(1M) I liked the way you kiss me

Historique :

NAISSANCE & ENFANCE "fuck it we're broke" (traduction littérale), ça résonne dans l'appartement miteux, dans une des villes perdues d'Europe. Ça sent la poussière, la crasse, la rancoeur, il y a un bébé qui crie dans un coin, et puis rapidement un deuxième ; la mère est sur le canapé, allongée, fatiguée, le père recroquevillée sur le sol, et ils ricanent, dans leurs malheurs. Ils ricanent comme des démons, et ça fait pleurer plus fort encore les bébés ; bébés à la chaîne, cinq en sept ans, le dernier est sur le chemin, et celui-là, celui-là, c'est l'El Dorado. On a vendu sa vie entière pour un beau chèque, de quoi acheter un meilleur canapé et de quoi becqueter pour les autres mioches. Dans quelques années, adieu le beau et neuf canapé, on s'envolera vers l'Amérique, enfin, la mère s'envolera avec le bébé à venir, et ils s'installeront là-bas, encaisseront un chèque encore plus gros, et paf ; substance inconnue qu'on injectera au gamin.

X arrive à Los Angeles avec sa mère à l'âge de six ans. Il ne parle qu'une autre langue, alors il peine à s'intégrer, sa mère lui dit de ne surtout rien lâcher, l'anglais sera mort avant l'Europe. Il grandit au milieu des seringues (pas toutes de Seraph), des yeux rougis d'une mère dépassée, et il apprend à se débrouiller seul. Dans la rue, il découvre ses pouvoirs, s'amuse à cogner dans les murs de brique pour s'amuser à voir à quel point son corps ne s'abîme pas. Gamin s'élève tout seul, se met très tôt au sport, pour tester ses limites. Il cherche à se dépasser ; ce n'est que lorsqu'il est parfaitement crevé que les nuits prennent sens.

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ADOLESCENCE L'adolescence, c'est la consommation : la consommation des corps, la libido qui s'accentue chaque année quand il embrasse, mord, griffe, caresse, chaque jour, soir, nuit une nouvelle silhouette ; la consommation des liqueurs, soirées endiablées en coeur de jeunesse, lui n'est pas invité mais s'incruste, Seraph Inc. le suit de près, avec leurs médecins à ses trousses, ils le sermonnent quand il gonfle trop les muscles en soirée, juste avant de gerber les couleurs des bouteilles ingérées ; la consommation de l'adrénaline, quand il met des coups, quand il sent son biceps s'enflammer, quand il sent sa peau se tendre sous un impact. Il vibre, il frissonne, il recherche toujours plus de sensations fortes, pour ne pas finir comme sa mère le teint livide sur le sofa haute qualité, la main pendante qui attend toujours d'autres substances.

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SERAPH INC. Adulte paumé qui rejoint les rangs ; il devient un des agents des brigades de sécurité de Seraph Inc. Un agent reconnu, un agent apprécié par ses supérieurs pour sa loyauté sans faille, un agent qui sait commander les troupes, mais préfère les interventions solitaires. X s'illustre sur le terrain, en dehors du terrain, il protège, se blesse, mais protège toujours. On lui voue une confiance sans limites, et il aime ça : parce qu'avec la confiance, il y a toujours plus d'intensité dans les missions. Il frôle le danger, frôle la mort, frôle les fautes, plus d'une fois, mais comme un chat, retombe toujours sur ses pattes.
Jusqu'à cette mission là : censé protéger une grande cadre et sa famille pendant un trajet, il a un moment d'inattention, pense croiser sa mère. Un instant, seulement un ; le temps se suspend, l'attaque a lieu sans qu'il ne puisse réagir tout de suite. Deux pertes humaines, et le corps abîmé, il est mis de côté quelques semaines, soit-disant pour son repos ; il ronge son frein, déchaîne sa colère sur sa mère, chez qui il vit encore (à quoi bon déménager quand on est jamais chez soi). La dispute part loin, et il finit par le faire aussi, sac à dos sur les épaules, un dernier majeur tendu, une dernière insulte crachée, il claque la porte, s'installe dans un hôtel.

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KEITH Il a lu le dossier, lu la mission - lancinante de tranquillité, comme toutes les dernières depuis l'Accident. Il croise son regard volontairement, sur un plateau de tournage ; Keith lui sourit, X lève la main en guise de salut. Le soir même, ils se retrouvent au bar, ils boivent, discutent, X manque presque révéler l'objet de la mission, désabusé comme il l'est depuis des années, et surtout, charmé comme il ne l'a jamais été. Keith, lui naïf, se confie. Il parle de son projet de films satyriques, parle de l'incident qu'il a causé, des interviews qu'il aimerait donner pour s'excuser. Il évoque la culpabilité, et celle-ci, X l'étouffe d'un baiser. Un été de rendez-vous, de luxure, de chaleur qui vient nimber la peau, leur offre des halos mordorés ; un été de tendresse, comme il n'a jamais connue, qu'il commence presque à apprécier. Et puis, sans qu'il sache pourquoi, un cadre de Seraph. révèle la vérité à Keith. L'amour devient rancoeur, les caresses deviennent tortures tant elles lui manquent ; cloîtrés à deux dans la belle villa bleue, X assure maintenant la sécurité de Keith mais surtout celle de Seraph., en l'empêchant de s'enfuir.
Les yeux sont brisés, les coeurs sont éclatés, les rires sont devenus des fantômes qui hantent les couloirs immenses de leur maison ; mariés, l'alliance brûlante sur le doigt, les draps froissés seulement par l'absence, puisque même leurs nuits ne sont plus partagées. Ils ont appris à vivre différemment, X toujours l'ombre de Keith, l'observant jusqu'au coeur du sommeil. La confiance est rompue, l'été chaud est lointain ; et il n'y a plus que des hivers pour venir frapper aux fenêtres immenses de la Blue Villa.