le marbre en devenant un Primordial. » Non. Tout le monde n’en est pas capable, tout le monde n’en a pas l’aura, la plupart tomberaient après quelques combats, aussitôt oubliés. Une acrobatie sur un balcon afin d’atteindre le toit du petit immeuble au bord duquel elle s’assied. La hauteur lui est souvent désagréable, elle sait cependant que la discrétion est assurée là où la population ne lève pas le nez. Les jambes dans le vide, les mains appuyées contre la surface rugueuse derrière elle, elle observe Psych.

« Vous êtes ma nouvelle baby-sitter ? » Ton taquin, légèrement provocateur. Il n’est sans doute pas plus malin d’agir ainsi avec lui qu’avec Enchantress ou Defender. Queen Athéna lui paraissait toujours la plus tolérante. Du beau linge. La casse revient en mémoire, les tiroirs mémoriels s’ouvrent les uns après les autres. « Peut-être que vous vous êtes vu comme inaltérable. Je ne suis qu’une rumeur. Une rumeur qui se relance parfois, quand j’ai l’imprudence de me trouver là où de grands noms traînent. » Et qui meurt quand elle se fait oublier. Defender lui a dit que ne pas y répondre était la meilleure façon d’agir, parce qu’ils ne peuvent pas empêcher les gens de déformer ce qu’ils voient, de propager des paroles, des idées. Elle n’a pas commenté, n’a pas eu de réaction visible depuis. Elle a bien cherché à se dissimuler, a cessé d’agir les premier jours et ça s’est arrêté après plusieurs semaines, lentement, pour flamber à nouveau auprès de Venom. Elle ne peut que croire les paroles du mentor d’un jour, son expérience : répliquer ne ferait qu’amplifier. Une part d’elle, récente, semble relativiser le problème. L’autre ne cesse de rappeler qu’elle n’a pas su se montrer à la hauteur de l’enseignement, ne peut taire l’impression d’imposture, d’avoir pris une étincelle au Solar et de ne pas pouvoir en assumer le poids. Protéger et servir, la raison profonde pour laquelle elle est encore là, pour laquelle Anastasia s’éteint progressivement derrière Héméra. Pour quoi d’autre ? Dîner romantique calamiteux. Sensation d’avoir écrasé sous l’escarpin d’une conviction brûlante le spectre d’un avenir possible. « Vous êtes de quasi divinités, dans cette société. Vous avez déjà un soleil pour offrir l’espoir. Mourir sera une terriblement grande aventure, finalement. » J.M. Barrie. Peter Pan pour celle que l'Aphrodite avait surnommé Fée Clochette. Prête à jeter sa vie sous un train si nécessaire, à se laisser broyer dans le sillage d’un ennemi trop grand pour elle afin de retarder l’inévitable, de permettre aux vrais héros d’intervenir. Béance s’étire dans le brouillard mental. Flash d’un tango brutal, d’une culpabilité qui tente de remonter à la surface, déstabilisée par une régénération qui cherche à obtenir la version optimale. « J’ai une tradition à honorer. Quel est le péché mignon pour lequel vous ne prenez pas assez le temps ? » Le mauvais café pour Defender, les photos sexy pour Enchantress, la glace et la danse pour Athéna. Volonté toujours vivace d’offrir un instant hors du temps, des responsabilités, de la façade héroïque invulnérable. Oscillation entre une rafale d’émotions contradictoires : les Primordiaux l’agaçaient dans leur tapageuse célébrité, ils ont pris des airs d’humanité en les croisant. Sources de dévastation attachantes.  

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« Tu n'as pas besoin qu'on te materne, donc non. Et j'ai dans l'idée que tu incendierais quiconque essaierait, je me trompe ? » Réminiscences tourbillonnent dans l’esprit, parviennent à percer le myocarde, ramener la part d’Héméra en réelle souffrance, celle qui menace de lâcher prise, d’abandonner, dépassée par des choix qu’elle ne parvient pas à faire, des opportunités qui s’offrent à elle sans qu’elle n’en comprenne ni la raison ni le mérite. Elle va bien répété en riposte, jusqu’à défendre sa trajectoire de vie, jusqu’à prendre le parti de Seraph sur qui elle a pourtant bien des choses à redire, jusqu’à écarter sa propre soeur. Elle va bien et elle tiendra debout, envers et contre tout, quitte à en mourir, parce que la faiblesse n’est plus permise. S’attacher l’a rendue vulnérable. Offrir sa réalité l’a rabaissée au rang de marionnette, petite chose qui n’aurait pas conscience de la dangerosité de la Corporation, de l’arme nucléaire que ses héros semblent représenter, innocente et naïve qui changerait d’avis. S’ouvrir n’a donné qu’un sentiment d’infantilisation, couplé à son impression d’incompétence et elle a choisi de tout faire voler en éclats - détruire plutôt qu’être à nouveau l’objet du désir, d’une quelconque emprise. Détruire plutôt que sentir un piège se refermer autour de ses motivations, tenter de briser ce qui la fait avancer. « Parfois, les rumeurs deviennent légendes et les légendes atteignent l’intouchable firmament. » Le nez se lève vers le ciel, vers les rayons radieux du soleil. Elle se sent toujours mieux quand il caresse la peau, quand il illumine son visage, comme si le baiser tendre de sa lumière était capable d’apaiser tous les maux. Amoureuse, peut-être, d’une sensation d’infinie liberté, loin de tout et de tous, en communion avec l’élément. Tout est plus facile, au lever du soleil. Héméra représente le cycle, la course du temps, l’équilibre délicat entre le Jour et les Ténèbres, le Renouveau, et elle s’avère plus proche du mythe qu’elle ne l’imagine. La destruction au bout de ses doigts n’est qu’une facette de la nécessité à raser le mal pour offrir une nouvelle chance à la vie. Moins une fatalité qu’une incarnation originelle. Héméra, la divinité attribuée comme le titre honorifique qu’elle ne parvient pas à porter.

« Je suis une rumeur fragile. De celles qui vivotent, qui reviennent par vagues et qui s’effacent à terme. Vous êtes immuable, je suis un centre d’intérêt temporaire. J’accepte de parler pour Seraph, pour cette horrible nuit au parc, parce que.. je n’ai plus qu’eux. » Même la tendresse de l’astre au-dessus d’eux ne peut amoindrir cette réalité. « C’est le prix à payer pour le genre de métier qu’on exerce, n’est-ce pas ? La solitude, le jugement et l’incompréhension. » Pourquoi choisir Seraph et non le simple bénévolat ? Pourquoi choisir la brutalité et un rôle à jouer plutôt que la réalité des forces de l’ordre ? Parce qu’il y a bien la notion d’espoir, parce qu’elle peut faire briller les yeux des gamins et leur souffler de ne pas avoir peur du noir, qu’elle sera toujours là pour éclairer leurs pas - même si c’est faux. Parce qu’elle croit que le rêve est la première étincelle du changement, pour tous, sauf pour elle. « Aujourd'hui, les gens savent le prix de tout, et ne connaissent la valeur de rien. » Oscar Wilde, Dorian Gray. La façade que les héros présentent est-elle différente des flétrissures éventuelles de leurs coeurs ? Les gens savent le prix d’une rencontre, d’un tour dans le défunt Resort California, du moindre produit dérivé, s’offusquent de tout et applaudissent pourtant les élans de violence magnifique. Société décadente. Ils connaissent le prix de tout ce que la Firme a à offrir mais pas la valeur des sacrifices qu’elle implique pour les personnes derrière les masques et les caméras. « Briller, c’est s’exposer. Les choses que j’ai à défendre ne sont pas belles. On m’a habillée de blanc, on m’a offert une image élégante et pure, j’ai dévoré toute l’attention de mes parents au détriment d’une soeur qui a eu le malheur de naître banale, et pour quoi ? Rappeler aux hommes qu’ils n’ont pas le droit de toucher une femme qui ne le souhaite pas ? Rappeler aux milieux privilégiés qu’il y a quelqu’un, quelque part, qui pourrait décider de leur dévisser la tête pour avoir la lâcheté de se taire ? » Elle ne le regarde toujours pas, une main faisant voleter discrètement quelques petits cailloux qui traînaient là, sans doute ramenés par quelques adolescents aventureux ayant cherché une belle vue. L’accès par l’intérieur à la zone est d’ailleurs visible non loin. « Ce serait hypocrite. Je n’ai rien dit, moi non plus. J’ai accepté. Peut-être que Defender est un espoir infaillible, que sa brutalité est toujours liée à l’idée de guide pour l’humanité. Je crains de ne pouvoir être qu’une lueur vengeresse. » Déstructurant la réalité pour qu’elle se reforme sur les cendres. « C’est ce que vous vouliez être, vous ? L’Elu parmi la plèbe, celui qui a atteint le rang des dieux ? Je suis sûre que le monde est moins savoureux, du haut de l’Olympe. » Sourire en coin. Ironie de qualifier la Tour ainsi quand elle n’a pas pris la peine de prendre un pseudonyme plus original qu’une divinité primordiale.  

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Ecouter c’est facile, elle se laisse bercer par les idées, le nez levé vers le ciel. Ce doit être grisant, le toit du monde. Ca doit l’être assez pour qu’ils se battent afin de l’atteindre, pour que la puissance démesurée cesse de considérer la masse comme des individus. Ca doit avoir une saveur à nulle autre pareille, suffisante pour équilibrer la balance de ce que peut renvoyer le miroir, chaque soir. « Vous avez tous l’air égocentrique. » Le ton aurait presque l’air d’un miel sucré, glissant l’impression avec trop d’honnêteté. On a beau avoir une idée de la déformation que provoque les médias, difficile d’être insensible aux images qui passent en boucle, s’étalent dans tous les sens, des paquets de céréales aux écrans géants. Celui qui a manqué l’écraser avait peut-être l’énorme tête de Psych à afficher. Pour vendre elle ne sait quoi, à vrai dire. « A plus ou moins grande échelle, l’aspect intouchable et autoritaire place une distance et si on vous contrarie, personne n’a plus les moyens d’y survivre. » Pourquoi pense-t-elle à ça ? Litanie perturbée se heurte répétitivement au dernier mur. Elle doit bien être venue pour quelque chose, elle ne peut pas avoir décidé une promenade de santé en costume. Pas à Downtown. Le pivert obstiné s’acharne dans un coin de l’esprit alors qu’elle a l’air trop tranquille, les pieds dans le vide. « Tu as le droit d'avoir des ambitions de ce genre, certaines sont plutôt amusantes, mais ça ne doit pas être le cœur de ta motivation. Ça n'a jamais été le mien, en tout cas. » « Je n’ai pas cette envie. L’admiration me mettrait mal à l’aise. Et chaque jour de ma vie serait posé sur l’idée qu’on ne m’apprécie pas mais qu’on a peur de faire un faux pas. » Ambition. Echo perce le verre qui éclate avec violence. Les images de l’hôpital se recollent avec Enchantress en point central. Enchantress et son maudit téléphone, son maudit live, sa maudite suprême célébrité. A côté, Defender n’est rien, une poussière qui s’est contentée d’aider sans causer de vague volontaire. Non, elle elle l’a fait volontairement. Les petits cailloux en flottaison sont réduits en poussière d’un simple battement de cil, un regard sur la matière, une bête respiration. Molécules fumées, aussi simplement que ça, dans une pulsation cardiaque qui répercute dans son âme. Elle aurait dû aller travailler. Mais une journaliste doublée d’une Super dont l’anonymat n’existe plus n’a pas d’avenir, elle le sait.

« Ça ne veut pas pour autant dire que nous sommes mauvais, ou malhonnêtes. Je pense qu'on a tous un parcours différents. Nos vies, nos destins ne sont pas une ligne droite sans embuches. Il n'y a pas de gloire sans obstacles à surmonter. » Et elle, elle n’en veut pas, de la gloire. La gloire ça change les gens. La gloire ça détruit l’entourage. Ce n’est pas grave, il n’y a plus personne. Ce n’est pas parce que sa famille n’est plus présente, qu’elle a refermé cette porte, qu’ils ne pourraient pas être mis en danger si elle décidait d’accepter cette nouvelle situation, pleinement. Garder le contrôle. Elle déglutit. Régénération a cessé son influence brouillonne, aurait pu le faire plus vite si un témoin présent lui avait soufflé ce qu’elle faisait là et la raison pour laquelle elle est intervenue - Psych n’a certainement pas voulu causer un choc trop violent. Ils sont parfois égocentriques, pas irresponsables. Les doigts se referment sur le bord de pierre du toit, à s’en blanchir les phalanges. « C'est malheureusement nécessaire. On ne survit pas à cette vie autrement. Mais tu sais déjà tout ça. » Une profonde inspiration et une nouvelle expiration. Oui, elle sait tout ça. Le débat à ce propos dure depuis trop longtemps, incapable de fixer son opinion définitivement. Parfois, elle voit les Primordiaux comme des métahumains qui n’ont d’autre choix que d’avancer, dans la violence et en sacrifiant trop d’eux-mêmes, puis elle se souvient de s’en méfier, de se rappeler que nombre d’entre eux oublient d’avoir de l’empathie, écrasent impitoyablement comme on joue à un jeu. Ils voient l’environnement d’une position qui les écarte trop du commun. « J’ignore ce que je ressens. » C’est trop confus et contradictoire. La colère, la reconnaissance, la peur, la liberté, les chaînes entremêlées devant deux chemins d’avenir. « J’imagine, la même chose que n’importe quel journaliste face à des sources différentes et la conscience que derrière chaque entité trop puissante, il y a des travers dramatiques. » Est-elle prête à les accepter ? Oui, certainement, même si sauter dans le vide est terrifiant. « Avoir l’air sympathiques et bienveillants, c’est notre métier. A quel moment peut-on être sûrs que ça ne devient pas une façade, un rôle ? A quel moment nos relations ne deviennent qu’un vecteur de réussite ? » A quel moment on se perd soi-même ? « Mes parents vivent dans des milieux sociaux où plus rien n’est sincère, on manipule, on tord les réalités, on offre les mensonges qui nous arrangent. Et un jour, on devient le monstre que l’on s’était juré ne jamais devenir. » Gouffre avale, rechute après la légèreté. Le soleil stabilisera, le soleil apaisera, il le fait toujours. « Est-ce que Crimson Sorceress vous a conseillé de vos égarer pour vous trouver ? » Ou Mantis l’y a-t-il obligé ?   

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« Je crois que la différence réside dans le pouvoir. » Pensive, elle semble chercher comment formuler la pensée, par habitude, alors que cela semble parfaitement inutile face à un être comme Psych. « Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. » Une idée qui ne la quitte jamais, qui ne l’a jamais quittée, du jour où ses contours ont cessé d’apparaître au hurlement de sa soeur affirmant qu’elle a été adoptée, du jour où elle est devenue trop solide pour que sa mère s’inquiète de lui faire mal - du jour où elle a vu le regard des hommes d’influence courir sur la silhouette des soeurs Weiss. Defender a brisé les murailles de terreur face à ses capacités, défait les noeuds liés à cette trop vieille peur, parce qu’elle est plus dangereuse en craignant sa nature qu’en en épousant les contours. Ca ne l’empêche pas d’avoir toujours cette opinion sur les conséquences de cette même nature. « Nous sommes nés avec des capacités hors normes. Elles font partie de nous et, en un sens, je pense qu’elles nous influencent plus qu'on ne voudrait l’admettre. Poser une bombe se réfléchit et s’organise. L’outil est extérieur. Nous avons évolué en étant l’arme et la distance nécessaire à ne pas se laisser griser me paraît plus complexe à maintenir. » Les pierres évaporées illustrent malencontreusement son propos : une instabilité quelconque, une émotion trop vive et les tournures peuvent être dramatiques.

Son rire étouffé la détend un peu. Ils ont toujours l’air plus humains quand ils s’en montrent capables. « Je suis la mauvaise personne à qui demander ça. » La tête se tourne vers lui, se penche un peu. Il tapote sa tempe de l’index et un petit oh se forme sur les lèvres, parce qu’elle a déjà laissé de côté l’idée qu’il fouille sa cervelle. Elle devrait s’inquiéter. Elle devrait s’angoisser à la perspective qu’il se promène dans sa tête comme elle se balade dans la rue. Elle y réfléchit un peu, en l’écoutant discourir sur les relations sociales, sur les transactions qu’elles deviennent, avant de conclure qu’elle a déjà défait ses armures auprès du Leader des Primordiaux - celui qui cristallisait son agacement, par la ressemblance, à n’en pas douter - et elle ne voit pas vraiment ce qu’elle aurait à craindre de Psych. Elle n’a rien de particulier à cacher, si ce n’est la danse qu’elle n’arrive plus à exercer, si ce n’est la mort d’Alejandro couverte par les avocats et l’influence de la Corporation. Il peut la juger pour cela, elle se juge déjà bien assez seule. « Vous venez de participer à le changer d’autant plus, je crois. » Une super célébrité de plus pour tourner sur les réseaux, un nouvel écho ajouté aux autres. Il lui faut travailler sur la certitude qu’elle ne se sert pas d’eux, parce qu’ils interviennent sans qu’elle ne les cherche, sans que ce soit sa volonté - c’est le hasard qui la place là, augmenté par le nombre d’interventions croissant : si elle restait chez elle, ses chances de se trouver sur le terrain en leur présence baisseraient drastiquement. Un effet papillon, rien de plus. « Je suis désolée, j’ai tendance à oublier.. qui vous êtes, quand vous vous trouvez à hauteur d’humanité. » Oublier leur puissance, oublier leur distance, voir des êtres sensibles avec qui échanger au-delà de ce qu’ils font, ce dont ils sont capables, du rôle qu’ils jouent. Peut-être que c’est un avantage, que si Seraph Inc a choisi les Weiss, c’est pour la rendre moins sensible à la célébrité, une expérience en décalage - elle ne le saurait jamais.

« J'avais besoin d'évacuer certaines choses, elle m'a donné l'opportunité de le faire. Je ne l'ai réalisé que bien plus tard. J'étais tellement dans ma tête, ce qui est ironique pour quelqu'un comme moi. » Ironique, oui. Le masque est retiré, doucement, petit artifice épuré qu’elle dépose à côté d’elle, parce qu’il est inutile, parce qu’ici, se cacher derrière n’a pas de sens. Les billes aux cercles étranges accrochent la lumière, le minois légèrement relevé vers lui. Impossible de dissimuler la mutation, de prétendre la normalité avec une telle anomalie. Elle comprend l’importance d’avoir quelqu’un qui guide une trajectoire déviante et, en un sens, c’est ce que Maximillian a fait pour elle, à une bien moindre échelle. Une raison d’être reconnaissante, longtemps. Elle a appris en une journée bien plus qu’en une courte vie à batailler avec ses démons. Elle a appris qu’il faut se jeter dans le vide, parfois, pour survivre. Et elle sait qu’elle sera là, dans l’hypothèse absurde où ce serait nécessaire - quoiqu’elle ne voit pas pour quelle raison, sinon une nouvelle guerre. Loyauté acquise. Distante, silencieuse, réelle. « On a parfois besoin de se perdre pour se trouver. Je serais bien le dernier en position de juger. Le tout est simplement d'éviter de perdre les autres avec toi. Chose que je ne réalisais pas. Elle oui. » Un rire soufflé par les narines, un peu désabusé. Elle se redresse, se remet sur ses pieds avec souplesse, ramenant le masque d’un geste fluide de la main entre ses doigts. « C’est l’incroyable avantage d’être seulement de passage dans la vie des gens : personne ne subit le tourbillon de la chute. Pas d’équipe, pas d’entourage, pas de problème. » Si, l’incroyable solitude. Le gouffre d’un quotidien qui n’a pas d’accroche à l’existence, qui n’a pas besoin de vivre pour quiconque, puisque ses obsèques seraient désertes. « Protéger et servir, c’est la seule chose qui compte. » La seule valeur chevillée au corps. Protéger et mourir pour ça. Se mettre en travers de n’importe quelle puissance dévastatrice sans regret, sans avoir à penser à un mari, des enfants ou des projets inachevés.. « Vous avez une équipe, c’est sûrement différent, il faut songer aux autres, aux conséquences. L’assurance de savoir l’état mental de chacun, de pouvoir rassurer pour la cohésion, j’imagine. »    

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- Echo -

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Il n’a pas l’air d’accord et elle s’étonne qu’il n’argumente pas. Il n’en a probablement pas besoin, à quoi bon ? Ils ne se connaissent pas, n’ont aucune raison de partager le même oxygène alors un long débat sur le pouvoir : il a mieux à faire. « Toutes mes excuses, je suppose ? » Haussement d’épaules, geste fluide de la main qui balaye le problème avec une désinvolture tout à fait factice, carapace replacée sur le myocarde de la métahumaine à la trajectoire chaotique. Quelle importance ? Elle ne décide pas, dans un monde pareil. Elle y a cru, longtemps, à sa liberté de décision, parce qu’on l’a laissée finir ses études, on ne l’a pas sermonnée de demeurer entravée par le traumatisme, on lui a offert l’occasion de rester anonyme, d’être aussi bien la journaliste que la super-héroïne. Foutaises. « Mais après tout, ce sont des choses que l'ont attise par nature, plutôt que de l'apaiser. Que ça nous plaise ou non. » Elle penche la tête, doucement, fronce les sourcils en l’observant, laisse flotter une hésitation avant de rouvrir la bouche. « Oh, non. » Trop honnête. Transparence d’opinion. « Même lucide, ça ne change pas grand chose. Je suis indocile, irrévérencieuse, cynique et peu encline à jouer le jeu de l’admiration. Navrée. » Et, par dessus tout, elle n’a plus rien à perdre, plus d’accroche qui nécessite un instinct de survie social. Si les Primordiaux ne l’aiment pas ? Grand bien leur fasse, elle n’a pas réclamé leur présence, ne compte pas les couvrir de compliments, évoquer leur supériorité : ils doivent l’entendre des centaines de fois par jour, faire trembler tout leur univers d’un froncement de sourcil contrarié, obtenir en une moue agacée tout ce qu’ils désirent. S’ils souhaitent la broyer, rien ne les en empêchera, autant vivre avec cette fatalité, au moins libre de dire ce qu’elle souhaite, de penser ce qu’elle veut, à défaut d’avoir l’existence qu’elle espérait. Un seul live d’Hazel avait explosé son quotidien en milliers de morceaux, sans raison aucune sinon l’impulsion soudaine de révéler la dernière chose la liant à ses ambitions. Elle ne fait pas partie de leur univers, son appréciation ne risquant pas d’effleurer leur assurance ou l’avenir de leurs contrats. La population les aime, les médias aussi, la goutte d’eau qu’elle est dans cet océan ne provoquera pas de vague.

« Si, l'incroyable solitude. » Un index se lève, à l’entente de ses propres pensées, un brin accusateur, avant que la paume ne retombe le long du corps. Peut-être qu’elle est seule, en effet, mais c’est pour le mieux. Son caractère peu enclin à se laisser dicter comment avancer n’a jamais aidé à nouer des relations, elle n’est pas douée pour cela, heurte rapidement les sensibilités - la sienne instable, influencée par la lumière. « C'est rassurant, d'une certaine façon. Seul, on doit penser à tout et en tout temps. Et c'est un problème. Différent, certes, mais tout de même. » Un rire bref lui échappe. Elle saisit l’idée d’une équipe rassurante, de partager le fardeau : elle ne l’aime pas. La perspective de dévoiler ses failles à d’autres capes ambitieuses la rend méfiante, même les Teenage Kicks semblant parfois subir quelques rivalités. Héméra n’aime pas la compétitions ni les relations de surface, elle ne veut surtout pas laisser quelqu’un s’engouffrer dans une brèche et la mettre à terre - encore. Si elle peut vivre avec la mort d’Alejandro, le souvenir de ses mains sur sa peau, elle refuse de laisser l’expérience se reproduire, l’ascendant la fragiliser. Seule, avec ses erreurs, face à ses responsabilités. Seule dans le vaste appartement. Déménagement forcé à la Seraph Inc Community, peu enthousiasmant, repères effondrés. « J’ai appris à mes dépends qu’on ne peut faire confiance à personne. » Ni à sa mère qui a passé trop souvent sa frustration sur elle, secouant la gamine incassable à la moindre incartade, ni à son père qui craint trop que la rivalité de ses filles mette un terme à la vie de Cora, humaine, fragile. Pas plus qu’aux Supers en tous genres, pensant à l’image qu’elle peut apporter, éclairant les alliances masculines, poupée qui voulait être reconnue pour son talent qui se retrouve réduite au vulgaire rang d’influenceuse. Fatalisme qui ne parvient pas à se débattre. Enchantress lui avait dit que Seraph ne laisserait rien, c’est pourtant elle-même qui l’a poussée dans la fosse aux lions, sans une main pour retenir l’inévitable chute. « Et j’ai accepté mon sort : la vie pour laquelle n’importe qui tuerait, qu’il faut assumer. » Même si elle n’en a pas voulu, même si ce n’est pas ce qu’elle estime ni être ni mériter. Les pas s’alignent, s’approchent des escaliers de secours mais les talons compensés trompent l’équilibre, pas encore habituée à la nouvelle version du costume. Happée par la gravité, la chute vertigineuse. Une seconde, juste une seconde, l’esprit envisage de ne pas lutter, de se laisser disloquer plusieurs mètres plus bas. Est-ce qu’elle est assez solide pour y résister ? Ce serait l’occasion de savoir. En paix anormale avec l’idée. La mutation en désaccord, la lumière au bout de ses doigts projette la surface translucide qui la rééquilibre, tête à l’envers puis à l’endroit, glissade rapide vers le sol, atterrissage brusque et sans contrôle sur le bitume, à genoux. Héméra a plus peur de se libérer des contraintes physique que de mourir, et c’est un problème. Voler, ça n’est pas naturel. Elle a essayé, au bord de l’océan, depuis la découverte de cette évolution avec Defender, elle parvient à décoller, comprend que ça a pour but de lui sauver la peau, que tout son être se forge vers cet objectif mais elle n’arrive pas à apaiser la crainte. Seraph ne remboursera pas les dégâts si elle heurte les façades, si elle fauche malencontreusement quelqu’un, le déplacement n’est pas discret, elle brille, elle happe l’attention en s’affranchissant des déplacements basiques. Le coeur au bord des lèvres, elle reste agenouillée par terre, le souffle un peu court. Il lui faut retourner voir la psy, elle ne va visiblement pas bien. Elle a tout ce dont chacun rêve et n’a sur la langue que la saveur des cendres. Baiser amer du sentiment d'abandon.   

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@Aaron Monroe